La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2021 | FRANCE | N°20MA04254

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 26 octobre 2021, 20MA04254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée L'immobilière Groupe Casino a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 7 juillet 2018 par laquelle le conseil municipal de Nîmes a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900129 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr

s le 19 novembre 2020 et le 16 juillet 2021, la société L'immobilière Groupe Casino, représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée L'immobilière Groupe Casino a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 7 juillet 2018 par laquelle le conseil municipal de Nîmes a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1900129 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 novembre 2020 et le 16 juillet 2021, la société L'immobilière Groupe Casino, représentée par la SELARL Concorde Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la délibération du 7 juillet 2018 par laquelle le conseil municipal de Nîmes a approuvé la révision du plan local d'urbanisme, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement ne se prononce pas sur la branche du moyen qu'elle soulevait relatif à l'obligation de créer une place de parking pour 20 mètres carrés de surface de plancher, obligation qui porte atteinte à la liberté d'entreprendre ;

- l'avis de la commission d'enquête est insuffisamment motivé et méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'environnement ;

- les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme en matière de stationnement en zone V UE portent une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre, en méconnaissance notamment du droit de l'Union européenne ;

- ces dispositions du règlement de la zone V UE ne sont pas cohérentes avec le projet d'aménagement et de développement durable, notamment avec l'objectif de renforcer l'attractivité des centres commerciaux, et méconnaissent ainsi l'article R. 151-9 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 avril 2021 et le 29 juillet 2021, la commune de Nîmes, représentée par la SELARL Maillot Avocats et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société L'immobilière Groupe Casino la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société L'immobilière Groupe Casino ne sont pas fondés ;

- en tout état de cause, il conviendra de faire usage des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme relatives au sursis à statuer et de la possibilité de ne prononcer qu'une annulation partielle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 24 août 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Ducros, représentant la société L'immobilière Groupe Casino, et de Me Montesinos Brisset, représentant la commune de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 29 mai 2010, la conseil municipal de Nîmes a engagé une procédure de révision du plan local d'urbanisme de la commune et a défini les modalités de la concertation avec le public. Le projet de plan local d'urbanisme a ensuite été arrêté par délibération du 30 septembre 2017, avant d'être soumis aux personnes publiques associées et à enquête publique. Ce plan a été adopté par délibération du 7 juillet 2018. La société L'immobilière Groupe Casino relève appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 7 juillet 2018 et à celle de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Nîmes a répondu, au point 11 du jugement attaqué, au moyen soulevé par la société L'immobilière Groupe Casino selon lequel les dispositions de l'article V UE12 du règlement du plan local d'urbanisme, qui prévoient la construction d'une place de parking pour 20 mètres carrés de surface de plancher, porteraient atteinte à sa liberté d'entreprendre. Dans sa réponse, le tribunal a rappelé ces dispositions, a noté qu'elles introduisaient un changement par rapport à la règle antérieure obligeant de prévoir une place de parking pour vingt mètres carrés de surface de vente, a indiqué que la société requérante ne se prévalait d'aucune disposition faisant obstacle à l'utilisation de la notion de " surface de plancher " et a rappelé le parti d'aménagement de la commune de Nîmes tendant à la densification des centres commerciaux. Le tribunal, qui n'était pas obligé de répondre à tous les arguments invoqués par les parties, a ainsi motivé de manière suffisante sa réponse au moyen qui était soulevé devant lui.

3. La société L'immobilière Groupe Casino critique, en outre, le jugement du tribunal administratif de Nîmes en estimant qu'il serait entaché de nombreuses erreurs dans l'examen des pièces du dossier et dans la réponse qui a été apportée aux moyens soulevés. De tels moyens, qui sont sans incidence sur la régularité du jugement, relèvent de son bien-fondé et sont examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

5. Il ressort du rapport de la commission d'enquête que celle-ci a pris en compte l'observation de la société L'immobilière Groupe Casino relative au stationnement requis calculé en fonction de la surface de plancher du centre commercial et non plus en fonction de la seule surface de vente. Ce rapport mentionne le commentaire de la commune de Nîmes selon lequel " la surface de stationnement limitée est une obligation légale " et la commission d'enquête a alors estimé que cette réponse était satisfaisante. Ainsi, la commission d'enquête qui, par ailleurs, a suffisamment motivé ses conclusions, a bien examiné l'observation de la société et celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la commission d'enquête méconnaîtrait les dispositions applicables.

