Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 janvier 2018 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 4 novembre 2017 présenté par la société Main Sécurité, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 9 mai 2017 rejetant la demande d'autorisation de licenciement de Mme A... formée par cette société et autorisé son licenciement. La société Main Sécurité a également demandé à ce tribunal, à titre principal, de confirmer la décision du ministre du travail du 31 janvier 2018 et, à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 9 mai 2017 de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n° 1704969, 1802582 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, rejeté la demande de Mme A... et, à l'article 2, estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par la société Main Sécurité.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, sous le n° 20MA01045, Mme A..., représentée par Me Djennad, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 31 janvier 2018 ;
3°) de condamner la société Main Sécurité à lui verser des dommages et intérêts en raison du préjudice qu'elle estime avoir subi ;
4°) d'enjoindre à la société Main Sécurité de procéder à sa mutation sur un site " ERP " ou " IGH " tel que le Mucem ou la Carsat ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée ne vise pas le terrain sur lequel la société Main Sécurité a fondé sa demande d'autorisation de licenciement, ni son mandat de représentante du comité central d'entreprise, ni les articles du code du travail relatifs à la protection des salariés et aux procédures administratives et internes applicables ;
- la ministre du travail ne lui a pas communiqué le recours hiérarchique de la société Main Sécurité ;
- elle a omis de faire état du motif ayant justifié le refus d'autorisation de licenciement tiré de l'existence d'une inégalité de traitement contractuelle non justifiée par l'employeur ;
- la décision en litige viole l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à l'auteur du recours hiérarchique ;
- le retrait de la décision de l'inspecteur du travail au-delà d'un délai de quatre mois est illégal ;
- la société Main Sécurité devait la reclasser ;
- elle devait suspendre la procédure de demande d'autorisation de licenciement dans l'attente de la décision définitive du renouvellement ou non de sa carte professionnelle ;
- elle exerçait exclusivement des fonctions d'agent de sécurité incendie (SSIAP), à compter de son affectation sur le site Gemalto, qui ne sont pas soumises à l'obtention d'une carte professionnelle ;
- l'argument selon lequel elle serait un agent de sécurité doublement qualifié est inopérant ;
- elle fait l'objet d'une inégalité de traitement contractuelle non justifiée en lien avec ses mandats.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020, la société Main Sécurité, représentée par Me de Maintenant conclut, à titre principal, au rejet de la requête de Mme A... et demande à la Cour :
1°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 9 mai 2017 de l'inspecteur du travail ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, l'inspection du travail a fait peser sur elle une obligation de reclassement qui n'existait pas ;
- la qualification de Mme A... n'est pas entachée d'une inégalité de traitement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête de Mme A....
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée le 18 mars 2013 par la société Main Sécurité, filiale du groupe Onet, en qualité d'agent de sécurité confirmé. Elle était titulaire d'un mandat de déléguée du personnel, ainsi que membre titulaire du comité d'entreprise et du comité central d'entreprise. Par courrier du 10 mars 2017, la société Main Sécurité a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme A... en raison du non renouvellement de sa carte professionnelle, nécessaire pour l'exercice de ses fonctions d'agent de sécurité. Par décision du 9 mai 2017, l'inspecteur du travail a refusé cette autorisation. La société Main Sécurité a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre chargé du travail qui a été rejeté par une décision implicite de rejet née le 4 novembre 2017. Par décision du 31 janvier 2018, le ministre chargé du travail a retiré cette décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 9 mai 2017 et autorisé le licenciement de Mme A.... Cette dernière doit être regardée comme relevant appel de l'article 1er du jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Mme A... reprend en appel les moyens tirés de l'erreur sur l'auteur du recours hiérarchique, de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, de la violation du principe contradictoire et du non-respect du délai de retrait de quatre mois. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.
3. Lorsqu'il est saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail qui a refusé l'autorisation de licenciement en se fondant sur plusieurs motifs de refus faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le ministre ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé.
