Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 218 425,48 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 1605465 du 20 février 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 avril 2019 et 11 septembre 2020, le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette, représenté par Me Orlandini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 février 2019 ;
2°) de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 206 154 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la responsabilité de la commune est engagée en raison de la délivrance d'un permis de construire non assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le lien de causalité est établi ;
- il a droit à la réparation du coût des travaux de mise en sécurité de la falaise, des frais de maîtrise d'œuvre, du supplément de maîtrise d'œuvre, et au remboursement des dommages et intérêts versés à la famille A....
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 septembre 2019 et 29 octobre 2020, la commune de Nice, représentée par le cabinet Deplano - Moschetti - Salomon - Simian, agissant par Me Jacquemin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- les moyens sont infondés ;
- le syndicat ne justifie pas de sa qualité pour agir ;
- l'action indemnitaire était prescrite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gadd de la SELARL Plénot-Suarès-Blanco-Orlandini représentant le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette et de Me Tossan du cabinet Deplano - Moschetti - Salomon - Simian représentant la commune de Nice.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette relève appel du jugement du 20 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Nice à lui verser la somme de 218 425, 48 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, somme réduite à 206 154 euros en appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement que les premiers juges ont répondu, aux points 10 à 12 du jugement, de manière circonstanciée au moyen tiré de la responsabilité de commune de Nice en ce qu'elle aurait eu, selon le syndicat, connaissance d'un risque avéré de chute de pierres. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.
Sur le bienfondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En application de cet article, il appartient à l'autorité administrative compétente de se prononcer sur les demandes de permis de construire dont elle est saisie en prenant en compte l'ensemble des risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques effectivement constatés à la date où elle prend sa décision, alors même qu'aucun plan de prévention des risques n'aurait été adopté.
4. Il résulte de l'instruction que par arrêté du 5 avril 2002, le maire de la commune de Nice a délivré un permis de construire à M. A... en vue de la construction d'une villa sur la parcelle cadastrée section BN 254 sise au 25 chemin de la Madonette de Terron à Nice. Par procès-verbal d'huissier du 4 octobre 2005, M. A... a fait constater la chute de matériaux sur sa parcelle en provenance d'un talus subvertical situé sur la parcelle cadastrée BN 202 appartenant à la copropriété " Les terrasses de la Madonette ". Par ordonnance du 6 juillet 2006, le président du tribunal de grande instance de Nice a désigné un expert judiciaire aux fins de, notamment, " rechercher et indiquer la ou les causes des désordres " et donner " les moyens et travaux nécessaires pour y remédier ". Par jugement du 1er décembre 2014, le tribunal de grande instance de Nice a déclaré le syndicat des copropriétaires Les terrasses de la Madonette responsable des désordres affectant les consorts A... et l'a condamné en conséquence à réaliser des travaux de sécurisation du talus et à indemniser les consorts A... de leurs préjudices. Par un arrêt du 21 avril 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement.
5. Le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette soutient que la commune de Nice a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en délivrant à M. A... le permis de construire précité sans l'assortir de prescriptions spéciales sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors qu'elle aurait eu connaissance du risque d'éboulement auquel était exposé le terrain d'assiette du projet.
6. Toutefois, il résulte des conclusions du rapport d'expertise judiciaire du 30 mars 2012 que l'aléa initial impactant la propriété A... était de type reptation et ravinement, et que la nature de l'aléa s'est modifié en aléa éboulement, engendrant des chutes de matériaux, cette transformation ayant résulté exclusivement de la croissance non maîtrisée d'une végétation arborée en tête de talus sur la propriété du syndicat. L'expert conclut en outre que le seul risque identifié par la carte de risques annexée au plan d'occupation des sols était, à la date de délivrance du permis, un aléa de reptation et ravinement, pouvant être à l'origine de petites chutes de matériaux, et non un aléa d'éboulement, identifié seulement en 2005 et dû, comme il vient d'être dit, à l'absence d'entretien du talus constitué d'un poudingue par le syndicat, et que la commune n'aurait donc pu prescrire de mesures particulières de purge ou de mise en sécurité pour protéger le terrain d'un aléa éboulement qui n'était alors pas identifié. Si le syndicat soutient que le risque de " mouvement de terrain " existait dès l'origine du talus dès lors qu'il est de notoriété publique qu'un poudingue est instable par nature, et si la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a considéré que la chute de matériaux composant le poudingue, instable, résultait d'une évolution inéluctable sous l'action des agents atmosphériques accélérée par la croissance non maitrisée des arbres à l'origine d'une fragmentation du massif, l'expert judiciaire a toutefois rappelé que l'intensité de l'instabilité des poudingues était variable, et le syndicat n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la commune aurait eu connaissance de l'intensité de l'instabilité du talus en cause, à supposer celle-ci avérée dès 2002. Le syndicat n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à démontrer comme il l'allège que la commune aurait minoré l'aléa de reptation et ravinement identifié comme faible par la carte alors annexée au plan d'occupation des sols, alors que n'est pas établie ni même alléguée l'existence de précédents sinistres avant la délivrance du permis contesté. Enfin, si le syndicat soutient que la commune ne pouvait se borner à assortir le permis délivré à M. A... d'une prescription lui imposant de " prendre toutes mesures adaptées lors de la réalisation du projet pour tenir compte de la situation du terrain sur la carte des risques du plan d'occupation des sols, en zone d'aléa géotechnique limité de niveau important (4) de type S (reptation) et R1 (ravinement léger) ", mais aurait dû assortir l'autorisation de prescriptions supplémentaires, notamment une obligation de réaliser une étude géotechnique, d'une part, comme il vient d'être dit, il n'est pas établi que la commune aurait eu une connaissance suffisamment précise de l'existence et de l'intensité d'un risque d'éboulement et d'autre part, aucune disposition légale ou règlementaire n'exigeait alors la réalisation d'une telle étude, la commune n'étant alors pas couverte par un plan de prévention des risques naturels. Dans ces conditions, le maire de la commune de Nice n'ayant commis aucune erreur manifeste d'appréciation en délivrant un permis de construire à M. A..., aucune faute engageant la responsabilité de la commune n'est établie.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir et l'exception de prescription quadriennale opposées en défense, que le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
8. D'une part, la commune de Nice n'étant pas partie perdante à la présente instance, les conclusions du syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Nice sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette est rejetée.
Article 2 : Le syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette versera la somme de 2 000 euros à la commune de Nice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires Les Terrasses de la Madonette et à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2021
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N° 19MA02009
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