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27/09/2021 | FRANCE | N°18MA03432

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 27 septembre 2021, 18MA03432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Pays d'Aix a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société des Etablissements Chiarella à lui verser la somme de 167 152 euros hors taxes, avec intérêts à compter de l'enregistrement de la requête et capitalisation des intérêts, la somme de 50 000 euros en réparation de son trouble de jouissance et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1207005 du 3 mai 2016, le tribu

nal administratif de Marseille a condamné la société des Etablissements Chiarella ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Pays d'Aix a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société des Etablissements Chiarella à lui verser la somme de 167 152 euros hors taxes, avec intérêts à compter de l'enregistrement de la requête et capitalisation des intérêts, la somme de 50 000 euros en réparation de son trouble de jouissance et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1207005 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société des Etablissements Chiarella à verser à la métropole Aix-Marseille Provence, venue aux droits de la communauté d'agglomération du pays d'Aix, les sommes de 167 152 euros hors taxes et de 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2012 et capitalisation des intérêts à compter du 26 octobre 2013.

Par un arrêt n° 16MA02725-16MA02761 en date du 9 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de la société des Etablissements Chiarella, a annulé ce jugement et rejeté la demande de la Métropole Aix-Marseille Provence.

Par une décision n° 416407 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la métropole Aix-Marseille Provence, a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur l'appel de la société des Etablissements Chiarella et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt avant dire droit n° 18MA03432 du 30 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a ordonné une expertise aux fins d'évaluer d'une part la nature et l'ampleur des désordres affectant les bétons mis en œuvre par la société des Etablissements Chiarella, ainsi que le montant des travaux nécessaires à leur reprise, d'autre part l'existence de troubles de jouissance résultant de tels désordres pour la collectivité et l'ampleur de ces troubles.

Par ordonnance en date du 28 octobre 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a nommé M. B... en qualité d'expert.

Par un mémoire du 28 janvier 2020, la société Acte IARD, représentée par la SCP De Angelis, demande à la Cour de déclarer communes et opposables les dispositions de l'arrêt du 30 septembre 2019 et de l'ordonnance du 28 octobre 2019 aux sociétés Archimed et Dekra Industrial.

Le rapport d'expertise a été produit par M. B... le 12 mars 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par la SCP Charrel et associés, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société des Etablissements Chiarella ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Acte IARD ;

3°) de condamner la société des Etablissements Chiarella à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert a évalué la réparation des désordres concernant les bétons à la somme de 162 835,49 euros hors taxes ;

- les troubles de jouissance correspondent à la perte de revenus d'exploitation s'élevant à la somme de 122 544 euros pour l'ensemble de l'année 2019 ; les retards sont pleinement imputables à la société des Etablissements Chiarella ;

- les dépenses de fonctionnement de la piscine entre 2003 et 2013 n'ont pas été compensées par la perception de droits d'entrée et de redevances ;

- le montant des dépenses relatives aux fluides et énergies s'élève à la somme de 146 972,30 euros par an, soit un total de 955 320 euros ;

- le coût moyen annuel total des frais de personnel engagés pour la piscine du Jas est de 336 600 euros ;

- les dépenses de fonctionnement courant s'élèvent à la somme de 539 472,30 euros ;

- le montant des recettes annuelles s'élève à la somme de 131 183,20 euros par an, soit un montant global pour l'ensemble de la période de 852 691 euros ; le montant de la subvention départementale s'élève à la somme de 2 971,125 euros par an ; les redevances annuelles pour la location du bassin s'élèvent à la somme de 500 euros par an ; les redevances d'occupation du domaine public s'élèvent à la somme de 50 000 euros par an ;

- elle a subi un préjudice résultant de la perte d'utilité sociale ; l'ouverture tardive de la piscine a pénalisé les politiques publiques conduites en matière de sport ;

- son préjudice global lié aux troubles de jouissance s'élève à la somme de 50 000 euros.

