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30/09/2021 | FRANCE | N°19MA03116

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 30 septembre 2021, 19MA03116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI P 616 a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1602662 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Toulon a fait partiellement droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2019, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Parisi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le

jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mai 2019 ;

2°) de rejeter la requête présentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI P 616 a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Par un jugement n° 1602662 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Toulon a fait partiellement droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2019, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Parisi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mai 2019 ;

2°) de rejeter la requête présentée par la SCI P 616 devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise sur le caractère inondable des parcelles de la SCI P 616 ;

4°) de mettre à la charge de la SCI P 616 la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est fondé et elle ne pouvait délivrer un permis assorti de prescriptions ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme est fondé ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme est fondé ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article 8 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme est fondé ;

- le motif tiré de l'utilisation d'un formulaire Cerfa erroné est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2019, la SCI P 616, représentée par Me Helleboid, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit ordonné une expertise concernant le caractère inondable des parcelles, et à ce que soit mise à la charge de la commune la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baizet,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Parisi représentant la commune de Ramatuelle et de Me Helleboid représentant la SCI P 616.

Deux notes en délibéré présentées par la SCI P616 et par la commune de Ramatuelle ont été enregistrées respectivement le 21 septembre 2021 et le 24 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Ramatuelle relève appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 5 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle a refusé de délivrer à la SCI P 616 un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle sur un terrain situé 4 avenue des Belges.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le maire de Ramatuelle a refusé de délivrer à la SCI P 616 un permis de construire une maison individuelle au motif que le projet méconnaissait les dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme, DG 8, UC 10 et UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme et au motif que le pétitionnaire avait utilisé un formulaire Cerfa erroné. Le tribunal administratif a censuré l'ensemble de ces motifs de refus, à l'exception de celui fondé sur l'article DG 8.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise du 19 mars 1996 et de l'étude réalisée par la société Egis, qui bien que postérieure à l'arrêté en litige, peut être prise en considération pour établir le niveau de risque auquel est soumis le terrain d'assiette, que celui-ci est traversé par le ruisseau de Pascati, qui traverse le lotissement de la plage de Pampelonne, recueillant et drainant les eaux de ruissellement de son bassin versant jusqu'à la mer. Ce ruisseau qui a débordé à plusieurs reprises à la suite de fortes pluies dont la période de retour est d'environ cinq ans, a entraîné des inondations sur les parcelles du lotissement situées à proximité du terrain d'assiette du projet, entre l'avenue des Belges et la mer. Selon le rapport d'expertise précité, les inondations sont essentiellement dues à l'insuffisance de calibrage de l'ouvrage souterrain supportant le lit du ruisseau, notamment sur la portion réalisée entre l'avenue des Belges et la rue du Puits désormais dénommée allée Robert Lebel, c'est-à-dire sur le terrain d'assiette du projet et les parcelles voisines cadastrées AH 679-680 (ex-615) et 564. Il ressort également de l'étude Egis précitée que les hauteurs d'eau peuvent atteindre 0,5 mètre en crues décennales et vicennales et plus d'un mètre en crues cinquantenaires et centenaires, et que la moitié du débit centennal ruissellera sur les parcelles au lieu d'emprunter le lit du ruisseau de Pascati à l'aval du boulevard Patch. Le risque d'inondation par débordement du cours d'eau, qui est toujours actuel, est donc important sur le terrain d'assiette. Or, contrairement à ce que soutient la société, il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers échangés entre la commune et l'association syndicale autorisée (ASA) des propriétaires du lotissement, que les préconisations de l'expert s'agissant du calibrage du ruisseau, notamment l'élargissement du cuvelage enterré, n'ont pas été réalisées, à l'exception de la suppression du platelage en bois. Le plan de masse ainsi que l'étude Géo réalisée à la demande de la société montrent d'ailleurs que le cuvelage enterré en béton, supportant le lit du ruisseau sur le terrain d'assiette, est d'une largeur toujours inférieure à 2 mètres. L'étude Géo réalisée en 2016 à la demande du pétitionnaire, concluant à l'absence de risque inondation, ne parait pas pertinente dès lors que, comme le soutient la commune, elle ne propose de modélisation qu'à partir du seul terrain d'assiette et non de l'ensemble du bassin pertinent, se base sur un débit de 10,81 m3/s sur le terrain d'assiette alors qu'il ressort de l'étude d'Egis, réalisée à partir de modélisations depuis la RD 93 jusqu'à la plage de Pampelonne, que les débits varient de 13 m3/s sous le boulevard Patch à 15,1 m3/s à l'exutoire du ruisseau sur la plage de Pampelonne, et qu'enfin, si elle préconise de supprimer le platelage en bois recouvrant le ruisseau sur la parcelle, elle ne prend pas en compte les autres préconisations de l'expertise de 1996. Enfin, si la société a prévu de réaliser un bassin de rétention de 15,8 m3 relié à des tranchées d'infiltration, il n'est pas établi que ce système serait suffisant pout absorber, outre les eaux pluviales, le débordement du ruisseau en cas de crues torrentielles. Enfin, dès lors qu'il appartient à l'ASA précitée de financer les travaux d'élargissement de l'ouvrage pour éviter les inondations sur le terrain d'assiette et sur les parcelles situées en aval, il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait pu délivrer le permis de construire en l'assortissant de prescriptions supplémentaires sur ce point pour pallier le risque d'inondation, ni qu'il aurait pu d'ailleurs émettre d'autres prescriptions pour diminuer le risque sans bouleverser l'économie du projet. Dans ces conditions, eu égard au risque d'inondation existant et à l'absence de réalisation des aménagements indispensables pour pallier ce risque, c'est sans erreur d'appréciation que le maire a pu considérer que le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité publique en méconnaissance des dispositions précitées.