Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCEA Mas Pechot a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 3 février 2017 par laquelle le maire de la commune de Rivesaltes a rejeté sa demande de dégrèvement de la participation à un plan d'aménagement d'ensemble et de la décharger de la somme de 26 697, 60 euros.
Par un jugement n° 1701739 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 4 mars 2020, la SCEA Mas Pechot, représentée par Me Zapf, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge de la participation au programme d'aménagement d'ensemble (PAE) mise à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rivesaltes la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le maire de Rivesaltes lui a délivré le 17 juin 2016 un permis de construire pour l'extension d'un moulin à huile au Mas de la Garrigues en précisant que serait mise à sa charge une participation au titre du programme d'aménagement d'ensemble, pour un montant de 123,60 euros/ m² de surface de plancher, soit un total de 26 697,60 euros ;
- en méconnaissance de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, la délibération du 4 juillet 1991 qui a instauré le PAE n'identifie pas avec précision les aménagements prévus et leur coût prévisionnel ;
- la clé de répartition n'est pas proportionnelle à l'importance de la construction autorisée et en particulier la consistance des constructions n'est pas prise en compte ;
- le montant mis à la charge de la société appelante est exorbitant au regard du montant total de l'opération, 16 % de l'opération étant mise à sa charge ;
- la totalité des financements a été déjà obtenue, entraînant la fin du programme.
Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2019, la commune de Rivesaltes, représentée par Me Renaudin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCEA Pechot de la somme de 2 000 euros en application des dispositions des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable car tardive ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 aout 2021, M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Rivesaltes a délivré le 17 juin 2016 à la SCEA Mas Pechot un permis de construire pour l'extension d'un moulin à huile, pour une surface de plancher de 216 m², au Mas de la Garrigues, sur le territoire de la commune. L'arrêté portant permis de construire dispose en son article 2 qu'est mise à sa charge du pétitionnaire une participation au titre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE), pour un montant de 123,60 euros/ m² de surface de plancher, soit un total de 26 697,60 euros. La SCEA Mas Pechot a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 3 février 2017 par laquelle le maire de la commune de Rivesaltes a rejeté sa demande de dégrèvement de la participation au plan d'aménagement d'ensemble et de la décharger de la somme de 26 697,60 euros. Par un jugement du 11 février 2019, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. La SCI Mijoulan doit être regardée comme demandant l'annulation de l'article 2 du permis de construire du 17 juin 2016 par lequel le maire de Rivesaltes a mis à sa charge une participation au titre du PAE pour un montant 26 697,60 euros et du rejet de son recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté du 17 juin 2016 portant permis de construire et assujettissant la SCEA Pechot à la participation au titre du PAE : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des termes mêmes de cet article que le délai de deux mois qu'il fixe ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics, même lorsqu'elles sont dirigées contre une décision notifiée au demandeur. Un recours relatif à une créance née de travaux publics entrant dans le champ de cette exception, la notification d'une décision par laquelle l'autorité compétente rejette une réclamation relative à une telle créance ne fait pas courir de délai pour saisir le juge. Il est vrai qu'il résulte des dispositions du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT), auxquelles ne peuvent faire obstacle les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative (CJA) en vertu desquelles le délai de deux mois prévu pour saisir la juridiction administrative ne s'applique pas en matière de travaux publics, que le recours formé contre un titre exécutoire émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local, y compris s'il est émis pour assurer le recouvrement de sommes nécessaires au financement de travaux publics, doit être présenté, à peine de forclusion, dans un délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. Toutefois, il résulte de l'instruction que la requête de la SCEA Mas Pechot n'est pas dirigée contre un titre exécutoire, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été émis, le permis de construire n'étant pas un titre exécutoire au sens des dispositions du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.
3. En deuxième lieu, la modification des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qui a soumis les décisions relatives aux travaux publics à un délai de recours n'a pas fait - et n'aurait pu légalement faire - courir le délai de recours contre ces décisions à compter de la date à laquelle elles sont nées. Ce délai n'avait donc pas couru quand, par lettre du 20 décembre 2016 la SCEA Mas Pechot a contesté la participation financière mise à sa charge. La commune de Rivesaltes a rejeté cette demande par une lettre du 3 février 2017, que la requérante indique avoir reçue le 23 février 2017. En conséquence, à la date d'enregistrement de la requête de la SCEA Pechot devant le tribunal administratif de Montpellier, soit le 12 avril 2017, le délai de recours contre la décision mettant à la charge de la SCEA Mas Pechot une participation au titre du PAE n'était pas expiré.
4. En troisième, il résulte clairement des termes de la demande de première instance que la requérante a entendu contester la participation mise à sa charge et la décision du 3 février 2017 par laquelle le maire de Rivesaltes lui a refusé la décharge de cette somme. La fin de non- recevoir opposée en première instance et tirée de ce que la requête ne serait pas dirigée contre une décision relative à cette participation au titre du PAE doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions (...). ".
6. Il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal instituant un plan d'aménagement d'ensemble et mettant à la charge des constructeurs une participation au financement des équipements publics à réaliser doit identifier avec précision les aménagements prévus ainsi que leur coût prévisionnel et déterminer la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation mise à la charge de chaque constructeur. Ces dispositions impliquent également, afin de permettre la répartition de la participation entre les constructeurs, que la délibération procède à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition.
7. Il résulte de l'instruction que la délibération du 4 juillet 1991 par laquelle le conseil municipal de Rivesaltes a instauré le PAE, et la notice explicative annexée à cette délibération, indiquent la nature des travaux d'aménagement à réaliser, en l'occurrence l'aménagement d'un giratoire, la création d'un réseau d'eaux pluviales, et l'installation des canalisations et réseaux d'assainissement, d'eau et d'éclairage public. Elle indique le montant estimatif de ces travaux. Elle détermine la participation des constructeurs en fonction de la surface de plancher autorisée, à laquelle est appliqué un coefficient multiplicateur de 350 euros/ m². En revanche, la délibération ne procède pas à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition entre les différentes catégories des constructions. Elle a ainsi, méconnu les dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme. Dès lors, la participation mise à la charge de la SCEA Mas Pechot est dépourvue de base légale. Par suite, elle est fondée à demander l'annulation de l'article 2 du permis de construire du 17 juin 2016 par lequel le maire de Rivesaltes a mis à sa charge une participation au titre du PAE pour un montant 26 697,60 euros.
8. Il résulte de ce qui précède que la SCEA Mas Pechot est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'article 2 du permis de construire du 17 juin 2016 par lequel le maire de Rivesaltes a mis à sa charge une participation au titre du PAE pour un montant 26 697,60 euros et de la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux tendant au retrait de cette participation.
Sur les frais liés au litige :
9. La requérante n'ayant pas la qualité de partie perdante, les conclusions de la commune de Rivesaltes tendant à la mise à sa charge d'une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Rivesaltes la somme de 2 000 euros à verser à la SCEA Mas Pechot au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 11 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'article 2 du permis de construire du 17 juin 2016 par lequel le maire de Rivesaltes a mis à la charge de la SCEA Mas Pechot une participation au titre du PAE pour un montant 26 697,60 euros et la décision par laquelle a été rejeté son recours gracieux tendant au retrait de cette participation sont annulés.
Article 3 : La commune de Rivesaltes versera à la SCEA Mas Pechot la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Mas Pechot et à la commune de Rivesaltes.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021 où siégeaient :
M. Portail, président par interim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 12 octobre 2021.
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N°19MA01686