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20/09/2021 | FRANCE | N°19MA05687

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 20 septembre 2021, 19MA05687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 314 352 euros, subsidiairement après lui avoir alloué une provision et avoir ordonné une expertise, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 27 décembre 2012, prononçant la fermeture administrative pour trois mois de l'établissement " la Playa " à Fréjus.

Par un jugement n°1701241 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a con

damné l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 314 352 euros, subsidiairement après lui avoir alloué une provision et avoir ordonné une expertise, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 27 décembre 2012, prononçant la fermeture administrative pour trois mois de l'établissement " la Playa " à Fréjus.

Par un jugement n°1701241 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions à fins de condamnation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2019, 4 mars 2021 et 19 mars 2021, M. A..., représenté par Me Gaziello, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 octobre 2019 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fins de condamnation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 2 319 352 euros, subsidiairement de lui allouer une provision de 100 000 euros et d'ordonner une expertise afin d'évaluer les préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a inexactement apprécié le moyen tenant aux pertes subies par la SARL exploitant le fonds de commerce, qui visait à démontrer les préjudices qu'il avait subis de ce fait, tenant à la disparition du fonds, à la perte de redevance de location-gérance et à la perte de comptes-courants d'associés ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte le lien de causalité entre la liquidation judiciaire de la société et la fermeture illégale de l'établissement ;

- le débat contradictoire a été insuffisant à cet égard ;

- le tribunal a omis de se prononcer sur ses préjudices liés à la perte de redevance de location-gérance et à la perte de comptes-courants d'associés ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'illégalité de l'arrêté du 27 décembre 2012 engage la responsabilité de l'Etat, ainsi que l'a admis le tribunal ;

- les pertes subies par la SARL La Playa Club du fait de cette fermeture, alors qu'elle était fragilisée par les mesures de déstabilisation prises antérieurement par l'administration, ont entrainé sa liquidation judiciaire et ainsi la perte du fonds de commerce qu'elle exploitait en location-gérance, dont il était propriétaire ;

- la société ne s'est pas acquittée de sa redevance de location-gérance pour l'année 2012 ;

- il a perdu les fonds de son compte-courant d'associé et de celui de sa mère ;

- son préjudice moral a été insuffisamment évalué.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 11 mars 2021, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Les parties ont été informées, par lettres du 19 janvier, 24 février et 19 mars 2021, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du premier semestre 2021 et que l'instruction pourrait être close à partir du 2 avril 2021 sans information préalable.

Par une ordonnance du 10 juin 2021, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Gaziello, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... et sa mère, Mme E... A..., décédée au cours du mois de janvier 2017, étaient co-gérants de la SARL La Playa Club, qui exploitait à Fréjus un restaurant et une discothèque " la Playa ", pris en location gérance de M. B... A..., leur père et époux, lui-même décédé le 27 octobre 2013. Par un arrêté du 27 décembre 2012, annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Toulon du 5 février 2015, le sous-préfet de Draguignan a ordonné la fermeture de l'établissement " la Playa " pour une durée de trois mois à compter du 29 décembre 2012. M. C... A..., estimant que la liquidation judiciaire de la SARL La Playa Club, prononcée le 18 mars 2013, résultait de cette mesure administrative, a demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation de l'Etat à l'indemniser, en son nom propre et en sa qualité d'ayant droit, des préjudices qu'il estime que lui-même et ses parents ont subis du fait de cet arrêté illégal. Il relève appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel, au-delà de la somme de 1 500 euros allouée, le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'unique mémoire en défense du préfet du Var a été enregistré par le tribunal le mercredi 25 septembre 2019 et communiqué le même jour à 16h36 au conseil de M. A... via le téléservice mentionné à l'article R. 414-1 du code de justice administrative en lui impartissant un délai de trois jours pour la production d'une éventuelle réplique. Ce dernier n'en a pris connaissance que le lundi 30 septembre 2019. S'il est néanmoins réputé, en application de l'article R. 611-8-2 du même code dans sa version alors applicable, en avoir reçu communication le vendredi 27 septembre 2019 à 16h36, l'instruction s'est trouvée close, en application de l'article R. 613-2 de ce code, en l'absence d'ordonnance de clôture de l'instruction et compte-tenu de ce que l'audience était fixée au jeudi 3 octobre 2019, le dimanche 29 septembre 2019 à minuit. Il s'ensuit que M. A... n'a pas été mis à même de produire des observations en réplique en temps utile, le mémoire produit pour son compte en réponse, enregistré le mercredi 2 octobre 2019, n'ayant d'ailleurs, compte-tenu de la clôture, pas été analysé. Il est dès lors fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et que le jugement attaqué, rendu au terme d'une procédure irrégulière, doit être annulé en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le surplus de la demande indemnitaire présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon.