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Ramatuelle, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Hauteur maximum des constructions. Les hauteurs absolues H et h sont définies et mesurées comme il est indiqué à l'annexe 10 du présent règlement. 1. La hauteur H est fixée à un maximum de 6 mètres (...) la hauteur h ne peut excéder 2,5 mètres (...) ". Selon l'annexe 10 de ce règlement : " Définitions (...) Les constructions à édifier s'inscrivent en totalité dans un gabarit défini, à l'aplomb du nu extérieur des façades, par un premier plan horizontal situé à une hauteur H mesurée depuis le niveau du sol naturel ou excavé jusqu'à (...) l'arête supérieure de l'acrotère des toitures terrasses (...), à une hauteur h du plan horizontal précédent, un second plan horizontal en contact avec (...) la plus haute des superstructures et édifices techniques ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la hauteur H de la construction, mesurée dans les conditions définies à l'annexe 10 précitée, c'est-à-dire à l'aplomb du nu extérieur des façades de la construction, depuis le niveau du sol naturel ou excavé jusqu'à l'arête supérieure de l'acrotère de la toiture-terrasse, n'excède pas 6 mètres, l'arête supérieure de l'acrotère de la toiture-terrasse étant à la cote altimétrique 10,41 mètres et le niveau du sol, avant comme après travaux, n'étant pas inférieur à la cote 4,41 mètres à l'aplomb du nu extérieur des façades. Contrairement à ce que soutient la commune, il n'y a pas lieu de prendre en compte pour le calcul de la hauteur H le niveau du terrain naturel situé vers les plages de la piscine, dès lors que celles-ci ne sont pas situées à l'aplomb du nu extérieur des façades, ni l'élément technique situé sur la toiture terrasse inaccessible, qui rentre lui dans le calcul de la hauteur h. Dans ces conditions, le maire de Ramatuelle a commis une erreur d'appréciation en refusant le permis sollicité pour ce motif.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Ramatuelle, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) 2. Lors de toute demande de permis de construire, la plantation d'un arbre d'essence adaptée à la nature du sol, dont la taille ne peut être inférieure à deux mètres, est exigée par tranche entière de 200 m² de terrain libre sur le terrain constructible. (...) 4. Tout arbre de haute tige abattu doit être remplacé par la plantation d'arbres d'essences adaptées au climat méditerranéen et à la nature du sol (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la surface de terrain laissée libre étant de 1 123 m², soit cinq tranches entières de 200 m², seulement cinq arbres étaient exigés. Il ressort du plan de masse paysager joint au dossier de demande de permis de construire que le projet prévoit la plantation de sept arbres et que ces arbres correspondent à trois pins parasols, deux cyprès et deux oliviers. D'une part, si le projet a pour effet de supprimer quatre arbres de haute tiges, il prévoit d'en planter sept, de sorte que les arbres abattus seront bien remplacés. D'autre part, les arbres ainsi plantés sont des essences adaptées à la nature du sol dont il n'est pas établi que la taille ne serait pas supérieure à 2 mètres. Dans ces conditions, le maire de Ramatuelle a commis une erreur d'appréciation en refusant le permis sollicité pour ce motif.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article A. 431-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La demande de permis de construire prévue aux articles R. 421-1 et R. 421-14 à R. 421-16 est établie conformément aux formulaires enregistrés par le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique : a) Sous le numéro Cerfa 13406 lorsque la demande porte sur une maison individuelle ou ses annexes (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire de la requérante, qui porte sur la création d'une maison individuelle et de ses annexes, a été présentée selon un formulaire Cerfa n° 13406, ainsi que l'exige l'article A. 431-4 précité. La circonstance que la société aurait utilisé à tort un formulaire n° 130406-03 au lieu d'un formulaire n° 13406-04, à la supposer établie, n'est pas de nature à justifier un refus de permis de construire dès lors qu'il n'est nullement démontré en quoi le type de formulaire employé par la pétitionnaire aurait été susceptible de fausser l'appréciation du maire sur la conformité du projet aux règles d'urbanisme. Par suite, ce motif de refus est également illégal.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise, que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme était de nature à justifier le refus opposé par le maire. Dans ces conditions, la commune de Ramatuelle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon n'a annulé que partiellement le refus de permis de construire, et à demander l'annulation du jugement du 14 mai 2019.

Sur les frais liés au litige :

12. D'une part, la commune de Ramatuelle n'étant pas partie perdante à la présente instance, les conclusions de la SCI P 616 présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI P 616 la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Ramatuelle sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la société P 616 devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : La société P 616 versera la somme de 2 000 euros à la commune de Ramatuelle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Ramatuelle et à la SCI P 616.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.

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N° 19MA03116

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03116
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP IMAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-30;19ma03116 ?
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