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20/07/2021 | FRANCE | N°19MA01883

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 20 juillet 2021, 19MA01883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- sous le n° 1700066, d'annuler la décision du 15 novembre 2016 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que le certificat médical d'inaptitude définitive à la navigation établi le 13 février 2014 et d'enjoindre à l'administration de lui accorder la protection fonctionnelle qu'il a sollicitée, de mettre fin à la situation de harcèlement moral qu'il subit et de prononcer sa mutation d'urgence ;

- sous le n

1700141, d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le directeur départemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- sous le n° 1700066, d'annuler la décision du 15 novembre 2016 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que le certificat médical d'inaptitude définitive à la navigation établi le 13 février 2014 et d'enjoindre à l'administration de lui accorder la protection fonctionnelle qu'il a sollicitée, de mettre fin à la situation de harcèlement moral qu'il subit et de prononcer sa mutation d'urgence ;

- sous le n° 1700141, d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud lui a attribué une indemnité spécifique de service d'un montant de 4 342,80 euros, correspondant à un coefficient final de modulation individuel de 0,75 et d'enjoindre que lui soit versée une indemnité d'un montant de 5 790,40 euros ;

- sous le n° 1700183, d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2016 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé un blâme et d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud d'effacer ce blâme de son dossier ;

- sous le n° 1800281, d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud lui a attribué une indemnité spécifique de service d'un montant de 4 342,80 euros, correspondant à un coefficient final de modulation individuel de 0,75 et d'enjoindre que lui soit versée une indemnité d'un montant de 5 790,40 euros.

Par un jugement nos 1700066, 1700141, 1700183 et 1800281 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté l'ensemble des demandes de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2019, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 30 juin 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 15 novembre 2016 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud lui a attribué une indemnité spécifique de service réduite ;

4°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2016 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé un blâme ;

5°) d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud lui a attribué une indemnité spécifique de service réduite ;

6°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

En ce qui concerne la décision du 15 novembre 2016 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle :

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'administration a cru devoir réserver le bénéfice de la protection fonctionnelle aux personnes victimes d'attaques volontaires ou aux agents mis en cause ou victimes dans le cadre d'une instance pénale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a droit à la protection fonctionnelle, du fait du harcèlement moral dont il est victime ;

En ce qui concerne la décision du 29 novembre 2016 lui attribuant une indemnité spécifique de service réduite ;

- la décision n'est pas motivée ;

- la décision ne pouvait être prise en considération du compte-rendu de son entretien d'évaluation pour l'année 2015, du fait de l'irrégularité de cet entretien d'évaluation, qui n'a pas été mené par son supérieur hiérarchique direct, contrairement aux dispositions de l'article 2 du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 et n'a pas été suivi de la proposition d'un second entretien ;

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'aucun rapport circonstancié justifiant le coefficient de 0,75 n'a été porté à sa connaissance, ni ne figure dans son dossier, ou n'a été porté à la connaissance des membres de la commission indemnitaire du 21 octobre 2016 ;

- cette décision constitue une sanction déguisée, est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 fixant les modalités d'application du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne prend pas en compte son handicap et la situation d'isolement dans laquelle il se trouvait.

En ce qui concerne l'arrêté du 16 décembre 2016 lui infligeant un blâme :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la procédure contradictoire n'a pas été respectée dès lors que son dossier ne lui a été communiqué que très peu de temps avant l'entretien préalable, qui revêtait un caractère obligatoire ;

- son dossier ne comportait aucun élément de nature à fonder une sanction disciplinaire, dès lors que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie et qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée ;

- l'entretien et la procédure ayant mené à cette décision ont été menés par des personnes dont l'impartialité peut être mise en doute ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir.