4. La décision contestée vise le code du travail et notamment son article L. 2411-5 relatif à la procédure de licenciement d'un salarié protégé et la décision de l'inspecteur du travail du 9 mai 2017 refusant l'autorisation de licencier Mme A.... Elle indique également que son licenciement est demandé pour un motif tenant au non renouvellement du titre professionnel nécessaire pour l'exercice de ses fonctions d'agents de sécurité. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le terrain de la demande de licenciement n'est pas visé, ni les textes applicables.
5. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.
6. En l'espèce, la décision contestée mentionne que Mme A... exerce les mandats de déléguée du personnel, membre du comité d'entreprise et du comité central d'entreprise. Par suite, il ne ressort pas de cette décision que la ministre du travail aurait omis de viser le mandat de " représentant CCE " de la requérante.
7. Pour rejeter, par la décision du 9 mai 2017, la demande d'autorisation de licenciement de Mme A..., l'inspecteur du travail a retenu deux motifs tirés d'une part, de l'existence d'un recours exercé par la salariée contre la décision de non renouvellement de sa carte professionnelle et de ce qu'il appartenait à l'employeur de suspendre la procédure de licenciement en cours et, d'autre part, de l'existence d'une inégalité de traitement contractuelle non justifiée par l'employeur, l'inspecteur du travail ayant constaté que sur le site où Mme A... travaillait, divers salariés ont pu être directement embauchés en qualité d'agent de sécurité- incendie (SSIAP) et qu'un autre salarié, initialement affecté en qualité d'agent de sécurité (ADS) a pu être contractuellement requalifié en agent de sécurité incendie. Il ressort de la décision contestée que la ministre du travail a estimé que la réalité du défaut de carte professionnelle de la salariée était avérée et que la circonstance tenant à l'existence d'un recours contre la décision de refus de renouvellement de l'agrément ne saurait avoir d'effet suspensif entraînant un refus d'autorisation de licenciement. Elle a aussi considéré " qu'il ne pouvait être soutenu que Mme A... dont l'essentiel des tâches portait sur des fonctions d'agent de prévention et de sécurité aurait pu être affectée sur un autre poste d'agent de sécurité incendie, poste ne nécessitant pas d'agrément, sans imposer à l'employeur de manière illégitime, une obligation de reclassement ou de requalification du contrat de travail de l'intéressée ". Ainsi, la ministre du travail a examiné les deux motifs de la décision de l'inspecteur du travail.
8. Les salariés légalement investis de mandats représentatifs et syndicaux bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Toutefois, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur la circonstance que le salarié ne remplit pas les conditions légalement exigées pour l'exercice de l'emploi pour lequel il a été embauché, il appartient seulement à l'inspecteur du travail compétent et, le cas échéant, au ministre, de vérifier sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité de ce motif.
9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ; (...) ". Les personnes qui exercent une activité privée de surveillance et de gardiennage doivent, en vertu de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, être titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité. Aux termes de l'article L. 633-3 de ce code : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. ".
10. En premier lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir d'un jugement du 7 octobre 2019 du conseil des Prud'hommes de Marseille qui a estimé que les missions réellement occupées par la salariée sont des missions relevant de la qualification de SSIAP et qu'elle était victime d'une inégalité de traitement non justifiée par la société Main Sécurité dès lors que ce jugement n'est pas devenu définitif en raison de l'appel de l'employeur et qu'en tout état de cause, l'administration, appelée à se prononcer sur la demande d'autorisation de licencier Mme A..., n'était liée ni par le dispositif ni par les motifs de ce jugement du conseil de Prud'hommes et qu'il en est de même s'agissant du juge administratif.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Main Sécurité exerce une activité de sécurité privée. Le cahier des clauses techniques et particulières (CCTP) qu'elle a signé avec la société Gemalto portait, selon son article 2.2, sur des missions de surveillance, de télésurveillance et de gardiennage des sites de La Ciotat et de Gémenos, ainsi que des missions de prestations " incendie " telles que la gestion des centrales d'alarmes incendie et d'extinction automatique située dans le PC Sécurité. Si Mme A... a été affectée sur le site de Gemalto dont les principales activités sont la recherche et le développement, celui-ci n'était pas un établissement recevant du public (ERP) ni un immeuble de grande hauteur qui obligent à la mise en place d'un service de sécurité incendie distinct mais un bâtiment relevant de l'article R. 4211-2 du code du travail relatif aux lieux de travail alors même que le site hébergerait des organisations " ventes et support aux clients " et serait très fréquemment visité.
