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28/09/2021 | FRANCE | N°20MA04506

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 28 septembre 2021, 20MA04506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... M... et Mme I... M... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Rustrel a délivré un permis d'aménager à M. A... G... et autres en vue de la création d'un lotissement de 23 lots à bâtir sur le boulevard du Colorado, ensemble la décision implicite de rejet née le 14 juillet 2019 du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.

Par jugement n° 1903119 du 13 octobre 2020

, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... M... et Mme I... M... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Rustrel a délivré un permis d'aménager à M. A... G... et autres en vue de la création d'un lotissement de 23 lots à bâtir sur le boulevard du Colorado, ensemble la décision implicite de rejet née le 14 juillet 2019 du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.

Par jugement n° 1903119 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2020 et par un mémoire complémentaire enregistré le 28 avril 2021, M. et Mme M..., représentés par Me Cofflard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 du maire de la commune de Rustrel, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux par le maire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rustrel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, leur réponse aux moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 441-2 et R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard de l'ampleur du projet ;

- leur requête d'appel est recevable ;

- l'insuffisance de la notice du projet d'aménagement jointe à la demande du permis d'aménager en litige n'a pas permis au service instructeur de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'impact du projet sur le paysage et sur ses conditions de desserte, en méconnaissance de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme ;

- par la voie de l'exception, l'article AU1-2 du règlement du PLU de la commune modifié le 16 avril 2018, en tant qu'il prévoit la possibilité d'autoriser un lotissement sur au moins une unité foncière, méconnaît l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il est incohérent avec l'orientation n° 3 du PADD qui exige une opération d'urbanisation portant sur l'ensemble du secteur AU1c et AU1ca des Grandes Vignes et avec l'orientation n° 2 qui exige un projet d'aménagement préservant le patrimoine naturel et paysager ;

- cet article AU1-2 est insuffisamment précis et il est de plus superfétatoire, dès lors qu'un projet d'ensemble porte nécessairement sur une unité foncière ;

- la commune ne pouvait, en application de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme, faire usage de la procédure de modification simplifiée du PLU pour modifier l'orientation d'aménagement et de programmation n° 3 du secteur des Grandes Vignes du PADD sur ce secteur ;

- dès lors qu'il convient d'écarter l'article AU1-2 du règlement en tant qu'il autorise illégalement la création d'une opération d'ensemble sur au moins une unité foncière, le projet qui ne porte pas sur l'ensemble du secteur AU1c méconnaît cet article AU-2 du règlement ;

- le lotissement projeté, qui constitue une extension de l'urbanisation, méconnaît le principe de l'urbanisation réalisée en continuité exigé par l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme issu de la loi Montagne ;

- l'ouverture à l'urbanisation du secteur AU1c méconnaît aussi la charte du parc naturel régional du Lubéron pour le même motif ;

- les caractéristiques de l'unique voie de desserte du lotissement projeté, situé au surplus dans une zone d'alea moyen de feux de forêts, méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet, qui porte atteinte au site classé du Colorado de Rustrel, méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 mars, 5 avril et 12 mai 2021, la commune de Rustrel, représentée par Me Légier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme M... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 1er avril et 11 mai 2021, M. A... G... et Mme N... E..., représentés par Me Coque, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme M... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

-les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Cofflard pour les consorts M... et Me Légier pour la commune de Rustrel et substituant Me Coque pour M. G... et Mme E....

