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14/10/2021 | FRANCE | N°19MA03947

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 octobre 2021, 19MA03947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 février 2018 par lequel le maire de la commune de Cheval-Blanc a sursis à statuer sur leur demande de permis de construire valant division, ensemble la décision du 25 mai 2018 portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802356 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2019, M. et Mme

C..., représentées par la SCP Anslaw, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 février 2018 par lequel le maire de la commune de Cheval-Blanc a sursis à statuer sur leur demande de permis de construire valant division, ensemble la décision du 25 mai 2018 portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1802356 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2019, M. et Mme C..., représentées par la SCP Anslaw, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la commune de Cheval-Blanc de leur délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de cinq jours ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cheval-Blanc la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;

- son terrain ne pouvait sans erreur manifeste d'appréciation être classé en zone A ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cet arrêté est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2021, la commune de Cheval-Blanc, représentée par Me Coque, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 7 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rose de la SCP Anslaw, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 3 février 2018, le maire de Cheval-Blanc a sursis à statuer sur la demande de permis de construire valant division pour la construction de quatre villas sur un terrain sis chemin de Cassouillet, présentée par M. et Mme C.... Ces derniers font appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision du 25 mai 2018 portant rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour soutenir que leur projet de construction n'était pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme au sens et pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, M. et Mme C... ont fait valoir devant le tribunal administratif que, notamment, ce projet s'inscrivait dans la logique d'urbanisation et d'offre de logements procédant selon eux des quatre orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable retenues par la délibération du conseil municipal du 28 juin 2016. Les premiers juges ont rappelé la consistance de ces orientations et admis que le terrain d'assiette devait être classé en zone agricole où seules sont autorisées les constructions et installations liées et nécessaires à l'exploitation agricole. Ils ont ensuite considéré que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir que le sursis à statuer opposé à leur projet, en ce qu'il empêcherait l'accueil de nouveaux habitants par la construction de logements, serait en contradiction avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, dès lors que celles-ci prévoient de développer l'urbanisation de la commune mais également de préserver les principales richesses du territoire. Ils ont par la même suffisamment motivé leur jugement sur ce point, alors même qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués au soutien du moyen précité.

3. En outre, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré d'un détournement de pouvoir en constatant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'en opposant un sursis à statuer à la demande de permis de construire valant division présentée par M. et Mme C..., le maire de la commune de Cheval-Blanc aurait agi dans un but étranger à l'intérêt général, sans faire mention de l'argumentation soulevée devant eux tirée de l'annulation par la juridiction administrative d'un précédent arrêté refusant la délivrance du permis de construire pour le même projet. Eu égard aux développements limités de cette argumentation dans les écritures des requérants, une telle motivation est suffisante.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". L'article L. 424-1 du même code dispose que : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. / (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ".

5. En premier lieu, M. et Mme C... reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nîmes.

6. En deuxième lieu, un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

7. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Cheval-Blanc a, par son arrêté du 3 février 2018, sursis à statuer sur la demande de permis de construire déposée par les requérants alors que le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration s'était déroulé lors de la séance du conseil municipal du 28 juin 2016. Pour opposer à M. et Mme C... ce sursis à statuer, le maire a mentionné dans son arrêté que le projet de plan local d'urbanisme (PLU) prévoyait de classer le terrain d'assiette de ce projet en zone A dans laquelle seules sont autorisées les constructions et installations liées et nécessaires à l'exploitation agricole et qu'ainsi, les travaux, portant sur la construction de quatre villas individuelles, étaient de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme.

8. M. et Mme C... contestent le classement envisagé de leur terrain en zone A, au motif notamment que le secteur, qui est urbanisé, était classé par le plan d'occupation des sols en zone UC qui correspond aux quartiers pavillonnaires d'extension urbaine récente alors qu'il résulte des dispositions de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme que peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. La commune de Cheval-Blanc n'a cependant produit aucun document de nature à confirmer que le classement de ce terrain en zone A était décidé à la date de l'arrêté attaqué. Au contraire, la décision du 25 mai 2018 rejetant le recours gracieux révèle qu'aucune décision sur ce point n'avait été prise à cette date, le maire ayant alors indiqué aux requérants que le classement en zone N serait plutôt retenu car plus adapté au regard de la qualité des sites et des caractéristiques du secteur. Par suite, le motif initial sur lequel cet arrêté est fondé est nécessairement erroné.

9. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. M. et Mme C... ne contestent pas qu'à la date de cet arrêté, l'élaboration du projet d'aménagement et de développement durable lui-même était suffisamment avancée pour que soient connus précisément tant les objectifs poursuivis dans le cadre de ces orientations que les secteurs géographiques concernés par celle-ci, représentés sur un schéma de synthèse, ainsi qu'il ressort des mentions de la décision du 25 mai 2018 rejetant leur recours gracieux. Selon cette décision, le terrain d'assiette du projet de construction litigieux est situé dans le secteur de Cassouillet identifié par le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) comme étant de ceux qui sont concernés par les objectifs de stopper l'urbanisation en dehors du village de Cheval-Blanc et de valoriser les espaces naturels et agricoles, lesquels sont en rapport avec les orientations générales consistant à développer l'urbanisation autour de la bipolarité de Cheval-Blanc et à préserver les principales richesses du territoire. Alors même que le PADD comporte d'autres orientations telles que la promotion d'un développement responsable en lien avec la capacité des équipements et le maintien d'une économie locale dynamique et diversifiée, le projet de construction de quatre villas individuelles, dont trois contiguës sur un terrain situé chemin de Cassouillet, était, pour ce nouveau motif invoqué par la commune de Cheval-Blanc, de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

11. Eu égard notamment au caractère fondé du motif pour lequel le maire de Cheval-Blanc a sursis à statuer sur le projet litigieux, le détournement de pouvoir qui consisterait à empêcher la réalisation de celui-ci, après l'annulation par la juridiction administrative d'un précédent arrêté refusant la délivrance du permis de construire, n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cheval-Blanc, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Cheval-Blanc au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cheval-Blanc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et B... C... et à la commune de Cheval-Blanc.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M.Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

N° 19MA03947 6

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03947
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : COQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-14;19ma03947 ?
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