Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 21 mars 2016 par laquelle le maire de la commune de Fos-sur-Mer l'a affectée à un poste de chargé de mission auprès du monde associatif ainsi que la décision du 6 décembre 2016 rejetant son recours gracieux, d'enjoindre à la commune de Fos-sur-Mer de procéder au réexamen et à la régularisation de sa situation administrative et de condamner la commune de Fos-sur-Mer à lui verser la somme de 82 450 euros au titre du préjudice financier et moral subi en raison des fautes de la commune.
Par un jugement n° 1700914 du 11 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2019, Mme B..., représentée par Me Pelgrin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1700914 du
11 mars 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 6 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune de Fos-sur-Mer a d'une part, rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision du maire de la commune de Fos-sur-Mer le 21 mars 2016 et rejeté ses autres demandes ;
3°) d'annuler la décision du maire de la commune de Fos-sur-Mer du 21 mars 2016 ;
4°) de condamner la commune de Fos-sur-Mer à lui verser la somme de 20 800 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fos-sur-Mer une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 21 mars 2016 a été prise au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de communication de son dossier, méconnaissant ainsi les droits de la défense ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le poste auquel elle a été nommée n'était pas réellement vacant d'une part, et qu'elle a été nommée à ce poste avant la date de fin de publicité de cette vacance, d'autre part ;
- elle est irrégulière dès lors qu'elle ne mentionne pas les voies et délais de recours ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle constitue une sanction disciplinaire déguisée, fondée sur des faits erronés et en méconnaissance du principe non bis in idem, elle la pénalise professionnellement et personnellement et participe au harcèlement moral qu'elle subit ;
- à supposer qu'elle ait commis une faute, la commune ne pouvait la sanctionner sans respecter la procédure disciplinaire applicable ;
- cette décision fautive lui a causé un préjudice moral dont elle doit être indemnisée ;
- elle est victime de harcèlement moral dès lors qu'elle a été l'objet d'une " mise au placard " par l'intermédiaire d'une procédure irrégulière, qu'elle a été privée de ses responsabilités et de ses moyens pour être affectée à un poste ne comportant aucune mission et relevant du cadre d'emploi inférieur au sien et que ces conditions de travail ont été délibérément dégradées ;
- en refusant de reconnaître que son état de santé était imputable au service, en ne lui permettant de percevoir qu'un demi-traitement à compter du 31 juillet 2017 et en la plaçant en mise en disponibilité d'office à compter du 4 janvier 2018, la commune a commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité ;
- sa demande tendant à être indemnisée du préjudice résultant de la faute commise par la commune en refusant de reconnaître que son état de santé est imputable au service est recevable ;
- son préjudice moral doit être évalué à 10 000 euros ;
- la suppression de son droit à percevoir la nouvelle bonification indiciaire du fait de la décision de mutation illégale lui a causé un préjudice qui s'élève à 10 800 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2019, la commune de Fos-sur-Mer représentée par Me Laillet, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande tendant à l'annulation des décisions du 21 mars 2016 et du
6 décembre 2016 en tant qu'elle rejette le recours gracieux formé contre cette décision est irrecevable dès lors que le changement d'affectation de Mme B... constitue une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief à celle-ci ;
- les conclusions indemnitaires de Mme B... sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renault,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de M. C..., élève avocat, plaidant aux côtés de Me Laillet, représentant la commune de Fos-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée le 17 juillet 2006, en qualité d'agent contractuel, par la commune de Fos-sur-Mer, comme directrice de la commande publique. A la suite de sa réussite à une sélection professionnelle le 17 novembre 2014, elle a été nommée attachée territoriale tout en conservant son affectation. Le 21 mars 2016, elle a été affectée au poste nouvellement créé de " chargé de mission auprès du monde associatif ". Par lettre du 17 octobre 2016, elle a formé auprès du maire de la commune un recours gracieux à l'encontre de cette décision, a demandé la reconnaissance de l'imputabilité à la commune de son état de santé, et l'indemnisation du préjudice financier que lui a causé la décision de changement d'affectation ainsi que du préjudice moral que lui a causé la situation de harcèlement dont elle s'estimait victime. Par une décision du 6 décembre 2016, le maire de la commune a rejeté l'ensemble de ses demandes. Mme B... relève appel du jugement du 11 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du 21 mars 2016 et du 6 décembre 2016, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Fos-sur-Mer de procéder au réexamen et à la régularisation de sa situation et à la condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice financier et moral qu'elle estime avoir subis.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune :
2. Il ressort de la fiche du poste du directeur de la commande publique que les fonctions de ce dernier correspondent à celles exercées par un agent du cadre d'emploi des attachés territoriaux, qu'il est chargé de l'ensemble du personnel de la direction qui compte environ 16 personnes ainsi que de l'élaboration et du suivi du budget de la direction, qu'il doit encadrer un service nécessitant une technicité particulière en matière de marchés publics lui ouvrant droit à l'octroi de 25 points de nouvelle bonification indiciaire et qu'il se doit d'avoir un niveau de formation équivalent ou supérieur à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat. Si la commune de Fos-sur-Mer soutient que le poste de chargé de mission auprès du monde associatif relève du cadre d'emploi des attachés territoriaux et revêt une importance particulière au regard du montant du budget alloué aux associations, il ressort de la fiche de ce poste que le chargé de mission, disposant d'un niveau minimum de formation de trois années d'études après le baccalauréat, se borne à conduire et à développer les relations avec les associations, gère le personnel mis à leur disposition et n'encadre que trois personnes, placées sous sa responsabilité. En outre, le changement de poste de Mme B... lui a fait perdre son droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. Dès lors, eu égard à la nature des fonctions exercées par Mme B... avant son affectation au poste de chargée de mission auprès du monde associatif, à la diminution de ses responsabilités et à la perte d'un avantage financier en raison de cette affectation, celle-ci présente le caractère non d'une mesure d'ordre intérieur, ainsi que le fait valoir la commune de Fos-sur-Mer, mais d'une mutation comportant une modification de la situation de la requérante et constitue ainsi une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir.