Par deux mémoires enregistrés le 2 avril 2021 et le 5 juillet 2021, la société Acte IARD, représentée par la SCP De Angelis, demande à la Cour :

1°) de rejeter les demandes de la société des Etablissements Chiarella dirigées contre elle ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la métropole Aix-Marseille Provence ;

3°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence et de la société des Etablissements Chiarella la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert n'a pas pris en compte son dire en date du 7 septembre 2020 ;

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les demandes formulées à son encontre ;

- la demande d'indemnisation du préjudice de jouissance est infondée ; les problèmes d'altimétrie du bassin ne sont qu'en partie imputables à la société des Etablissements Chiarella ; les problèmes liés aux bétons ne sont qu'en partie à l'origine de la fermeture de la piscine ;

- la métropole Aix-Marseille Provence n'a pas tenu compte des alertes et avis défavorables du bureau de contrôle avant la réception de l'ouvrage, et n'a pas régi pour remédier aux dommages.

Par un mémoire enregistré le 29 juillet 2021, la société des Etablissements Chiarella, représentée par Me Chiarella, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de rejeter l'intégralité des prétentions de la métropole Aix-Marseille Provence ;

3°) de condamner la société Acte IARD à la couvrir en garantie de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence et de la société Acte IARD la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réalité des désordres n'est pas établie ; elle a procédé à tous les tests utiles concernant les bétons ; le rapport Reybaud n'a pas eu un caractère contradictoire ; les travaux de reprise ont été effectués entre 2011 et 2013, avant l'intervention de l'expert judiciaire ; les travaux de reprise auraient pu se limiter à des travaux de renfort ;

- la réception des ouvrages a eu lieu sans réserve ; les désordres étaient apparents au moment de la réception ;

- le montant des préjudices est limité à la somme évaluée par l'expert judiciaire à hauteur de 152 169,71 euros, plus la somme de 10 655,78 euros au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre ;

- le préjudice de jouissance allégué n'est pas justifié ; la piscine a été fermée pour des raisons d'hygiène ; le maître de l'ouvrage a eu connaissance des défaillances structurelles dès le 2 novembre 2004 ; les retards d'ouverture de la piscine ne sont pas liés exclusivement aux défauts affectant les bétons ; elle a déjà été condamnée à indemniser les dommages résultant du défaut de planéité ;

- la société Acte IARD devra la garantir des condamnations prononcées contre elle au titre de la garantie décennale.

Par ordonnance en date du 30 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 août 2021.

Par ordonnance de la présidente de la cour administrative de Marseille en date du 2 juillet 2021, les frais d'expertise ont été taxés à la somme de 14 005,38 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Vidal pour la métropole Aix-Marseille Provence et de Me Bardon pour la société Acte IARD.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 30 mai 2001, la commune des Pennes-Mirabeau, à laquelle s'est ultérieurement substituée la communauté d'agglomération du pays d'Aix puis la métropole Aix-Marseille Provence, a confié à la société des Etablissements Chiarella le lot n° 3 " gros-œuvre et charpente " d'un marché public de travaux relatif à la construction d'une piscine couverte dénommée " Jas de Rhodes ". Par un jugement du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société des Etablissements Chiarella à verser une indemnité de 167 152 euros hors taxes et la somme de 10 000 euros à la métropole Aix-Marseille Provence. La société des Etablissements Chiarella fait appel de ce jugement. Par un arrêt avant dire droit du 30 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit à l'exception d'incompétence opposée par la société Acte IARD à l'appel en garantie présenté à son encontre par la société des Etablissements Chiarella, a considéré que la responsabilité de la société des Etablissements Chiarella envers la métropole Aix-Marseille Provence était engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs et a ordonné une expertise en vue d'évaluer les préjudices de la métropole Aix-Marseille Provence, venue aux droits de la communauté d'agglomération du Pays-d'Aix.