En ce qui concerne la décision du 12 décembre 2017 lui attribuant une indemnité spécifique de service réduite ;

- la décision n'est pas motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le rapport circonstancié justifiant le coefficient de 0,75 n'a jamais été porté à sa connaissance et ne figurait pas dans son dossier le 31 janvier 2018 ;

- elle constitue une sanction déguisée et est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 fixant les modalités d'application du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré, le 16 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de M. D....

Elle soutient que les moyens de la requête de M. D... ne sont pas fondés et, subsidiairement, demande à la Cour de substituer aux motifs retenus par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et le ministre du logement et de l'habitat durable dans leur décision du 15 novembre 2016 le motif tiré de ce que l'intéressé ne fait pas état d'éléments permettant de présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral dont il serait la victime.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 ;

- l'arrêté du 25 août 2003 fixant les modalités du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 relatif l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., technicien supérieur principal de l'équipement bénéficiant de la qualité de travailleur handicapé, relève appel du jugement nos 1700066, 1700141, 1700183 et 1800281 du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision, en date du 15 novembre 2016, par laquelle le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et le ministre du logement et de l'habitat durable ont rejeté sa demande de bénéficier de la protection fonctionnelle, des décisions du 29 novembre 2016 et du 12 décembre 2017 par lesquelles lui a attribuée, au titre, respectivement, des années 2015 et 2016, une indemnité spécifique de service d'un montant correspondant à un coefficient final de modulation individuel de 0,75, et du blâme que le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé par arrêté du 16 décembre 2016.

Sur la demande tendant à l'annulation du blâme :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'après des échanges de courriels entre M. D... et l'adjoint du directeur des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud, relatifs à des agissements sur lesquels M. D... était sommé de s'expliquer, s'est tenu un premier entretien, le 26 octobre 2016, au terme duquel il a été annoncé à ce dernier par le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud et son adjoint qu'une procédure disciplinaire était envisagée à son encontre. A la suite de ce premier entretien, M. D... a demandé, le 27 octobre 2016, que lui soient communiqués les éléments de son dossier sur lesquels pourraient se fonder une sanction. Par un courrier en date du 8 novembre 2016 et remis à M. D..., en mains propres, le 10 novembre 2016, le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud a signifié à l'intéressé qu'en raison de la violation de l'interdiction qui lui avait été faite, lors d'un entretien s'étant tenu le 16 septembre 2015, de communiquer à un tiers des éléments relatifs au service, une procédure disciplinaire était engagée à son encontre. Cette lettre, qui convoquait le requérant à un entretien pour le 22 novembre 2016, lui signalait en outre qu'il avait le droit d'accéder à son dossier. A cette lettre étaient joints, en réponse à la demande formulée par l'intéressé le 27 octobre 2016, des échanges de courriels entre M. D... et l'adjoint du directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud, relatifs aux échanges qu'auraient entretenu M. D... avec un tiers accusé de se livrer à un harcèlement sur l'adjoint du directeur et des membres de sa famille. Par courriel du 14 novembre 2016 ensuite, M. D... a demandé à avoir accès à son dossier individuel, lequel lui a été transmis, sous forme de fichiers joints à un courriel et intitulés " D... evaluation ", " D... sit adm ", " D... corresp " et " D... etat civil ", le 22 novembre 2016 à 9h47. M. D... soutient que les dispositions précitées ont été méconnues dès lors que la brièveté du délai entre l'heure de réception de son dossier et l'heure de l'entretien auquel il était convoqué, le 22 novembre 2016 à 10 h, ne lui avait pas permis de prendre connaissance de son dossier et, par suite, de préparer utilement sa défense. Toutefois, l'obligation, pour l'administration, de laisser à l'agent, à l'encontre duquel est engagé une procédure disciplinaire, un temps suffisant pour préparer sa défense, s'entend du délai qui lui est laissé entre la communication de son dossier et la prise de la sanction, et non du délai entre cette communication et un entretien préalable qu'aucun texte, au demeurant, n'oblige l'administration à organiser. Or l'arrêté par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a infligé un blâme n'a été pris que le 16 décembre 2016, ce qui laissait à l'intéressé un temps suffisant pour présenter ses observations, ce qu'il a fait, d'ailleurs, dès le 24 novembre 2016, par l'intermédiaire de son conseil. Le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision attaquée, que M. D... renouvelle en appel sans apporter de précisions supplémentaires, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En troisième lieu, la décision attaquée a été prise aux motifs que M. D... a porté atteinte à son devoir d'obéissance en ne respectant pas les instructions de son supérieur hiérarchique de faire cesser tout agissement pouvant porter atteinte aux personnes du service, qu'il a manqué à son obligation de discrétion professionnelle et de dignité en communiquant des informations nuisant à la réputation du service, de sa hiérarchie et des agents ou en s'en rendant complice. M. D... conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, qui consistent en la transmission à une personne, auparavant fonctionnaire à la direction départementale des territoires et de la mer de Corse-du-Sud, désormais en poste à Nantes, et poursuivie pour harcèlement envers ses anciens collègues d'Ajaccio, du compte-rendu de l'entretien qui s'est déroulé le 16 septembre 2015, entre lui-même et le directeur départemental des territoires et de la mer de Corse-du-Sud et son adjoint, de la photographie du procès-verbal de sa prestation de serment et d'un courriel du 7 octobre 2016 par lequel son directeur adjoint réitérait une demande de justification d'agissements qui lui étaient reprochés. Il conteste, subsidiairement, le caractère fautif qui leur est attribué.

6. Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 16 septembre 2015, que M. D... a rédigé lui-même et dont il ne conteste pas utilement la teneur, que ses supérieurs hiérarchiques lui ont enjoint, à cette occasion, de cesser tout échange avec la personne se livrant à des agissements malveillants envers les agents du service et la direction. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment des observations formulées par l'avocat de M. D... dans son courrier le 24 novembre 2016, que M. D... a transmis ensuite à cette personne le compte rendu qu'il avait fait de l'entretien, et il ne conteste pas sérieusement avoir transmis, plus tard, la photographie du procès-verbal de sa prestation de serment ainsi que le courriel du 7 octobre 2016 que lui avait adressé l'adjoint du directeur. Ainsi, la matérialité des faits reprochés à M. D... doit être regardée comme établie.

7. M. D... conteste le caractère fautif des agissements qui lui sont reprochés au motif que sa hiérarchie ne pouvait lui interdire de communiquer, à titre privé, avec un ancien collègue, que les documents communiqués revêtaient un caractère strictement personnel, qu'il avait transmis ces documents à son ancien collègue sans avoir aucunement connaissance de l'usage que ce dernier pourrait en faire et qu'il n'avait jamais eu l'intention de nuire à ses supérieurs hiérarchiques. Si ces derniers ne pouvaient lui faire interdiction générale et absolue de communiquer, y compris à titre purement privé, avec la personne mentionnée aux points 5 et 6, ils pouvaient lui interdire de communiquer à cette dernière toute information relative à l'activité, aux missions et au fonctionnement du service, au titre de son devoir de discrétion professionnelle prévu à l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations de fonctionnaires, ainsi que de se livrer à tout commentaire ou toute action qui méconnaîtrait son obligation d'exercer ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité, conformément aux dispositions de l'article 25 de la même loi. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... se serait rendu complice des agissements répréhensibles du tiers à qui il a transmis les documents pré-mentionnés, ou que le fait de transmettre de tels éléments porterait atteinte à l'obligation d'exercer ses fonctions avec la dignité à laquelle doit se conformer tout fonctionnaire. En revanche, dès lors que deux des trois documents révélaient des informations sur le fonctionnement du service, il a, en les transmettant à un tiers, méconnu l'obligation de discrétion à laquelle il était soumis en qualité de fonctionnaire, et le devoir d'obéissance, rappelé par les dispositions de l'article 28 de la loi précitée du 13 juillet 1983, auquel il était astreint. Un tel comportement, fautif, justifiait que soit prise à son encontre une sanction.

