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21/10/2021 | FRANCE | N°20MA03196

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 21 octobre 2021, 20MA03196


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 39 645,60 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité, d'une part, de la décision implicite, née le 27 novembre 2012, et, d'autre part, de l'arrêté du 30 août 2013, par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1701180 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nice a condam

né l'Etat à lui verser une somme totale de 3 665 euros, assortie des intérêts au tau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 39 645,60 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité, d'une part, de la décision implicite, née le 27 novembre 2012, et, d'autre part, de l'arrêté du 30 août 2013, par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1701180 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à lui verser une somme totale de 3 665 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 août 2020 et le 17 août 2021, M. A... B..., représenté par Me Ajil, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nice pour porter à la somme de 39 645,60 euros le montant de l'indemnité au versement de laquelle l'Etat a été condamné en réparation de ses préjudices ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a omis de statuer sur les conclusions tendant au versement d'une indemnité de 21 892 euros au titre de ses pertes de salaire ;

- contrairement à la lecture que le tribunal a faite de ses écritures, il n'a pas demandé le remboursement d'une dette locative mais l'indemnisation à hauteur de 5 664,40 euros de la perte de chance de signer un contrat de travail après l'obtention d'une promesse d'embauche, dont il a justifié, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges ;

- il est fondé à demander le versement d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'impossibilité de percevoir l'allocation de retour à l'emploi, de la diminution de ses droits à pension de retraite et de la perte de chance de saisir le conseil des prud'hommes pour être indemnisé de son licenciement ;

- ayant été privé d'emploi pendant 18 mois, il a subi une perte de revenus qu'il y a lieu d'évaluer à 21 892 euros ;

- il est également fondé à demander le versement d'une indemnité de 2 089,20 euros au titre des congés afférents aux périodes d'emploi dont il a été privé ;

- il a subi un préjudice moral dont il sera fait une juste indemnisation en lui allouant la somme de 5 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Vu la note en délibéré présentée pour M. A... B..., enregistrée le 16 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 15 août 1979, relève appel du jugement du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Nice en ce qu'il a limité à la somme globale de 3 665 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision implicite, née le 27 novembre 2012, et de l'arrêté du 30 août 2013 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal n'a pas omis de se prononcer sur ses conclusions tendant à être indemnisé de ses pertes de revenus, au titre desquelles il lui a alloué une somme de 2 053 euros, au point 5 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'instruction que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison des décisions des 27 novembre 2012 et 30 août 2013, par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à la demande de M. A... B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, que le tribunal administratif de Nice a jugées illégales par un jugement n° 1300449 du 25 octobre 2013 devenu définitif.

4. En premier lieu, le requérant, qui invoque une perte de chance de signer un contrat de travail, doit en réalité être regardé comme demandant la réparation des troubles de toute nature résultant de ce qu'il n'a pu être employé du fait des refus de titre de séjour illégaux, notamment l'impossibilité de payer le loyer de son logement, de subvenir aux besoins de ses enfants et de bénéficier d'une aide au logement. Toutefois, en se bornant à se prévaloir du lien de causalité existant entre les mesures litigieuses et ce préjudice financier, le requérant ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance, en dépit de la demande que lui adressée la cour, du montant de l'indemnité sollicitée à ce titre de 5 664,40 euros.

5. En deuxième lieu, s'il avait été mis en possession d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, M. A... n'aurait pu être licencié en raison de sa situation irrégulière et n'aurait, de ce fait, eu vocation ni à saisir le conseil de Prud'hommes pour être indemnisé d'un licenciement abusif, ni à bénéficier des allocations de retour à l'emploi. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les refus illégaux de séjour lui ouvrent droit à la réparation des préjudices qui ont, selon lui, résulté de l'impossibilité d'être indemnisé tant par le juge de la rupture du contrat de travail que par Pôle emploi.

6. En troisième lieu, M. A... n'établit pas, par la seule production d'une promesse d'embauche dactylographiée établie le 23 juillet 2012 par la société DP Déco Peinture, sur laquelle ont été ajoutés en marge et à la main ses nom et adresse, que la décision implicite du 27 novembre 2012 l'a privé d'une chance d'être recruté par cet employeur. En outre, l'intéressé, qui a été mis en possession à compter du 13 novembre 2013 d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, ne fait état d'aucune difficulté qui l'aurait alors empêché de retrouver un emploi et n'apporte aucune preuve des démarches qu'il aurait entreprises afin de retrouver un emploi. Par suite, il n'est fondé à demander l'indemnisation de ses pertes de salaire qu'entre les 30 septembre et 14 novembre 2013. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de travailler durant cette période en allouant à M. A... une indemnité de 2 500 euros.

7. En quatrième lieu, les premiers juges ont fait une insuffisante réparation du préjudice moral de M. A... B..., au titre duquel l'intéressé est fondé à demander le versement d'une somme de 2 000 euros.

8. En dernier lieu, M. A..., qui n'a pas justifié du montant de l'indemnité sollicitée au titre des pertes de droit à pension en dépit de la demande que lui adressée la cour, n'est pas recevable à demander la réparation de ce préjudice financier.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... est fondé à demander que l'indemnité allouée par les premiers juges soit portée à la somme de 4 500 euros.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat, à verser à M. A... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 3 665 euros que le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à verser à M. A... B... par le jugement n° 1701180 du 30 janvier 2020 est portée à 4 500 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1701180 du 30 janvier 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.

N° 20MA03196 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03196
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : AJIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-21;20ma03196 ?
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