Sur la demande de mise en cause :

2. La société Acte IARD demande à la Cour de déclarer communes et opposables les dispositions de l'arrêt du 30 septembre 2019 et de l'ordonnance du 28 octobre 2019 aux sociétés Archimed et Dekra Industrial et doit être regardée comme sollicitant leur mise en cause. Il résulte de l'instruction qu'aucune condamnation n'a été prononcée à l'égard de ces deux sociétés en première instance et qu'aucune conclusion n'est dirigée contre elles en appel. Par suite, il n'y a pas lieu de les appeler à la cause et la demande de la société Acte IARD doit dès lors être rejetée.

Sur la régularité des opération d'expertise :

3. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision ". Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " (...) Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport ".

4. La société Acte IARD soutient que son dire n° 7 du 7 septembre 2020 n'a pas été pris en compte par l'expert. Il résulte de l'instruction que l'expert a omis de joindre le dire n° 7 de la société Acte IARD. Toutefois, il résulte de l'instruction que les observations formulées dans ce dire n° 7 ont été exposées par l'expert dans le corps du rapport et que l'expert y a apporté une réponse. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport d'expertise doit être écarté.

Sur le montant du préjudice :

En ce qui concerne l'étendue des désordres :

5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les désordres affectant les bétons mis en œuvre par la société des Etablissements Chiarella correspondent à des insuffisances de résistance en compression des bétons, telles que listées aux pages 28 à 30 du rapport d'expertise. L'expert a également relevé l'existence de fissures sur le bassin de natation, nécessitant la reprise de l'étanchéité de la totalité du bassin. L'expert a en outre relevé que les valeurs de contrainte des bétons et de l'acier dans certaines parties des vestiaires étaient dépassées, nécessitant un renforcement par plats collés tel que décrit à la page 34 du rapport. L'expert a également retenu l'insuffisance des aciers dans les poteaux P2 et P7 et a conclu à la nécessité de démolir et de reconstruire ces poteaux. Concernant les voiles béton, l'expert, à la page 37 du rapport, a dressé un tableau des désordres relatifs aux fissurations intérieures du voile béton, aux micro-fissures d'allure verticale sur toute la hauteur du voile béton, et aux fissurations extérieures sur les façades. Il a préconisé un renforcement par plats collés verticalement et horizontalement. Si la société des Etablissements Chiarella et la société Acte IARD font valoir que les conclusions de l'expert judiciaire ont été émises au vu de rapports d'investigation antérieurs de la société CETE, investigations auxquelles elles n'ont pas participé, l'expert judiciaire a pu régulièrement s'appuyer sur les éléments fournis par ces rapports pour formuler ses conclusions, ces rapports ayant été au demeurant soumis au contradictoire. La société des Etablissements Chiarella fait valoir en outre que l'étude des ferraillages effectuée par le BE CESBA a été approuvée par le bureau de contrôle préalablement au coulage des bétons, et que les bétons ont fait l'objet de plusieurs campagnes de contrôle en 2002. Toutefois, ces éléments, qui avaient été portés à la connaissance de l'expert judiciaire, ne sont pas de nature à contredire les conclusions de ce dernier validant les résultats des études réalisées par le bureau de contrôle CETE sur les insuffisances de résistance des aciers et des bétons en 2009. Si la société des Etablissements Chiarella soutient par ailleurs que les carottages réalisés par le bureau de contrôle CETE n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, alors que l'expert judiciaire, qui a visé spécifiquement la description de la procédure de réalisation des investigations par le bureau de contrôle CETE à la page 27 de son rapport, n'a émis aucune critique concernant la méthodologie de ces essais. La mention portée à la page 32 du rapport d'expertise relative au fait que les " rédacteurs regrettent toutefois que les investigations réalisées n'aient pas mis en évidence l'épaisseur de béton structurel de la dalle à prendre en compte pour le calcul " renvoie à l'analyse faite en 2009 par le bureau d'étude LCO du rapport de diagnostic technique du bassin de natation concernant les investigations réalisées le 2 juillet 2009 par le bureau de contrôle CETE et ne remet pas en cause la réalité ou l'étendue des désordres constatés. La circonstance que la société des Etablissements Chiarella aurait proposé une campagne d'essais au scléromètre avant la fin du chantier est sans incidence sur les constatations effectuées par l'expert judiciaire sur l'étendue des désordres. Dans ces conditions, la société des Etablissements Chiarella et la société Acte IARD ne contestent pas utilement les constatations effectuées par l'expert concernant l'étendue des désordres.