En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors applicable : " Lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à l'exception des emplois susceptibles d'être pourvus exclusivement par voie d'avancement de grade (...) ".
4. Mme B... soutient que la décision de changement d'affectation, effective le
21 mars 2016, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle a été affectée à ce poste sans que la période de publicité de cette création soit achevée. Il ressort des pièces du dossier que la création d'un poste de chargé de mission auprès du monde associatif a été validé par le comité technique paritaire de la commune de Fos-sur-Mer à l'issue de sa réunion du
29 février 2016 et que la vacance du poste a été publiée par l'intermédiaire du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Bouches-du-Rhône le 4 mars 2016. Si Mme B... fait valoir que figurait sur l'annonce publiée l'information que la durée de publication était de
deux mois, elle ne saurait se prévaloir de cette circonstance pour contester son affectation antérieurement à ce délai, alors qu'il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que doit être respecté un délai minimum entre la date de publication du poste créé et l'affectation effective d'un agent titulaire à ce poste.
5. En second lieu, le moyen tiré de ce que la création du poste est artificielle n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée.
6. En troisième lieu, les moyens, soulevés en première instance par Mme B... et réitérés en appel, tirés de l'absence de mention des voies et délais sur la décision du
21 mars 2016, de ce que cette décision constitue une sanction disciplinaire déguisée, de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe non bis in idem et des garanties prévues par la procédure disciplinaire applicable aux agents publics, et du vice de procédure dont serait entachée cette décision dès lors qu'elle n'aurait pas été mise à même de solliciter la communication de son dossier, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 à 6 du jugement attaqué et les moyens tirés de ce que la décision du 21 mars 2016 est insuffisamment motivée et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 9 et 10 de ce même jugement.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation.
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune :
8. Il ressort des termes de la lettre du 17 octobre 2016 adressée par Mme B... au maire de la commune de Fos-sur-Mer que celle-ci a entendu, d'une part, former un recours gracieux à l'encontre de la décision du 21 mars 2016 la changeant d'affectation ainsi que demander la réparation des conséquences de cette décision, d'autre part, demander la reconnaissance de l'imputabilité au service de son état de santé, et enfin, demander à être indemnisée du préjudice moral né du harcèlement moral dont elle s'estimait victime et du préjudice financier que lui a causé son changement d'affectation. Elle doit être regardée, par suite, comme ayant adressé une réclamation préalable et ayant ainsi lié le contentieux, en ce qui concerne les demandes relatives au préjudice financier résultant de la décision du 21 mars 2016 et au préjudice moral né du harcèlement moral dont elle s'estime victime. En revanche, les conclusions, nouvelles en appel, relatives à l'indemnisation des conséquences préjudiciables du refus de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et de l'illégalité des décisions du 31 juillet 2017 la plaçant à demi-traitement et du 4 janvier 2018 la plaçant en disponibilité d'office, qui n'ont pas été précédées d'une demande préalable, sont irrecevables. Il y a lieu, par suite, de faire droit, dans cette mesure, à la fin de non-recevoir soulevée par la commune de
Fos-sur-Mer.
En ce qui concerne les fautes alléguées :
9. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la mutation de Mme B... au poste de chargé de mission auprès du monde associatif, la responsabilité de la commune de Fos-sur-Mer ne saurait être engagée de ce fait.
10. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Mme B... soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral se traduisant par l'annonce brutale, par la directrice générale des services, de son éviction du poste de directrice de la commande publique lors d'une réunion qui s'est déroulée le 4 décembre 2015, la privation de l'utilisation des moyens affectés aux services communaux, les pressions psychologiques et que des accusations mensongères ont été portées contre elle en public et un arrêt mis à la progression de sa carrière du fait d'avis erronés ou infondés. Toutefois, d'une part, la brutalité de l'annonce qui lui a été faite lors de la réunion du 4 décembre 2015 n'est pas établie par les pièces du dossier, la circonstance que différents experts l'ayant examinée à l'occasion de sa demande d'imputabilité au service de son état de santé ont relevé une corrélation entre cette réunion et la dégradation de son état de santé ne permettant pas d'établir que Mme B... aurait été victime à cette occasion d'agissements pouvant être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées. D'autre part, il résulte de l'instruction que le retrait de son véhicule de service a eu pour seule origine son placement en congé de maladie. Enfin, elle n'apporte aucune précision sur les pressions psychologiques, accusations mensongères et avis infondés dont elle estime avoir été victime. De surcroît, il ressort des évaluations réalisées par sa hiérarchie que ses qualités professionnelles ont toujours été reconnues et les échanges postérieurs à son placement en arrêt maladie ont toujours été empreints de bienveillance. Dans ces conditions, Mme B... n'apporte aucun élément de nature à faire présumer de l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral perpétrés à son encontre.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.
Sur les conclusions liées aux frais du litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fos-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de Mme B... la somme demandée par la commune sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Fos-sur-Mer présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et à la commune de Fos-sur-Mer.
Délibéré après l'audience publique du 21 septembre 2021 où siégeaient :
' M. Badie, président,
' M. Revert, président assesseur,
' Mme Renault, première conseillère.
Lu en audience publique le 5 octobre 2021.
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No 19MA02259