Une note en délibéré a été enregistrée le 22 septembre 2021, présentée par les consorts M....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 mars 2019, le maire de la commune de Rustrel a délivré à M. G... et autres un permis d'aménager en vue de créer un lotissement de 23 lots à bâtir sur les parcelles cadastrées section AH n° 76 à 81, d'une superficie totale de 32 404 m², classées en zone AU1c et AU1ca du plan local d'urbanisme de la commune et situées boulevard du Colorado sur le territoire communal. Les époux M..., voisins du projet, ont formé le 14 mai 2019 un recours gracieux auprès du maire tendant au retrait de cet arrêté, lequel est resté sans réponse. Ils ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de cet arrêté du 15 mars 2019, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Par le jugement dont les requérants relèvent appel, les premiers juges ont rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme M..., les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des requérants, ont suffisamment répondu, au point 4 du jugement attaqué, au moyen tiré de ce que la notice du projet d'aménagement jointe au dossier de demande du permis d'aménager méconnaissait l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme en relevant notamment l'ampleur du lotissement projeté et en mentionnant la superficie de 32 404 m² du terrain d'assiette du projet. Ils ont aussi suffisamment motivé, au point 10 du jugement, leur réponse au moyen tiré de l'insuffisance de l'accès au projet en mentionnant notamment les caractéristiques de cette voie et l'avis du SDIS de Vaucluse. La critique de la réponse apportée à ces moyens par le Tribunal relève du bien-fondé du jugement. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier au motif qu'il serait entaché d'une insuffisance de motivation sur ces deux points.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, les requérants se bornent en appel à réitérer le moyen tiré de l'insuffisance de la notice du projet d'aménagement jointe à la demande du permis d'aménager en litige, en méconnaissance de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme, sans critiquer utilement la réponse des premiers juges sur ce point en se bornant à soutenir que la forte sensibilité paysagère du site du Colorado de Rustrel situé à proximité et le risque d'engorgement de la voie de desserte du projet exigeaient la présentation d'un parti d'aménagement particulier et plus précis du projet et que ces deux aspects n'auraient pas été suffisamment pris en compte dans cette notice pour permettre au service instructeur de se prononcer en toute connaissance de cause. La critique par les requérants sur le choix de l'emplacement des espaces verts prévu par le projet ne relève pas de l'insuffisance du dossier de demande de permis d'aménager en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date d'approbation du PLU de la commune le 15 juin 2007 : " (Les plans locaux d'urbanisme) comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune. Ils peuvent, en outre, comporter des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager. Ces orientations peuvent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, prévoir les actions et opérations d'aménagement à mettre en œuvre, notamment pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune (...) ". Aux termes de l'article L. 151-8 de ce code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. " Aux termes de l'article AU1-2 du règlement du PLU de la commune de Rustrel approuvé le 15 juin 2007 : " Les opérations d'ensemble (lotissement, groupement, d'habitation...) devront porter au moins sur une unité foncière, ou sur l'ensemble d'un secteur, ou de la zone, en cohérence avec l'orientation d'aménagement fixée dans le PADD et sans compromettre l'aménagement globale envisagé. ". Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 153-31du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide :1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ;2° Soit de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ;3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance.4° Soit d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser qui, dans les neuf ans suivant sa création, n'a pas été ouverte à l'urbanisation ou n'a pas fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, directement ou par l'intermédiaire d'un opérateur foncier. 5° Soit de créer des orientations d'aménagement et de programmation de secteur d'aménagement valant création d'une zone d'aménagement concerté. ".

6. Il ressort des pièces produites par la commune que le PADD du PLU de la commune approuvé le 15 juin 2007 a défini, en application de ces dispositions, trois orientations générales, dont aucune ne mentionne l'obligation pour une opération d'ensemble de porter sur l'ensemble ou sur une unité foncière d'un secteur de la commune. Si l'orientation d'aménagement n° 3 relative au développement et à la restructuration du secteur AU1c les Grandes Vignes du PLU approuvé à cette date prévoyait que l'opération devait porter sur l'ensemble de ce secteur, cette orientation a été modifiée lors de la modification simplifiée n° 2 du PLU approuvée par le conseil municipal le 16 avril 2018, applicable à la date de la décision en litige du 15 mars 2019. Elle prévoit désormais, afin de faciliter l'ouverture à l'urbanisation du secteur des grandes Vignes où se situe le projet et de mettre fin précisément à la contradiction entre l'article AU1-2 du règlement et cette orientation d'aménagement, que l'opération d'ensemble peut porter aussi bien sur une unité foncière que sur l'ensemble du secteur. Dès lors, et en tout état de cause, que la modification de cette orientation n° 3 n'a ni pour objet ni pour effet de réduire la protection édictée en raison de la qualité du paysage du site du Colorado de Rustrel au sens du 3° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme et en l'absence de toute modification des orientations générales du PADD et du règlement de la zone, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, par la voie de l'exception, que la commune ne pouvait pas légalement, en application de l'article L. 153-36 du code de l'urbanisme, utiliser la procédure de modification du plan local d'urbanisme, au lieu de celle de la révision, pour modifier cette orientation d'aménagement en autorisant la création de lotissements sur un territoire moindre que l'ensemble du secteur. Par suite, à la date de la décision en litige du 15 mars 2019, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article AU1-2 du règlement du plan local d'urbanisme ne serait pas cohérent avec cette orientation n° 3 du secteur AU1c les Grandes Vignes. Si les requérants soutiennent aussi que l'article AU1-2 serait incohérent avec la sous-orientation n° 3 " Stopper l'habitat diffus" de l'orientation générale n° 2 "Définir un projet d'aménagement préservant et valorisant les patrimoines naturel, paysager et foncier de la commune", la suppression de l'exigence d'une opération d'ensemble sur l'ensemble du secteur ne peut être regardée comme constituant un mitage du territoire communal susceptible de porter atteinte aux perspectives offertes sur le site du Colorado de Rustrel, dès lors que la faculté de créer un lotissement, y compris sur une seule unité foncière nécessairement d'une superficie moindre que celle de tout le secteur AU1c, ne peut être regardée comme portant atteinte à la préservation de ce patrimoine paysager de la commune. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, par la voie de l'exception, que l'article AU1-2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il prévoit la possibilité d'autoriser un lotissement sur une unité foncière au moins, dont les dispositions sont suffisamment précises et qui ne sont pas superfétatoires, serait incompatible avec le PADD de la commune.

7. En troisième lieu, dès lors que l'article AU1-2 du règlement en tant qu'il autorise une opération d'ensemble sur au moins une unité foncière, n'est pas entaché d'illégalité ainsi qu'il vient d'être dit au point 6 et qu'il est applicable, les requérants ne peuvent utilement soutenir, par la voie de l'action directe, que le permis d'aménager en litige, qui ne porte pas sur l'ensemble du secteur, méconnaitrait par voie de conséquence l'article AU1-2 en tant qu'il impose que l'opération porte sur l'ensemble des secteurs AU1c et AU1ca.