En ce qui concerne le montant des réparations :

6. L'expert a évalué le montant des travaux de reprise à la somme de 152 169,71 euros, auquel il y a lieu d'ajouter les honoraires de maitrise d'œuvre pour un montant de 10 665,78 euros, soit un montant total de 162 835,49 euros hors taxes. Le montant des réparations ainsi établi par l'expert judiciaire n'est pas contesté par les parties. Au vu de l'ensemble des éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la métropole Aix-Marseille Provence au titre de la reprise des désordres en le fixant à la somme de 162 835,49 euros hors taxes.

En ce qui concerne les pertes financières :

7. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'exploitation de l'établissement à compter de sa mise en service le 1er juillet 2013 a été significativement déficitaire, à hauteur de 475 000 euros par an. L'expert judiciaire a relevé à cet égard, sans être utilement contredit sur ce point par la métropole Aix-Marseille Provence, que le caractère déficitaire de l'exploitation est commun et fréquent pour un établissement de ce type. Par suite, il y a lieu de considérer qu'entre la fermeture de l'établissement le 28 juillet 2003, date à laquelle la collectivité a eu connaissance des problèmes de solidité de l'ouvrage, et le 1er juillet 2013, date à laquelle l'équipement a été mis en service à la suite de la reprise des travaux, la métropole Aix-Marseille Provence n'a subi aucun manque à gagner. La métropole Aix-Marseille Provence fait valoir qu'elle a néanmoins engagé des frais d'entretien pendant la période de fermeture, frais non couverts par des recettes. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des éléments chiffrés fournis dans le rapport d'expertise, que les recettes tirées de l'exploitation de l'équipement n'auraient pas permis de couvrir ces frais d'entretien. La fermeture de l'équipement n'est donc pas à l'origine des pertes alléguées par la métropole Aix-Marseille Provence sur ce point. Il résulte en conséquence de ce qui précède que l'existence d'un préjudice financier résultant de la fermeture de la piscine au cours de la période 2003-2013 n'est pas établie. Par suite, la demande indemnitaire de la métropole Aix-Marseille Provence sur ce point doit être rejetée.

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

8. L'indisponibilité de l'équipement pour une longue durée et la fermeture au public de la piscine ont engendré une perturbation du service public, de nature à constituer pour la collectivité un trouble de jouissance qui lui a été préjudiciable. Si la société des Etablissements Chiarella et la société Acte IARD soutiennent que la fermeture de la piscine ne résulte qu'en partie des problèmes liés aux bétons, il résulte de l'instruction que les désordres constructifs en cause ont été mis en évidence par le contrôleur technique le 28 juillet 2003, puis par un rapport technique du 2 novembre 2004, qui relève plusieurs défaillances structurelles. La fermeture de l'établissement est dès lors directement liée aux dommages décennaux en litige dans la présente instance. Par suite, le préjudice de jouissance subi par la métropole Aix-Marseille Provence est indemnisable au titre de la responsabilité décennale de la société des Etablissements Chiarella pour les désordres liés aux bétons, sans qu'y fassent obstacle les condamnations mises à la charge de cette dernière ou d'autres sociétés dans l'instance n° 16MA02481, au titre de la réparation du coût des travaux de reprise d'autres désordres.

9. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que par un courrier en date du 28 mars 2003, la DDASS a considéré que pour des raisons d'hygiène, l'ouverture de la piscine ne pouvait être autorisée. Il ressort des éléments exposés dans le rapport de l'expert judiciaire que les problèmes sanitaires relevés par la DDASS pour justifier ce refus auraient pu être résolus au plus tard au début de l'année 2005. Par suite, il y a lieu de considérer que la fermeture de l'équipement en raison des désordres constructifs a été à l'origine de la fermeture de l'établissement à compter du début de l'année 2005. Trois rapports du bureau de contrôle CETE datés du 15 mai 2009, du 2 juillet 2009 et du 23 novembre 2009 ont permis de connaître l'étendue exacte des désordres constructifs. Les travaux de reprise effectués par la collectivité à compter de 2011 ont permis la mise en service de la piscine le 1er juillet 2013. Ainsi, la métropole Aix-Marseille Provence a été privée de la jouissance de la piscine du fait des désordres constructifs liés aux bétons pendant une durée d'environ quatre ans allant du début de l'année 2005 à la date où leur étendue a été connue, soit en novembre 2009.

10. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment au point 7 que le service public administratif d'exploitation de la piscine a un caractère structurellement déficitaire. Il y a lieu, par suite, d'évaluer le trouble de jouissance subi par la métropole Aix-Marseille Provence par référence à la valeur locative du bien, équivalant au montant du loyer que la collectivité aurait acquitté pour louer un tel équipement à une personne privée. Il y a lieu de considérer, au regard de la détermination des loyers du parc locatif privé, que le montant de la location peut être évalué selon un ordre de grandeur de 1/25e de la valeur vénale du bien. Dans les circonstances de l'espèce, l'équipement ayant une valeur d'environ 7 millions d'euros, la valeur locative correspondrait à un loyer mensuel d'environ 20 000 euros par mois. Il résulte de l'instruction que le montant de l'indemnité sollicitée par la métropole Aix-Marseille Provence au titre du préjudice de jouissance, rapporté à la durée de quarante-sept mois d'indisponibilité, correspond à un loyer de 1 064 euros par mois. Ce montant est très largement inférieur à la valeur locative du bien établie selon les modalités décrites ci-dessus. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un complément d'expertise sur ce point, il y a lieu de faire droit à la demande de la métropole Aix-Marseille Provence tendant à la réparation de son préjudice de jouissance à hauteur de la somme de 50 000 euros.

En ce qui concerne le montant global du préjudice :

11. Il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par la métropole Aix-Marseille Provence en le fixant à la somme de 212 835,49 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu, par suite, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a limité le montant des condamnations mises à la charge de la société des Etablissements Chiarella à la somme de 177 152 euros et de porter le montant de ces condamnations à la somme de 212 835,49 euros. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel principal de la société des Etablissements Chiarella tendant à l'annulation du jugement et au rejet de l'intégralité des prétentions indemnitaires présentées par la métropole Aix-Marseille Provence en première instance doivent être rejetées. Le surplus des conclusions indemnitaires incidentes présentées au titre de l'appel incident par la métropole Aix-Marseille Provence doit être rejeté.

Sur les frais d'expertise :

12. Il y a lieu de mettre à la charge de la société des Etablissements Chiarella les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 005,38 euros par ordonnance de la présidente de la cour administrative de Marseille en date du 2 juillet 2021.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence, qui n'est pas tenue aux dépens et qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par la société des Etablissements Chiarella sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, sur ce même fondement, de condamner la société des Etablissements Chiarella à verser à la métropole Aix-Marseille Provence et à la société Acte IARD une somme de 2 000 euros chacune. Il n'y a pas lieu, enfin, de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence la somme réclamée par la société Acte IARD sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société des Etablissements Chiarella par l'article 2 du jugement n° 1207005 du tribunal administratif de Marseille du 3 mai 2016 est porté à la somme de 212 835,49 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1207005 du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 005,38 euros, sont mis à la charge de la société des Etablissements Chiarella.

Article 4 : Il est mis à la charge de la société des Etablissements Chiarella le versement à la métropole Aix-Marseille Provence d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Il est mis à la charge de la société des Etablissements Chiarella le versement à la société Acte IARD d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Aix-Marseille Provence, à la société des Etablissements Chiarella et à la société Acte IARD.

Copie en sera adressée à M. B..., expert.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. C... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.

3

N° 18MA03432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03432
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ZUPAN
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : VILLEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-27;18ma03432 ?
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