12. En troisième lieu, il ressort du contrat de travail de Mme A... qu'elle a été engagée en qualité d'agent de sécurité confirmé et rattachée à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité. Selon l'article 4 de ce contrat, elle devait assurer " la sécurité et la sauvegarde des biens meubles et immeubles ainsi que des personnes qui leur sont rattachées dans les conditions prévues par le code de la sécurité intérieure et par les décrets d'application de la loi du 12 juillet 1983 ". Cet article prévoit également qu'elle devait prévenir les risques du site dont notamment assurer la gestion et l'exploitation des alarmes et incidents, donner l'alerte et intervenir en cas d'incendie. Par ailleurs, l'article 12 de ce contrat imposait à Mme A... l'obligation de détenir une carte professionnelle conformément aux dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure.
13. En quatrième lieu, la requérante reconnaît avoir occupé deux postes de nuit sur le site de Gemalto, d'agent de sécurité motorisé et d'agent de PC sécurité qui, selon les articles 4.2 et 4.3 du CCTP, comprennent des missions d'agents de sécurité privée telles que, notamment, " Surveiller/utiliser les systèmes vidéo et anti-intrusion " ou " Déclencher les procédures de contrôles et de gestion " et de réalisation de " rondes de contrôle et de prévention, intérieures ou extérieures ". Dès lors, elle ne démontre pas qu'elle était affectée exclusivement à des missions d'agent de sécurité incendie qui ne nécessitent pas de carte professionnelle. Sur ce dernier point, la société Main Sécurité fait valoir que tous ses salariés opérationnels, quel que soit le libellé du poste occupé, agent SSIAP ou agent de sécurité, étaient dans l'obligation contractuelle de détenir la carte professionnelle prévue par les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, ainsi que le démontrent les contrats de deux agents de sécurité incendie produits au dossier dont les articles 7 et 12 prévoient une telle obligation. Il s'en suit que Mme A... devait détenir la carte professionnelle précitée alors même qu'elle effectuait pour partie des missions de sécurité incendie.
14. Par suite, compte tenu de ce que ce qui a été dit aux points 10 à 13, la ministre du travail a pu légalement considérer que l'essentiel des tâches effectuées par la requérante portait sur des fonctions d'agent de prévention et de sécurité, qu'en l'absence de carte professionnelle en cours de validité, elle ne remplissait plus les conditions à l'exercice de cette activité et que son contrat de travail ne pouvait plus se poursuivre.
15. Il est constant que Mme A... était dépourvue depuis le 17 janvier 2017 de la carte professionnelle d'agent de sécurité. Le recours administratif qu'elle a introduit le 10 mars 2017 devant le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) n'a pas d'effet suspensif. Par ailleurs, aucune disposition législative ni réglementaire n'imposait à l'employeur de suspendre la procédure de licenciement ainsi engagée. Au demeurant, elle n'avait pas justifié devant l'employeur de l'existence de ce recours à la date de la demande d'autorisation de licenciement. Le recours devant le CNAPS a d'ailleurs été rejeté le 5 juin 2017. Le moyen tiré de ce que l'employeur aurait dû suspendre la procédure dans l'attente de cette décision doit dès lors être écarté.
16. Mme A... ne détenait plus de carte professionnelle en cours de validité depuis le 17 janvier 2017, ce qui impliquait automatiquement la rupture de son contrat de travail en vertu de l'article L. 612-21 du code de la sécurité intérieure. Il s'en suit, d'une part, que la société Main Sécurité n'avait aucune obligation de la reclasser sur un poste d'agent de sécurité incendie et, d'autre part, que la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle a fait l'objet d'une inégalité de traitement en lien avec ses mandats représentatifs.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2018. Ses conclusions à fin d'injonction et indemnitaires doivent être rejetées par voie de conséquence, ainsi que les conclusions incidentes présentées, à titre subsidiaire, par la société Main Sécurité.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Main Sécurité et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la société Main Sécurité une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la société Main Sécurité et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er octobre 2021.
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N° 20MA01045
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