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14/10/2021 | FRANCE | N°20MA02001

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 octobre 2021, 20MA02001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cap Investissements a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel le maire de Gardanne a refusé de lui délivrer le permis de construire une surface commerciale sur une parcelle cadastrée CP 141 située avenue d'Arménie à Gardanne ainsi que la décision implicite née le 23 juillet 2018 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à ladite commune de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de

1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1807496 du 2 mars 2020, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cap Investissements a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel le maire de Gardanne a refusé de lui délivrer le permis de construire une surface commerciale sur une parcelle cadastrée CP 141 située avenue d'Arménie à Gardanne ainsi que la décision implicite née le 23 juillet 2018 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre à ladite commune de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1807496 du 2 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 16 mars 2018 portant refus de permis de construire et la décision implicite née le 23 juillet 2018 portant rejet du recours gracieux et enjoint au maire de Gardanne de procéder au réexamen de la demande de la SAS Cap Investissements dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2020, la commune de Gardanne, représentée par Me Xoual, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mars 2020 ;

2°) rejeter la requête de la SAS Cap Investissements présentée en première instance ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Cap Investissements la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit, en invoquant des dispositions de l'article UE11 n'ayant pas fondé l'arrêté attaqué ;

- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance par le projet en litige des dispositions de l'article UE11 du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article UE11, interprété au regard du plan d'aménagement et de développement durable, eu égard à son implantation, son alignement, sa polychromie ainsi que le traitement des façades qu'il propose ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur la méconnaissance des dispositions de l'article U13 du plan local d'urbanisme et est entaché d'une erreur de droit ;

- le projet méconnait les dispositions de l'article UE13 en ce qu'il ne préserve pas onze arbres de hautes tiges existant et la plantation de vingt-trois arbres supplémentaires ne peut faire l'objet d'une prescription spéciale, leur plantation étant manifestement incompatible avec les caractéristiques du projet et du terrain ;

- à titre subsidiaire, une première substitution de motifs doit être accueillie quant à la méconnaissance de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne le positionnement des places de stationnements ;

- une deuxième substitution de motifs doit être accueillie quant à la méconnaissance de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne le traitement des façades ;

- une troisième substitution de motifs doit être accueillie quant à la méconnaissance de l'article UE 12 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qui concerne la superficie nécessaire au stationnement des véhicules légers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2021, la SAS Cap Investissements, représentée par Me Susini, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Gardanne la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Quenette,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Erwan Molland substituant Me Xoual, représentant la commune de Gardanne.

Une note en délibéré présentée par la commune de Gardanne a été enregistrée le 30 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Cap Investissements a déposé le 30 octobre 2017 une demande de permis de démolir une maison d'habitation et de construire un bâtiment à usage commercial sur une parcelle cadastrée CP 141, située avenue d'Arménie, à Gardanne. La commune de Gardanne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 16 mars 2018 portant refus de permis de construire et la décision implicite née le 23 juillet 2018 portant rejet du recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, la commune de Gardanne soutient que le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la méconnaissance alléguée par le pétitionnaire des dispositions de l'article UE13 du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort toutefois du jugement attaqué qu'après avoir rappelé le nombre d'arbres à faire figurer sur le projet en application du plan local d'urbanisme au regard des arbres existants sur le terrain d'origine et du nombre de place de parking prévue, le tribunal administratif de Marseille a indiqué que le maire aurait pu assortir le permis de construire d'une prescription adéquate de portée limitée et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet pour compléter le nombre d'arbres manquant. Une telle motivation est suffisante. Par suite, la commune de Gardanne n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

3. D'autre part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit ou d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commises.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Gardanne : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

5. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article UE11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Gardanne.

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux concerne la réalisation d'un magasin d'alimentation dans une zone d'activités classée " UE 2 Activités industrielles, artisanales, commerces, services ", sur un terrain qui longe la route départementale 6 laquelle la surplombe, entouré de divers commerces de taille conséquente. Même s'il existe quelques pavillons à l'arrière de l'avenue d'Arménie, le projet est situé dans une zone dépourvue d'attrait particulier, sans unité architecturale des constructions ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Marseille.

7. Si la décision litigieuse retient que le projet, à la différence des commerces environnants, n'est pas aligné par rapport à la RD6, il ressort des photographies jointes au dossier que la plupart de ces commerces ne le sont pas non plus. S'il est exact que le traitement n'est pas identique sur les deux façades est et ouest et que l'une des façades pourrait être implantée en alignement du bâtiment attenant pour la rendre moins visible, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, qui fait au demeurant l'objet d'un traitement architectural de meilleure qualité que les enseignes voisines, serait contraire aux dispositions précitées de l'article UE11. De même, contrairement à ce qu'affirme la commune, la couleur du bâtiment à construire, blanche avec un bandeau gris, ne détonne pas avec celle des commerces voisins, peints globalement en blanc avec des enseignes colorées très visibles et comportant également, s'agissant de l'enseigne Point S, certains pans de murs de couleurs. Le moyen que le projet ne respecterait pas les dispositions du plan d'aménagement et développement durable en ce qui concerne l'implantation, la polychromie retenue, l'alignement et le traitement des façades est inopérant.

