Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELARL Pharmacie B... et la SNC Pharmacie du Bercail ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 20 janvier 2017 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé le transfert de la licence de l'officine de pharmacie exploitée par la SELARL Agostini Artigues.
Par un jugement n° 1700645 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 juin 2019 et le 1er juillet 2020, la SELARL Pharmacie B... et la SNC Pharmacie du Bercail, représentées par
Me Varron-Charrier, dans le dernier état de leurs écritures, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre à la SELARL Agostini Artigues de cesser l'exploitation de son officine de pharmacie dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de chacune des parties adverses une somme de
5 000 euros à verser à M. B... et à M. et Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la procédure est viciée faute pour l'agence régionale de santé (ARS) d'avoir procédé à un nouvel examen de la demande de transfert de l'officine dont la précédente autorisation a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1500602 du 22 décembre 2016 ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors notamment qu'elle ne reprend pas les avis obligatoires rendus par les différents organismes professionnels consultés sur la demande d'autorisation de transfert ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique, dès lors que l'ARS ne pouvait autoriser le transfert d'une licence devenue caduque ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 septembre 2019 et le 11 août 2020, la SELARL Agostini Artigues, représentée par Me Simon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérantes la somme de 5 000 euros chacune, au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- la requête est irrecevable, en raison du défaut d'intérêt pour agir des requérantes ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
7 septembre 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Varron-Charrier, représentant la SELARL Pharmacie B... et la SNC Pharmacie du Bercail, et de Me Simon, représentant la SELARL Agostini Artigues.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 16 décembre 2014, le directeur général de l'agence régionale
de santé (ARS) Provence Alpes Côte d'Azur (PACA) a autorisé le transfert de la licence de l'officine de pharmacie exploitée par la SELARL Agostini Artigues du 12 bis rue Cyrus Hugues vers le 523 avenue de Rome, zone d'aménagement concerté (ZAC) des Playes, au lieu-dit " Collet de Malespine ", sur le territoire de la commune de La Seyne-sur-Mer (Var). Par un jugement du
22 décembre 2016 du tribunal administratif de Toulon, cette décision a été annulée.
Le 20 janvier 2017, le directeur général de l'ARS PACA a pris une nouvelle décision autorisant le transfert. La SELARL Pharmacie B... et la SNC Pharmacie du Bercail relèvent appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur requête dirigée contre la décision du 20 janvier 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) la décision (...) de transfert (...) est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé après avis des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens (...) ". Aux termes de l'article R. 5125-1 du même code : " L'autorisation (...) de transfert d'une officine de pharmacie (...) est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s'il s'agit d'une personne morale ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 16 décembre 2014 par laquelle le directeur général de l'ARS PACA avait autorisé le transfert de la pharmacie Agostini-Artigues du 12 bis rue Cyrus Hugues vers le 523 avenue de Rome, au motif que cette autorisation était affectée d'un vice de forme, tiré de ce que son auteur ne pouvait pas être identifié avec certitude, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui imposent qu'une décision écrite prise par une des autorités administratives au sens de cette loi comporte la signature de son auteur et les mentions prévues par cet article. Il en résulte qu'en raison des effets de cette annulation, le directeur général de l'ARS, qui restait saisi de la demande de transfert, devait se prononcer à nouveau sur celle-ci au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa nouvelle décision. En l'absence de changement dans ces circonstances, il n'était pas tenu, avant de reprendre la décision, de procéder à une nouvelle instruction du dossier et notamment à une nouvelle consultation des organisations professionnelles prévue par l'article L. 5125-4 du code de la santé publique.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'autorisation de transfert d'une officine qui ne constitue pas une décision administrative individuelle défavorable, au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, n'a pas à être motivé. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 20 janvier 2017 ne peut qu'être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de la caducité de la licence :
5. Aux termes de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique : " L'officine dont (...) le transfert (...) a été autorisé doit être effectivement ouverte au public au plus tard à l'issue d'un délai d'un an, qui court à partir du jour de la notification de l'arrêté de licence, sauf prolongation en cas de force majeure. (...) La cessation définitive d'activité de l'officine entraîne la caducité de la licence, qui doit être remise au directeur général de l'agence régionale de santé par son dernier titulaire ou par ses héritiers. Lorsqu'elle n'est pas déclarée, la cessation d'activité est réputée définitive au terme d'une durée de douze mois. Le directeur général de l'agence régionale de santé constate cette cessation définitive d'activité par arrêté. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 8 octobre 2015, que l'autorisation de transfert de la licence de l'officine de pharmacie exploitée par la SELARL Agostini délivrée le 16 décembre 2014, a été mise en œuvre dans le délai d'un an à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article
L. 5125-7 du code de la santé publique. Il en résulte que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en raison de l'annulation rétroactive prononcée par le jugement du 22 décembre 2016 du tribunal administratif de Toulon, qui est sans effet sur la réalité de l'effectivité de cette ouverture, la licence de cette officine était devenue caduque, à la date de la décision attaquée du 20 janvier 2017, faute d'être exploitée depuis plus de douze mois, et que la demande de transfert était devenue sans objet. Elles ne sont pas davantage fondées à soutenir que, compte tenu des effets du jugement d'annulation de la première autorisation de transfert, l'administration ne pouvait autoriser à nouveau ce transfert, alors que l'officine qui le demandait n'exerçait plus son activité dans le local initial.