6. En deuxième lieu, les limitations au principe de la liberté d'entreprendre doivent être justifiées par des exigences constitutionnelles ou par l'intérêt général et à la condition qu'il n'en résulte pas des atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Les limites portées à l'exercice du droit de propriété sont également possibles si elles sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

7. Les dispositions de l'article V UE12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes prévoient que le centre commercial Cap Costières où la société L'immobilière Groupe Casino est propriétaire de surfaces commerciales devra prévoir " 1 place pour 20 m² de surface de plancher " alors que le règlement de la zone d'aménagement concertée (ZAC) du Mas de Vignoles n'imposait précédemment qu' " Une aire de stationnement par tranche de 20 m² de surface de vente ". En l'espèce, ainsi que l'indique la société requérante, le centre commercial a une surface de vente de 21 985 mètres carrés, une surface de plancher de 44 998 mètres carrés et 2 291 places de parking. Ainsi, ce centre commercial, qui dispose d'une place de parking pour 19,64 mètres carrés de surface de plancher respecte les nouvelles dispositions applicables. La société L'immobilière Groupe Casino fait cependant état d'un projet d'extension du centre commercial prévoyant des surfaces de vente s'élevant à 31 286 mètres carrés et de plancher s'élevant à 58 987 mètres carrés ainsi que 2 485 places de parking alors qu'il en faudra, avec les nouvelles règles, 2 948, soit une différence de 464 places.

8. Toutefois, il est constant que les règles d'urbanisme applicables permettent la création de places pour le stationnement soit souterraines soit en hauteur et d'atteindre ainsi le niveau de 2 948 places. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société, qui se borne à faire état brièvement du coût financier des travaux et des contraintes techniques, serait dans l'impossibilité d'effectuer les aménagements nécessaires pour avoir un nombre suffisant de places de stationnement au regard des dispositions de l'article V UE12 du règlement du plan local d'urbanisme. Enfin, la société L'immobilière Groupe Casino n'établit pas que la nouvelle règle prévoyant une place de stationnement pour 20 mètres carrés de surface de plancher aboutirait à un nombre excessif de places par rapport aux besoins du centre commercial, notamment ceux de sa clientèle.

9. Ainsi, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre de la société L'immobilière Groupe Casino et à l'exercice de son droit de propriété est très limitée et justifiée par un motif d'intérêt général. Les moyens tirés de la méconnaissance de liberté d'entreprendre et du droit de propriété, garantis également par le droit de l'Union européenne, doivent dès lors être écartés.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, applicable à compter du 1er janvier 2016 : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

11. Ainsi que le relève la société L'immobilière Groupe Casino, le projet d'aménagement et de développement durables a notamment pour objectif d'améliorer l'attractivité, l'accessibilité et l'image des zones d'activités existantes. Pour les motifs déjà mentionnés au point 8, le renforcement des contraintes relatives aux places de stationnement n'empêche pas le développement du centre commercial Cap Costières, notamment son extension. En outre, une telle zone d'activités doit avoir un nombre de places suffisant pour accueillir sa clientèle, un tel nombre contribuant ainsi à son attractivité, à son accessibilité et à son image. Par suite, les dispositions de l'article V UE12 du règlement du plan local d'urbanisme sont cohérentes avec l'objectif précédemment mentionné du projet d'aménagement et de développement durables.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société L'immobilière Groupe Casino n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société L'immobilière Groupe Casino au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société L'immobilière Groupe Casino une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Nîmes au titre de ces frais.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société L'immobilière Groupe Casino est rejetée.

Article 2 : La société L'immobilière Groupe Casino versera une somme de 2 000 euros à la commune de Nîmes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée L'immobilière Groupe Casino et à la commune de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021.

N° 20MA04254 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04254
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-26;20ma04254 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award