8. Dans ces conditions, en refusant le permis de construire sollicité, le maire de Gardanne a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. Toutefois, l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier si l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. La commune de Gardanne fait valoir qu'elle était fondée à refuser le permis de construire sollicité au motif, dont elle demande la substitution, que le projet méconnaît les dispositions de l'article UE 13 du règlement du PLU, aux termes duquel ; " Les arbres de haute tige existants, seront dans la mesure du possible maintenus ou remplacés par des sujets équivalents (...) Dans les secteurs UE1 et UE 2 : (...) Les aires de stationnement doivent être plantées à raison d'un arbre au moins par 50 m² de terrain ". Il est constant que le plan de masse de l'état initial du terrain joint a` la demande de permis de construire fait apparaître qu'il existait, a` l'origine, environ cinquante-cinq arbres de haute tige sur le terrain.

11. Pour l'application des dispositions de l'article E13 s'agissant du " terrain " d'assiette pour calculer le nombre d'arbre par 50 m² de surface à implanter sur les aires de stationnement, il y a lieu de considérer le terrain artificialisé servant à stationner et à se garer, comportant l'enrobé de 1 616 m² et l'evergreen de 884 m², soit une surface totale de terrain de 2 500 m². Une telle surface implique la plantation de cinquante arbres, ce qui au regard des trente-trois prévus au projet conduit à un déficit de dix-sept arbres. Par suite, le maire aurait pu assortir un permis de construire d'une prescription adéquate de portée limitée et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, sur le nombre d'arbres à ajouter. Par ailleurs, la société soutient que onze arbres auraient pu être préservés. Toutefois, cette allégation est insuffisamment établie s'agissant des sept arbres en bordure nord du terrain, qui sont positionnés sur une zone de livraison de camion. En tout état de cause, le maire aurait pu assortir un permis de construire d'une prescription adéquate de portée limitée et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, sur le nombre d'arbres à préserver en bordure du terrain. Par suite, il ne peut être fait droit à la substitution demandée.

12. La commune de Gardanne fait également valoir qu'elle était fondée à refuser le permis de construire sollicité au motif, dont elle demande la substitution, que le projet méconnaît les dispositions de l'article UE 11 du règlement du PLU, aux termes duquel : " Les places de stationnement à l'air libre et les aires de stockages seront positionnées en priorité à l'arrière des bâtiments ou à défaut sur le cotés et seront dissimulées de la voie par tout dispositif s'harmonisant avec la construction ou l'aménagement des espaces libres. / Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas d'impossibilités techniques liées à la configuration des lieux ou au fonctionnement de l'activité ". S'il est constant que les places de stationnement sont situées essentiellement sur les côtés et à l'avant du bâtiment, la SAS Cap Investissement indique, sans être contredite sur point, que le positionnement adopté répond à des exigences de fluidité, de sécurité et livraison propres à son activité. En particulier, le positionnement des aires de livraison à l'arrière du magasin permet le déchargement en dehors de la présence des consommateurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

13. La commune de Gardanne fait ensuite valoir qu'elle était fondée à refuser le permis de construire sollicité au motif, dont elle demande la substitution, que le projet méconnaît les dispositions de l'article UE 11 du règlement du PLU, aux termes duquel : " Toutes les surfaces, notamment de façade, de toiture et de terrasse, doivent faire l'objet d'un traitement architectural soigné ". Toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu'aux terrains relevant de la zone UE3c et non à la zone UE2 dont relève le projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est inopérant.

14. La commune de Gardanne fait enfin valoir qu'elle était fondée à refuser le permis de construire sollicité au motif, dont elle demande la substitution, que le projet méconnaît les dispositions de l'article UE 12 du règlement du PLU, aux termes duquel : " La superficie nécessaire pour le stationnement d'un véhicule léger, y compris les accès, est de 25 m² ". Si la commune de Gardanne soutient que les emplacements nécessaires aux soixante-seize véhicules légers s'établissent à 1 861 m² alors que 1 900 m² seraient nécessaires, il ressort du plan de masse qu'elle omet de prendre en compte l'ensemble des espaces destinés au stationnement et à la circulation de ces véhicules, lequel s'établit à 2 500 m² ainsi qu'il a été dit au point 11. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Gardanne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1807496 du 2 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 16 mars 2018 portant refus de permis de construire et la décision implicite née le 23 juillet 2018 portant rejet du recours gracieux et enjoint au maire de Gardanne de procéder au réexamen de la demande de la SAS Cap Investissements dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Cap Investissements, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gardanne le versement à la SAS Cap Investissements de la somme de 2 000 euros au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Gardanne est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la commune de Gardanne au profit de la SAS Cap Investissements la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gardanne et à la Société Cap Investissements.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.

2

N° 20MA02001

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02001
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : XOUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-14;20ma02001 ?
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