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20/09/2021 | FRANCE | N°19MA05594

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 20 septembre 2021, 19MA05594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune du Pradet à les indemniser des préjudices subis du fait de l'interdiction d'accès à la parcelle dont ils possèdent la jouissance à titre exclusif et privatif, cadastrée section AM, n°116, prononcée par arrêté municipal du 23 décembre 2014.

Par un jugement n°1701533 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 19 décembre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me Gaulmin, demandent ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune du Pradet à les indemniser des préjudices subis du fait de l'interdiction d'accès à la parcelle dont ils possèdent la jouissance à titre exclusif et privatif, cadastrée section AM, n°116, prononcée par arrêté municipal du 23 décembre 2014.

Par un jugement n°1701533 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2019, M. et Mme A..., représentés par Me Gaulmin, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 octobre 2019 ;

2°) de condamner la commune du Pradet à leur verser une somme de 2 083,81 euros par mois écoulé depuis le 24 décembre 2014, subsidiairement et si l'interdiction d'habiter devenait définitive, une somme totale de 350 000 euros, en réparation de leur préjudice matériel ;

3°) de condamner la commune du Pradet à leur verser une somme de 2 500 euros par mois écoulé depuis le 24 décembre 2014 en réparation de leur préjudice moral et des troubles subis dans leurs conditions d'existence ;

4°) d'enjoindre au maire de la commune du Pradet de prendre toute mesure propre à assurer la sécurité du site ;

5°) de mettre à la charge de la commune du Pradet une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le maire a manqué aux pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales en prescrivant une interdiction d'accès plutôt que l'exécution de travaux propres à remédier au danger, et ne procédant pas à l'exécution d'office de tels travaux.

- l'interdiction d'accès qu'ils subissent leur cause un préjudice grave et spécial qui ne leur incombe pas normalement ; le secteur est largement urbanisé et, s'il était en zone rouge du plan de prévention des risques, n'était pas identifié comme soumis à un tel aléa ; la responsabilité sans faute de la commune est engagée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2020, la commune du Pradet, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- en tout état de cause, l'évènement naturel en cause constitue un cas de force majeure.

Les parties ont été informées, par lettre du 18 janvier 2021, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du premier semestre 2021 et que l'instruction pourrait être close à partir du 15 février 2021 sans information préalable.

Par une ordonnance du 10 juin 2021, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Gaulmin représentant M. et Mme A... ainsi que celles de Me Parisi représentant la commune du Pradet.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont, depuis le 29 juin 2009, propriétaires des parts sociales de la SCI " la pinède du pin de Galle " leur donnant droit à la jouissance, à titre exclusif et privatif, de la parcelle située sur la commune du Pradet, cadastrée section AM n°116, constituant le lot n°8 du lotissement et sur laquelle est édifiée une construction de type cabanon. A la suite d'importants glissements de terrain survenus au début du mois de décembre 2014, notamment sous cette parcelle, le maire de la commune, par arrêté du 23 décembre 2014, en a interdit l'accès afin de garantir la sécurité publique, compte-tenu du risque de décrochage d'une partie de la falaise la surplombant. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à ce que la commune soit condamnée à les indemniser des préjudices résultant de cette interdiction d'accès.

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires (...) les éboulements de terre ou de rochers, (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ".

3. En premier lieu, M. et Mme A... ne contestent pas qu'à la suite des glissements de terrain survenus en décembre 2014, les risques de nouveaux mouvements justifiaient que l'accès à leur parcelle et, par voie de conséquence, l'habitation de leur cabanon, soient provisoirement interdits. S'ils soutiennent en revanche qu'en ne prenant pas d'autres mesures visant à prévenir lesdits risques et à lever cette interdiction au plus vite, le maire aurait manqué à ses pouvoirs de police, il ressort des rapports établis par un bureau d'études et recherches géotechniques, en dernier lieu à la suite de visites opérées au mois de février 2015, que la phase active du glissement n'était à cette date pas terminée, empêchant d'entreprendre une quelconque opération d'étude, de déblaiement ou de confortement du site en raison du danger auquel auraient été exposés les personnes travaillant sur place. La commune a, par ailleurs, au mois d'avril 2016, fait appel aux services d'un bureau d'ingénierie des mouvements de sols et des risques naturels en vue d'effectuer une étude permettant de connaître de façon complète l'origine du phénomène et de déterminer les travaux à entreprendre le cas échéant. Elle indique, sans être contredite, que les résultats de cette étude complexe sont encore en cours d'expertise par le bureau de recherches géologiques et minières. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait pu prendre d'autres mesures que l'arrêté du 23 décembre 2014 et qu'il aurait manqué à ses pouvoirs de police.

4. En deuxième lieu, il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en œuvre, ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer. Ainsi, en l'absence même de dispositions le prévoyant expressément, le propriétaire d'une habitation interdite d'accès sur le fondement des pouvoirs de police dévolus au maire par le 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour prévenir les conséquences d'éventuels glissements de terrain ou éboulements, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle propriété, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction que des glissements de terrain avaient déjà endommagé la pinède du pin de Galle en 1978 et surtout que la zone était classée rouge au plan de prévention des risques en raison de ces risques, ce dont M. et Mme A... avaient été informés lors de leur acquisition des parts sociales. Par suite, l'interdiction d'accès prononcée par l'arrêté du 23 décembre 2014, ne peut, malgré sa durée, être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme un aléa excédant ceux que comporte nécessairement l'acquisition d'une telle propriété.

6. Il suit de là que les conclusions de M. et Mme A... tendant à ce que la commune du Pradet les indemnise des divers préjudices entraînés par l'interdiction d'accès à la parcelle en cause doivent être rejetées sur le terrain de la responsabilité pour faute comme sur celui de la responsabilité sans faute. Les requérants ne sont dès lors fondés ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande ni à solliciter le prononcé d'une injonction.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Pradet, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de la commune du Pradet.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Pradet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... A... et à la commune du Pradet.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2021.

N°19MA05594 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05594
Date de la décision : 20/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04-03-01 Police. - Police générale. - Sécurité publique. - Police des lieux dangereux.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : GAULMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-09-20;19ma05594 ?
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