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28/10/2021 | FRANCE | N°20MA01805

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 28 octobre 2021, 20MA01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier, représentée par Me Garcia, a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire d'Eygliers a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager.

Par un jugement n° 1802367 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mai 2020 et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 octobre 2020, la soci

té Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier, représentée par Me Garcia et Me Dessinges, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier, représentée par Me Garcia, a demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire d'Eygliers a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager.

Par un jugement n° 1802367 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mai 2020 et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 octobre 2020, la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier, représentée par Me Garcia et Me Dessinges, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1802367 du 6 mars 2020 ;

2°) de surseoir à statuer par un arrêt avant dire droit sur la présente requête en appel dans l'attente du jugement à intervenir du tribunal administratif de Marseille par lequel il se prononcera sur la légalité du PLU de la commune d'Eygliers approuvé le 29 mars 2020 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire d'Eygliers a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager ;

4°) d'annuler la délibération du 27 mars 2019 par laquelle la commune d'Eygliers a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Eygliers la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une procédure est pendante devant le tribunal administratif de Marseille pour annuler la délibération du 27 mars 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Eygliers a approuvé " la révision générale n° 1 du plan local d'urbanisme " ;

- la procédure contradictoire préalable n'a pas été respectée ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant comme inopérant la méconnaissance des articles L. 103-2 et L. 103-3 du code de l'urbanisme ;

- les règes du plan local d'urbanisme sur lesquelles se fonde le sursis à statuer méconnaissent les dispositions des articles L. 122-5, L. 122-7, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-10 du code de l'urbanisme ;

- le projet d'aménagement et de développement durables méconnait les dispositions de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme ;

- le classement des parcelles ZE n° 10, 11 et 16 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 août 2020 et le 26 novembre 2020, la commune d'Eygliers, représentée par Me Rouanet, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

- la requête d'appel est irrecevable en l'absence de moyens afférents à l'appel ;

- les moyens soulevés par la société requérante sont infondés.

Les parties ont été informées, le 7 octobre 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 27 mars 2019 par laquelle la commune d'Eygliers a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dessinges, représentant la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 juillet 2017, la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier a présenté une demande de permis d'aménager pour la création d'un lotissement de vingt-et-un lots sur une parcelle cadastrée ZE 10 de 13 899 mètres carrés, située lieudit Les Blancs à Eygliers. Par un arrêté du 13 février 2018, le maire d'Eygliers a sursis à statuer sur cette demande. La société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier relève appel du jugement du 6 mars 2020, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annuler l'arrêté du 13 février 2018.

Sur les conclusions tendant à surseoir à statuer par un jugement avant dire droit :

2. La société pétitionnaire soutient qu'une procédure est pendante devant le tribunal administratif de Marseille pour annuler la délibération du 27 mars 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Eygliers a approuvé " la révision générale n° 1 du plan local d'urbanisme ". Elle demande par suite de surseoir à statuer par un arrêt avant dire droit sur la présente requête en appel dans l'attente du jugement.

3. Toutefois, l'issue du litige en instance devant le tribunal administratif de Marseille est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Les conclusions tendant à surseoir à statuer par un jugement avant dire droit ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'exception de non-lieu :

4. La commune d'Eygliers fait valoir qu'un sursis à statuer a été opposé à la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier par une décision du 13 février 2018 pour une durée de deux ans expirant au 14 février 2020, qu'ainsi cette décision a cessé de produire ses effets et qu'en conséquence, les conclusions de la société requérante sont devenues sans objet. Toutefois, la seule circonstance qu'une décision ait produit tous ses effets n'est pas, à elle seule, de nature à priver d'objet les conclusions tendant à son annulation. Dès lors, l'exception de non-lieu opposée par la commune d'Eygliers ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de ce que le tribunal aurait considéré comme inopérant au terme d'une erreur de droit le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 103-2 et L. 103-3 du code de l'urbanisme.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant sursis à statuer sur la demande de permis d'aménager :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".

7. L'arrêté du 13 février 2018 du maire d'Eygliers statue sur une demande de la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier. Son adoption n'était ainsi pas soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable en application des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du même code doit dès lors être écarté.

8. En deuxième lieu, un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

9. En l'espèce, si la société requérante soutient que les zones d'orientation d'aménagement programmé AUb, AUc et AUd situées dans la plaine fertile méconnaissent les dispositions des articles L. 122-5, L. 122-7, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-10 du code de l'urbanisme en ce qu'elle devaient être maintenues en zone agricole, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité du sursis à statuer qui se fonde sur le classement des parcelles ZE n° 10, 11, 14, 15 et 16 en zone agricole en cohérence avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables.

10. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ".