8. En quatrième lieu, la commune de Rustrel est située dans la zone des Monts de Vaucluse. L'article L 122-5 du code de l'urbanisme issu de la loi Montagne prévoit que : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ". L'article L. 122-5-1 de ce code dispose que : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux. ". L'article L. 122-6 prévoit que : " Les critères mentionnés à l'article L. 122-5-1 sont pris en compte : a) Pour la délimitation des hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels le plan local d'urbanisme ou la carte communale prévoit une extension de l'urbanisation ; (...) ". L'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ". Est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble.

9. Contrairement à ce que soutiennent les bénéficiaires du permis d'aménager, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, soulevé pour la première fois en appel par les requérants, est recevable dès lors qu'il relève de la même cause juridique que celle invoquée en première instance.

10. Il ressort du site Géoportail accessible tant au juge qu'aux parties que le terrain d'assiette du projet situé sur les parcelles cadastrées section AH n° 76 à 81 se situe à environ un km du centre du bourg à partir de son extrémité est, à l'entrée de ville. Il est contigu en partie ouest en direction du centre du bourg avec des parcelles déjà bâties AH n° 439, 526, 538 et 69, elles-mêmes séparées du centre du village par une vingtaine de parcelles de plus en plus densément bâties à l'approche du centre. Par suite, et alors même que ce terrain est bordé pour une petite part à l'ouest par deux parcelles de faible superficie AH n° 70 et n° 71 vierges de constructions, le projet ne peut être regardé comme situé dans une zone d'urbanisation diffuse et est situé en continuité du village de Rustrel. Ce secteur est desservi par l'ensemble des réseaux. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet méconnaitrait l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.

11. En cinquième lieu, en se bornant à soutenir que la charte du Parc naturel régional du Lubéron n'aurait pas été prise en compte lors de l'ouverture à l'urbanisation du secteur AU1c, les requérants n'établissent pas que les dispositions de cette charte auraient été méconnues. En tout état de cause, il ressort de la lettre du 15 janvier 2018 de ce Parc naturel, saisi pour avis par la commune dans le cadre de la modification simplifiée du plan local d'urbanisme en 2018, que le Parc recommande seulement au maire de créer une orientation d'aménagement et de programmation plus précise sur le secteur des Grandes Vignes sans formuler de critiques ou d'objections à l'ouverture à l'urbanisation de ce secteur. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet méconnaitrait cette charte.

12. En sixième lieu, les requérants se bornent en appel à réitérer le moyen tiré de l'insuffisance de la desserte du projet en litige, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, sans critiquer utilement la réponse des premiers juges sur ce point. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué.

13. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des vues de l'état existant dans l'environnement proche et lointain jointes au dossier de demande de permis d'aménager, que le terrain d'assiette du projet est planté d'oliviers dans un secteur abritant quelques habitations et qu'il est orienté vers le site classé du Colorado provençal et situé en covisibilité des falaises d'ocre et des cheminées de fées de ce site présentant une grande sensibilité paysagère. Toutefois, afin de protéger la qualité paysagère du site et de limiter l'impact visuel du projet et en conformité avec l'orientation d'aménagement et de programmation n° 3 applicable au secteur et au règlement de la zone AU1, le projet prévoit un recul des constructions de 10 mètres par rapport à la route départementale et une hauteur, pour les constructions situées dans une bande de 40 mètres de la voie, limitée à 5 mètres au faîtage et à 8 mètres au faîtage pour les constructions situées au-delà de cette bande dans la partie la plus basse du terrain d'assiette en pente. En outre, le projet prévoit la création d'espaces verts. En se bornant à soutenir que ces mesures ne suffiraient pas pour garantir l'insertion paysagère du projet, les requérants n'établissent pas que le projet en litige de 23 lots, par sa seule ampleur, porterait atteinte aux vues exceptionnelles sur le site à partir du boulevard du Colorado et de leur propriété. Compte tenu des mesures prises pour garantir l'insertion du projet dans son environnement, le maire a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le projet ne portait pas atteinte aux lieux avoisinants et qu'il ne méconnaissait pas, dès lors, l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

15. Il résulte de ce qui précède que les consorts M... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rustrel et des bénéficiaires du permis d'aménager, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une quelconque somme à verser aux consorts M... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge des consorts M... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Rustrel et une autre somme de 1 000 euros à verser à M. A... G... et Mme E....

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts M... est rejetée.

Article 2 : Les consorts M... verseront une somme de 1 000 euros à la commune de Rustrel et une autre somme à M. A... G... et Mme E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... M..., à Mme I... M..., à la commune de Rustrel, à M. A... G..., à M. L... F..., à Mme J... K..., à M. C... G..., à M. D... F..., à M. H... F... et à Mme B... E....

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.

2

N° 20MA04506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04506
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LEGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-28;20ma04506 ?
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