8. En quatrième lieu, si M. D... soutient que son directeur et son directeur adjoint, qui se sont bornés à engager la procédure disciplinaire, sans prendre eux-mêmes la décision contestée, qui n'a été signée par le directeur départemental des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud que par délégation du préfet de la Corse-du-Sud, auteur de la sanction, étaient visés par des agissements du tiers auquel il lui est reproché d'avoir adressé des courriels, cette circonstance, à elle seule, ne révèle pas un manquement au principe d'impartialité ou un détournement de la procédure disciplinaire à des fins personnelles.

Sur les demandes relatives aux indemnités spécifiques de service des années 2015 et 2016 :

9. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, les techniciens supérieurs du développement durable bénéficient d'une indemnité spécifique de service. Aux termes de l'article 7 du même décret : " Les montants de l'indemnité spécifique de service susceptibles d'être servis peuvent faire l'objet de modulation pour tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique ". Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement : " Les coefficients de modulation individuelle prévus à l'article 7 du décret du 25 août 2003 susvisé sont fixés dans les conditions suivantes : (...) modulation individuelle par rapport au taux moyen : Technicien supérieur, technicien supérieur principal et technicien supérieur en chef du développement durable minimum 90 % - maximum 110 % ; / Toutefois, à titre exceptionnel et par dérogation aux dispositions du présent article, pour tenir compte de la manière de servir, les coefficients de modulation individuelle peuvent être inférieurs aux minima prévus (...) ".

10. Il ressort des pièces des pièces du dossier que pour les années 2015 et 2016, les coefficients de modulation prévus à l'article 7 du décret du 25 août 2003 ont été fixés, pour M. D..., à 75 %. Les décisions attaquées ont eu pour objet d'appliquer à l'intéressé ce coefficient de 75 %, de sorte que le montant de l'indemnité spécifique qui lui a été effectivement versée a été pour chacune de ces deux années de 4 342,80 euros.

11. La décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine, dans les conditions fixées par le décret du 25 août 2003 et l'arrêté du même jour pris pour son application, le taux de l'indemnité spécifique de service d'un fonctionnaire d'un corps technique de l'équipement au regard des fonctions exercées et de la qualité des services rendus n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire, et ne constitue pas davantage un avantage dont l'attribution constituerait un droit. Une telle décision n'a donc pas à être motivée.

En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :

12. Il ressort des termes du jugement attaqué, qui n'a pas été contesté sur ce point, que M. D... n'avait, avant l'expiration du délai de recours, soulevé aucun moyen de légalité externe à l'encontre de la décision relative à l'indemnité spécifique de service au titre de l'année 2015, contestée par la requête enregistrée par le tribunal administratif de Bastia sous le n°1700141. Les premiers juges, après avoir relevé d'office le moyen, avaient écarté ces moyens comme irrecevables. Le moyen tiré du vice de procédure dont seraient entachées ces décisions n'est donc recevable qu'à l'encontre de la décision du 12 décembre 2017 relative à l'indemnité spécifique de service au titre de l'année 2016.

13. En principe, un régime indemnitaire pouvant faire l'objet d'une modulation en fonction des résultats individuels ou de la manière de servir, tel que l'indemnité spécifique de service mentionnée au point 9, est attribué à l'agent au regard de l'appréciation portée par le chef de service dans le compte rendu de l'entretien professionnel. Cependant, si des circonstances particulières, notamment liées au comportement de l'agent, n'ont pas permis la tenue de cet entretien, l'autorité compétente peut régulièrement attribuer ce régime indemnitaire à la condition d'avoir remis à cet agent, en temps utile, un document ayant un objet similaire au compte rendu d'entretien professionnel et de l'avoir mis à même d'en discuter le contenu.