S'agissant du bien-fondé du transfert :
7. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique alors applicable : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde ou d'urgence mentionné à l'article L. 5125-22 ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'une officine ne peut être autorisé qu'à la double condition qu'il ne compromette pas l'approvisionnement normal en médicaments de la population du quartier d'origine et qu'il réponde à un besoin réel de la population résidant dans le quartier d'accueil.
8. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé sur l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine et du quartier de destination où l'officine doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments.
9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la ville de la Seyne-sur-Mer comptait en 2014, 62 641 habitants, et en 2017, 64 675 habitants, pour 23 pharmacies inégalement réparties sur son territoire. Le local d'origine de la pharmacie Agostini Artigues se situait dans le quartier du centre-ville qui est notamment composé de l'IRIS (îlot regroupé pour l'information statistique) n° 0103, selon le découpage du territoire communal opéré par l'INSEE. En faisant référence à la population de ce quartier et au nombre très dense de pharmacies qui y sont implantées, le directeur de l'ARS a considéré que l'approvisionnement normal de la population du quartier d'origine n'était pas compromis par le transfert sollicité, ce que les requérantes ne contestent pas.
10. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que le directeur de l'ARS, après avoir relevé que le local choisi pour le transfert se situe à 3 kilomètres de l'emplacement d'origine, a étudié la population du quartier d'accueil, dit quartier nord composé, outre de l'IRIS n° 0501 où se situe le local de l'officine, de six autres IRIS n° 0502, 0503, 0504, 0505, 0506 et 0507 qu'il coiffe en fer à cheval. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à faire valoir que l'autorité administrative a entaché sa décision de contradiction en retenant des échelles de territoire différentes pour apprécier le respect des conditions rappelées au point 5.
11. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, le directeur général de l'ARS a pu légalement apprécier le transfert à l'échelle de l'ensemble de ce quartier nord délimité par les trois grands axes que constituent la départementale 559, la voie de chemin de fer et une portion de l'A50 et composé d'une population de 15 935 habitants, selon le chiffre du recensement de 2011, qui est le seul probant en l'espèce, étant précisé que si les requérantes soutiennent que la population dans plusieurs IRIS du quartier nord a baissé entre 2014 et 2017, elles ne l'établissent nullement. Il ressort des pièces du dossier que l'ARS a considéré que le transfert litigieux a ainsi pour effet de porter à cinq le nombre d'officines de pharmacie implantées dans ce quartier nord, ce qui représentait, en 2014, une officine pour 3 187 habitants, ratio supérieur à celui de la commune qui est d'une officine pour 2 723 habitants, ces ratios étant, au 1er janvier 2017, légèrement inférieurs, soit respectivement une officine pour 3 265 habitants et une pour 2 811. Si la pharmacie du Bercail soutient qu'elle aurait dû être comprise parmi les officines desservant le quartier nord, elle est implantée en périphérie de ce quartier, dans l'IRIS n° 0402 qui est rattaché au quartier ouest, lequel est séparé du quartier nord par la départementale 559. Par ailleurs, la pharmacie B..., située à 1,3 kilomètres du local d'implantation, ne soutient ni même n'allègue qu'elle devrait être prise en compte pour apprécier l'approvisionnement normal en produits pharmaceutiques de la population du quartier nord. En outre, le local d'accueil se situe à proximité immédiate d'un pôle de santé comportant plusieurs dizaines de professionnels. Par suite, c'est au terme d'une analyse complète et sans erreur de droit ou d'appréciation que le directeur de l'ARS a considéré que le transfert litigieux répond de façon optimale aux besoins en médicaments de la population du quartier d'accueil.
12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le lieu d'accueil est aisément accessible tant aux piétons qu'aux automobilistes et qu'il est desservi par des transports publics en nombre suffisant. En se bornant à faire état d'emplacements de parkings réduits, ainsi que de difficultés pour les déplacements pédestres ou en invoquant des lignes de desserte publique notoirement insuffisantes, les requérantes ne démontrent pas que le lieu de transfert ne garantit pas un accès permanent du public à la pharmacie.
13. En dernier lieu, le moyen tiré de ce qu'une partie de la clientèle des sociétés requérantes serait attirée par la pharmacie Agostini Artigues est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
14. Il résulte de ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des requérantes, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Sur les conclusions en injonction :
15. Les conclusions à fin d'annulation de la SELARL Pharmacie B... et de la
SNC Pharmacie du Bercail doivent être rejetées. Il y a lieu, de rejeter par voie de conséquence leurs conclusions en injonction.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de la SELARL Pharmacie B... et de la SNC Pharmacie du Bercail, qui succombent à la présente instance, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de chacune des sociétés requérantes une somme de 2 000 euros à verser à la SELARL Agostini Artigues, au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie B... et de la SNC Pharmacie du Bercail est rejetée.
Article 2 : La SELARL Pharmacie B... et la SNC Pharmacie du Bercail verseront, chacune, une somme de 2 000 euros à la SELARL Agostini Artigues, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie B..., à la SNC Pharmacie du Bercail, à la SELARL Agostini Artigues et au ministre de la solidarité et de la santé.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé PACA.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
N° 19MA026383