Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2003343 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Perollier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'un vice de procédure tenant à la violation des règles d'émission des avis par le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), notamment la règle de la collégialité et les règles concernant la signature électronique ;
-il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et est entaché d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur d'appréciation eu égard en particulier à l'indisponibilité du traitement en Arménie ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- à titre subsidiaire, elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée le 20 novembre 2020 au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.
Par ordonnance du 5 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois,
- et les observations de Me Perollier, représentant M.°A....
Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 9 septembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juillet 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal :
2. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose, dans sa rédaction applicable : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré " et, en vertu du premier alinéa de l'article 56 du décret du 19 décembre 1991, le délai de ce recours " est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 juillet 2019 a été notifié à M. A... le 26 juillet 2019. Il est constant que ce dernier a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration du délai de recours contre cet arrêté. Cette aide lui a été accordée par décision du 4 novembre 2019. En l'absence d'établissement de la date de notification au requérant de cette décision ou, si elle est plus tardive, de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle, la demande enregistrée au greffe du tribunal le 21 avril 2020 ne peut être regardée comme tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis par son néphrologue, que le requérant présente une insuffisance rénale chronique terminale sur une néphropathie vasculaire associée à une hypertension artérielle, dont le défaut de traitement l'expose à un risque de décès et pour laquelle il est pris en charge à raison de 3 séances de dialyse par semaine depuis le 17 juillet 2018, soit depuis plus d'un an à la date de l'arrêté litigieux, et reçoit également un traitement antihypertenseur complexe associant AMLOR (r), LASILIX (r), EUPRESSYL (r) et TRIATEC (r) qui ne doit pas être interrompu sous peine de mettre sa vie en danger. Si, par un avis émis le 4 novembre 2018, le collège de médecins de l'OFII, après avoir indiqué que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, a estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, il ressort également des pièces du dossier, en particulier de la lettre traduite du 19 octobre 2020 émanant du ministère arménien de la santé qu'il produit, que ni la spécialité EUPRESSYL (r) ni aucun autre médicament contenant le même principe actif que celui de cette spécialité n'est enregistré en Arménie à cette date, ni donc antérieurement. En outre, les documents produits par M. A..., dont la pertinence n'est pas contestée par le préfet des Bouches-du-Rhône, permettent de tenir pour établis que son état de santé nécessite à terme une transplantation rénale qui ne peut être réalisée en Arménie puisqu'aucun des membres de sa famille ne présente la compatibilité nécessaire pour être donneur et qu'aucune transplantation de rein post-mortem n'y est actuellement autorisée, de sorte qu'une telle intervention ne pourrait être pratiquée qu'en France, à la condition toutefois qu'il y séjourne en situation régulière. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le préfet avait pu sans méconnaître les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, considérer que M. A... pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'annuler l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A..., sauf changement des circonstances de fait ou de droit, une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Pérollier, avocat de M. A..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 23 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A..., sauf changement des circonstances de fait ou de droit, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Pérollier la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Pérollier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2021.
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N° 20MA04265
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