11. La société requérante soutient que le projet d'aménagement et de développement durables de la commune d'Egyliers ne comporte pas d'orientations générales portant sur une politique de protection des espaces agricoles en sorte qu'il méconnaitrait les dispositions précitées de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme. Il ressort toutefois dudit projet que la commune prévoit, dans son objectif n° 3, de veiller à la modération de la consommation d'espace et lutter contre l'étalement urbain, notamment en limitant la consommation d'espace à sept hectares, en luttant contre les dents creuse et en densifiant les parties actuellement urbanisées. Cette orientation, contrairement à ce que soutient la société requérante, doit être regardée comme la traduction du préambule du projet d'aménagement et de développement durables qui indique que la commune souhaite vouloir préserver les terres agricoles pour le maintien de l'activité et du cadre de vie, particulièrement celle qui sont de bonne qualité, à savoir les terres plates et celles destinées à l'irrigation, en prévoyant une consommation limitée des terres pour le développement de la partie basse d'Eygliers tel que cela ressort de l'objectif n° 1, la commune souhaitant parallèlement recréer une centralité autour de la gare. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté portant sursis à statuer qu'elle conteste se fonde sur un projet d'aménagement et de développement durables qui méconnaitrait les dispositions de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme.

12. En quatrième lieu, la société requérante soutient que l'intention de classer les parcelles ZE n° 10, 11, 14, 15 et 16 en zone A du projet de plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ces parcelles sont manifestement dépourvues de caractère agricole, composées d'un terrain caillouteux, pentu, non irrigable et de faible valeur agricole avec des pelouses sèches et qu'elles sont classées sous l'empire du plan local d'urbanisme en vigueur à la date de l'arrêté contesté en zone AUb. Elle soutient également qu'elles sont situées à proximité immédiate d'une zone U desservie par les réseaux et ne sont séparés du hameau des Blancs que par la voie communale, étant précisé que ce quartier comprend plus d'une vingtaine de maison d'habitation. Elles se situent par ailleurs dans le prolongement du hameau de Basse Boyère. Ainsi, la société requérante soutient que le hameau des Blancs conserverait à la suite du projet une silhouette compacte, contribuant à préserver les perspectives paysagères et la pérennité des espaces ouverts en lien avec l'activité agricole.

13. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet d'aménager présente, pour plus d'un tiers de sa surface, un potentiel agricole fort quand bien même il ne serait pas irrigué. L'étude Ecoter du terrain d'assiette portant sur le prédiagnostic et l'analyse de risque au titre de Natural 2000 souligne que le terrain est une parcelle agricole en friche, qui ne compte que quelques dizaines de mètres carrés de pelouse et de pierrier à rapporter au 13 899 m² du terrain, contredisant ainsi les allégations de la société requérante. Ces parcelles constituent un vaste secteur séparé du hameau de la Rua par une voie communale et qui assure la discontinuité avec le hameau de Basse Boyère. Or, les orientations du projet d'aménagement et de développement durables prévoient d'une part de limiter la consommation d'espace agricole à sept hectares, et, d'autre part, de lutter contre l'étalement urbain, de préserver les silhouettes paysagères des hameaux et de prioriser le développement urbain sur la partie basse de la commune. Le classement en zone agricole des parcelles en litige dans le nouveau plan local d'urbanisme, permet à la fois de limiter la consommation d'espace agricole et de préserver la silhouette paysagère des hameaux, dès lors que, sur ce dernier point, le projet envisagé conduirait à réunir deux hameaux aujourd'hui distants. Par suite, et quand bien même les terrains d'assiette seraient situés à proximité immédiate d'une zone urbanisée desservie par les réseaux, eu égard à leur potentiel agricole et aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables, la commune des Eygliers étaient fondée, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, à envisager de classer les terrains en litige en zone agricole.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel, que la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier n'est pas fondée à demander d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1802367 du 6 mars 2020 et d'annuler l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le maire d'Eygliers a sursis à statuer sur sa demande de permis d'aménager.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 27 mars 2019 par laquelle la commune d'Eygliers a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme :

15. Si la société requérante demande l'annulation de la délibération du 27 mars 2019 par laquelle la commune d'Eygliers a approuvé la révision n° 1 du plan local d'urbanisme, ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Eygliers, qui n'est pas la partie perdante, des frais d'instance. En application des mêmes dispositions il convient de mettre à la charge de la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Eygliers et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier est rejetée.

Article 2 : La société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier versera à la commune d'Eygliers la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dominique Bérard - Claude Abelli Immobilier et à la commune d'Eygliers.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 octobre 2021.

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N° 20MA01805

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01805
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Application des règles fixées par les POS ou les PLU. - Application dans le temps. - Mesures de sauvegarde - Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SELARL ROUANET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-28;20ma01805 ?
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