Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D..., Mme C... D... et M. B... D..., représentés par Me Palerm, ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté n° PC08312715T0013 du 22 juillet 2015 du maire de la commune de Signes délivrant un permis de construire à M. A..., ensemble la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux adressé le 21 septembre 2015.
Par un jugement n° 1600168 du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mars 2019 et le 31 mai 2019, M. E... D..., Mme C... D... et M. B... D..., ayant été désigné comme représentant unique en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, représentés par Me Palerm, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° PC08312715T0013 du 22 juillet 2015 du maire de la commune de Signes délivrant un permis de construire à M. A..., ensemble la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux adressé le 21 septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Signes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils n'ont pas intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- l'avis du service en charge de l'assainissement n'a pas été délivré, en méconnaissance de l'article A4 du règlement du Plan Local d'Urbanisme (PLU), de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme et de l'article 153 du règlement sanitaire départemental ;
- M. A... n'a pas justifié de l'autorisation prévue par l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;
- M. A... aurait dû solliciter un permis de construire pour les bâtiments illégaux qui se trouvaient sur le terrain d'assiette du projet ;
- les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du PLU ont été méconnues ;
- le projet comporte des risques sanitaires, en méconnaissance du règlement sanitaire départemental, et porte ainsi atteinte à la sécurité au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et à l'environnement au sens de l'article R. 111-15 du même code ;
- les règles de distance posées par le règlement sanitaire départemental n'ont pas été respectées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, M. A..., représenté par Me Chaussée, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les requérants n'établissent pas avoir intérêt pour agir et leur requête est ainsi irrecevable ;
- les moyens soulevés sont en tout état de cause infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, la commune de Signes, représentée par Me Rivolet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants n'établissent pas avoir intérêt pour agir et leur requête est ainsi irrecevable ;
- les moyens soulevés sont infondés.
Par une lettre du 10 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.
Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Chaussée, a présenté ses observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural ;
- le code de l'urbanisme ;
- le règlement sanitaire du département du Var, et en particulier ses articles 154 à 156 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Quenette,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Palerm, représentant les consorts D... et de Me Rivolet représentant la commune de Signes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 juillet 2015, le maire de la commune de Signes a délivré un permis à M. A... aux fins de construire un abri à cochons, un pigeonnier, des bureaux, un auvent, un appentis et d'agrandir une bergerie pour une superficie de 223,15 m². Les consorts D... ont introduit un recours gracieux le 21 septembre 2015 auprès du maire afin qu'il retire cette décision. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande. Les consorts D... relèvent appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il est constant que les nouvelles constructions en litige seront implantées sur la parcelle K. 141 de la commune de Signes, sur laquelle M. E... D..., aux termes d'un acte notarié du 18 septembre 1992, dispose d'un droit de passage de 8 mètres de large, droit rappelé par un jugement du 16 avril 2012 du tribunal de grande instance de Toulon. Il ressort des plans localisant la servitude de passage, issus d'un document de travail non contesté par la défense, que l'implantation du bâtiment C ne permettra pas de respecter la servitude dont dispose M. E... D... sur l'entièreté de sa largeur. Par suite, il est fondé à soutenir que la mise en œuvre du projet litigieux est susceptible de porter atteinte à l'utilisation et à la jouissance de son droit de passage du fait de l'implantation de nouveaux bâtiments. Dès lors, les consorts D... justifient d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire du 22 juillet 2015. En rejetant leur demande comme irrecevable, le tribunal administratif de Toulon a entaché sa décision d'irrégularité.
5. Il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement du tribunal et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par les consorts D... en première instance.
Sur la légalité de la décision attaquée :
6. En premier lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation.
7. Les consorts D... soutiennent que M. A... aurait dû solliciter un permis de construire pour les bâtiments illégaux qui se trouvaient sur le terrain d'assiette du projet. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de photos produites par les consorts D..., de vues issues de la demande de permis de construire ainsi que des vues aériennes de la parcelle K. 141 de la commune de Signes, qu'un hangar au toit arrondi dénommé " silo " par les requérants et un autre bâtiment ont été accolés en façade sud de la bergerie initiale de M. A..., dont ce dernier sollicite notamment l'extension. Lesdits bâtiment n'apparaissent ni sur le cadastre, ni en qualité de bâtiments existants sur la demande de permis de construire en litige, laquelle fait état de l'existence uniquement de 550 m² de bâtiments existants avant travaux. Si M. A... soutient que de telles constructions étaient autorisées par un permis de construire du 1er juillet 1980, elles n'apparaissent pas sur les plans d'extension produits en première instance relatifs à ce permis. Si M. A... se prévaut également d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux du 3 novembre 2014, il ressort de ses propres écritures que cette déclaration est relative à un silo positionné au nord de la bergerie et non au sud où se situent les bâtiments illégalement implantés. Il incombait dès lors à M. A... de présenter une demande de permis de construire portant sur l'ensemble des travaux qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer la bergerie telle qu'elle avait été autorisée par le permis de construire initial et son extension en 1980. En l'absence d'une telle demande, le maire de la commune de Signes était tenu de s'opposer au projet de l'extension prenant appui sur la bergerie existante et l'ajout de bâtiments complémentaires.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes des articles 154, 155 et 156 du règlement sanitaire départemental du Var, en dehors des élevages sur litière accumulée, les sols doivent être imperméables et dotés d'un système d'évacuation étanche. L'évacuation et le stockage de fumier et eaux de lavage des logements des animaux doit répondre également à des prescriptions notamment d'étanchéité. Le respect de ces prescriptions relève de la salubrité au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme précitées.
9. Alors même que le permis de construire autorise l'implantation d'un élevage porçin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les prescriptions relatives à l'étanchéité des sols prévues par le règlement sanitaire aient été prises en compte. En outre, M. A... n'établit pas ni même n'allègue réaliser un élevage de porcs sur litière accumulée. Comme le soutiennent les consorts D... sans être utilement contredits, le dossier ne comporte aucune information sur les conditions dans lesquelles M. A... envisage le fonctionnement de son nouvel abri à cochons au regard de l'écoulement des liquides et du lavage des animaux permettant d'assurer la salubrité de la porcherie. Ainsi les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation sur l'application des dispositions de l'article R. 111-2 et R. 111-15 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance des article 154, 155 et 156 du règlement sanitaire doivent être accueillis.
10. En dernier lieu, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens soulevés par les consorts D... n'apparaissent pas susceptibles de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.
11. Il résulte de ce qui précède que les consorts D... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Signes a délivré un permis de construire à M. A..., ensemble la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux adressé le 21 septembre 2015.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts D..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, versent à la commune de Signes et à M. A... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Signes une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 juillet 2015 du maire de la commune de Signes délivrant un permis de construire à M. A..., ensemble la décision implicite de rejet opposée au recours gracieux adressé le 21 septembre 2015 sont annulés.
Article 3 : La commune de Signes versera aux consorts D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Signes et par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., représentant unique des requérants, à M. A... et à la commune de Signes.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2021.
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N° 19MA01392