Sur le surplus des conclusions indemnitaires :

4. Il résulte de l'instruction que, par deux jugements des 21 janvier et 18 mars 2013, le tribunal de commerce a prononcé le redressement puis la liquidation judiciaire de la SARL La Playa Club, en fixant la date de cessation des paiements au 10 janvier 2013, soit moins de quinze jours après la fermeture administrative de l'établissement. Le bilan comptable de la société établi pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 fait apparaître un résultat courant avant impôt négatif de 63 125 euros, celui de l'exercice précédent étant également négatif de 71 195 euros et les associés ayant été contraints d'effectuer un abandon de créance, " avec retour à meilleur fortune " à son profit, à hauteur de 470 645 euros. Les éléments produits à l'instance, notamment les projets d'attestations d'expert-comptable peu étayés et non signés relatifs à la perte de chiffre d'affaires que la fermeture de l'établissement aurait pu occasionner à la société et à la valeur du fonds de commerce qu'elle exploitait ainsi que le projet peu probant de bilan arrêté au 30 septembre 2012, ne permettent pas de constater que la situation de la société se serait améliorée durant l'exercice clos au 31 décembre 2012. Dès lors, et alors même que des contrôles accrus de l'administration auraient rendu les conditions d'exploitation de l'établissement plus difficiles durant ses dernières années d'ouverture, il n'est pas établi que l'illégalité de la mesure de fermeture prononcée par l'administration serait, ainsi que le soutient M. A..., à l'origine de la liquidation judiciaire prononcée, ni, par voie de conséquence, de la perte du fonds de commerce, du non-paiement par la société de la redevance de location-gérance au titre de l'année 2012 ou de la perte des sommes figurant aux compte-courants d'associés que le requérant estime induits par cette liquidation.

5. Au demeurant, la perte du fonds de commerce, à la supposer même avérée, ne saurait résulter directement de la liquidation judiciaire de la société qui l'avait pris en location gérance. La circonstance que les consorts A... auraient, postérieurement à la mesure de fermeture litigieuse, rencontré des difficultés auprès de la municipalité de Fréjus pour obtenir un transfert de la licence IV attachée à ce fonds est à cet égard sans incidence. De la même manière, si M. A... a déclaré au passif de la SARL une somme de 59 202 euros correspondant à la redevance de location-gérance du fonds de commerce qui lui était due au titre de l'année 2012, cette créance ne saurait être en lien direct avec la mesure de fermeture prononcée le 29 décembre 2012, alors que le contrat de location gérance prévoyait une redevance annuelle de 180 000 francs, soit 27 441 euros, payable mensuellement à terme échu. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les associés de la SARL auraient toujours disposé de sommes placées en compte-courant d'associés à la date de la mesure de fermeture alors qu'il n'apparaît pas qu'une telle créance aurait été déclarée dans le cadre de la procédure collective.

6. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que l'illégalité de la mesure de fermeture prononcée par l'administration serait à l'origine de la liquidation judiciaire de la SARL La Playa Club ou de la disparition du fonds de commerce qu'elle avait pris en location gérance, M. A... n'est pas fondé à demander à l'Etat la réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait de cette procédure et de cette disparition.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise, que la demande de M. A... doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 octobre 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées par M. A....

Article 2 : Le surplus de la demande présentée par M. A... devant ce tribunal et ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2021.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05687
Date de la décision : 20/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales - Police des débits de boissons.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : GAZIELLO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-20;19ma05687 ?
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