14. D'une part, si la circulaire du 2 juillet 2009, relative à la gestion de l'indemnité spécifique de service versée aux fonctionnaires des corps techniques du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, prévoit, en son point B2, qu'un rapport circonstancié du directeur ou du chef de service sera établi systématiquement pour les agents qui se voient proposer un coefficient individuel se situant hors des limites fixées à l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003, cette circulaire est dépourvue de caractère réglementaire et M. D... n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance de ses indications. En tout état de cause, il ne ressort pas des termes de cette circulaire que ce rapport circonstancié devait être communiqué à l'agent avant que ne lui soit notifié son coefficient de modulation individuel. En outre, il ressort des pièces du dossier que ce rapport a été communiqué à l'intéressé, à sa demande, avant l'introduction de son recours contentieux et la circonstance que ce document ne figurait pas dans son dossier lorsque M. D... l'a consulté, le 31 janvier 2018, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

15. D'autre part, si le coefficient de modulation individuel n'a pu être discuté lors de l'entretien professionnel au titre de l'année 2016, faute de tenue de cet entretien du fait du refus de M. D... d'y participer, il ressort des pièces du dossier que ce dernier a été destinataire, à l'occasion de l'envoi de sa convocation, de l'appréciation portée par son supérieur hiérarchique sur son travail et sa manière de servir, qu'il pouvait de la sorte utilement discuter avant que ne soit prise la décision relative à son coefficient de modulation individuel.

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au terme de laquelle a été prise la décision en litige doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

17. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., la possibilité de fixer des coefficients inférieurs aux minima prévus est explicitement prévue au dernier alinéa de l'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 précité. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit dont seraient entachées les décisions attaquées en attribuant à l'intéressé un coefficient inférieur au minimum de 90 % doit être écarté.

18. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers que les coefficients de 75 % attribués à M. D... sont fondés, d'une part, sur une situation volontaire d'isolement au sein du service et sur l'absence d'atteinte des objectifs qui lui étaient assignés. Ces décisions ont ainsi été prises pour des motifs distincts de la sanction qui a été prise à son encontre, et dont la légalité a été analysée aux points 2 à 8, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient eu pour objet de constituer une sanction supplémentaire. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées constituent une sanction déguisée doit être écarté.

19. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le poste occupé par M. D... a été défini en tenant compte de son handicap, que les objectifs qui lui ont été assignés ont été redéfinis à plusieurs reprises afin de tenir compte des difficultés rencontrées et qu'il bénéficie du suivi du médecin de prévention par lequel il a lui-même demandé à être suivi. Par ailleurs, ses allégations, selon lesquelles il aurait été empêché de réaliser les objectifs qui lui étaient prescrits faute de consignes ou d'explications claires de la part de sa hiérarchie ou du fait du refus de celle-ci d'assurer le suivi de ses tâches, et que son isolement résultait d'une volonté de sa hiérarchie de le tenir à l'écart, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier. Dans ces conditions, le moyen, tiré de ce que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est aucunement responsable des manquements qui lui sont reprochés, ne peut être accueilli.

Sur la décision refusant d'accorder la protection fonctionnelle :

20. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

21. Par lettre du 7 septembre 2016, M. D... a adressé aux ministres dont il relevait alors une demande tendant à ce que lui soit accordée la protection fonctionnelle instituée par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. A l'appui de cette demande, il énumérait dans l'ordre chronologique des éléments tendant à établir une attitude malveillante de sa hiérarchie à son égard, devant être regardés comme une série d'agissements constitutifs de harcèlement. Par la décision attaquée, en date du 15 novembre 2016, les ministres ont rejeté sa demande au motif, d'une part, que les éléments dont il faisait état n'entraient pas dans les prévisions de cet article 11, lequel, selon les ministres, " ne s'appliquent qu'aux attaques volontairement commises contre les agents en raison de leur qualité d'agent de l'Etat " et, d'autre part, que " la protection juridique concerne les agents mis en cause ou victimes, dans le cadre d'une instance pénale ". Le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et le ministre du logement et de l'habitat durable ne pouvaient, pour ces seuls motifs, refuser d'accorder à M. D... le bénéfice de la protection fonctionnelle. Toutefois, la ministre de la transition écologique demande à la Cour de substituer à ces motifs initiaux le motif tiré de ce que M. D... ne fait pas état d'éléments permettant de présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Cette substitution de motif ne privant l'intéressé d'aucune garantie procédurale, il y a lieu, en l'espèce, d'y procéder.

22. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Enfin, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

23. Pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral exercé à son encontre à la date de sa demande, M. D... soutient que sa valeur professionnelle a été remise en question par sa hiérarchie, à compter de l'année 2013, en des termes et selon des procédés dégradants, qu'il a été isolé puis évincé de son service, avant d'y être réintégré, mais à nouveau isolé et laissé sans consignes de travail ni soutien de la part de sa hiérarchie, qu'il a été instrumentalisé par sa hiérarchie en conflit avec l'ancien agent du service mentionné aux points 5 et 6, qu'il a été à tort considéré comme " dangereux et armé " et a fait l'objet à ce titre d'un signalement auprès du procureur de la République qui a conduit à une visite d'un officier de police judiciaire, ce qui l'a profondément affecté moralement, que son indemnité spéciale de sujétion pour 2015 avait été abaissée sans explications, et que toutes ses demandes de mutation ont été rejetées sans raison valable.

24. En premier lieu, le courriel du 10 avril 2013 du directeur adjoint de la DDTM, auquel M. D... a eu accès du fait d'un oubli d'une impression de ce document sur un copieur du service, évoquant les difficultés de l'unité de service à laquelle appartient l'intéressé, regroupant trois agents atteints de handicap sur quatre agents et sous l'autorité d'une cheffe d'unité en mi-temps thérapeutique du fait d'une grave maladie, les difficultés particulières que posait le management de M. D... compte tenu de son handicap, et proposant des solutions pour y remédier n'avait, contrairement à ce que soutient l'intéressé, aucun caractère vexatoire. De plus, si M. D... soutient que l'un de ses supérieurs hiérarchiques lui a fait part de sa déception sur sa manière de servir, cet élément de fait, dont la réalité n'est pas établie par les pièces du dossier, ne constitue pas, en tout état de cause, un agissement susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la cheffe d'unité et son adjointe ont cherché en permanence à apaiser les tensions et ont continué de veiller à accompagner M. D..., notamment en proposant un nouvel allégement de ses missions pour éviter qu'il persiste à se trouver en situation d'échec. Enfin, il ressort de la lettre du 7 août 2013 adressée par le directeur adjoint à M. D... que plusieurs mesures ont été prises pour redéfinir les missions confiées à celui-ci. Si cette lettre rappelle à l'intéressé, en outre, ses obligations en matière de secret professionnel et de devoir de réserve, ces mentions constituent de simples expressions du pouvoir hiérarchique qui n'excèdent pas le cadre normal d'exercice de ce pouvoir au regard des difficultés rencontrées par M. D... dans la réalisation de ses missions.

25. En deuxième lieu, M. D... fait état de difficultés à compter du mois de septembre 2013 avec sa cheffe d'unité, laquelle a constaté, en juillet 2013, que l'intéressé s'enfermait dans son bureau et n'en ressortait plus de la journée, ce qui a justifié l'intervention d'un psychologue auprès de l'intéressé. Par ailleurs, si la situation de M. D... semble s'être considérablement dégradée à compter de septembre 2013, la cause en réside dans les accusations de harcèlement moral proférées par M. D... à l'encontre de sa cheffe d'unité, à la suite de la perte - temporaire - d'un document informatique, fruit d'un important travail de l'intéressé, qu'il l'a accusée, à tort, d'avoir volontairement fait disparaître. Le malaise de la cheffe d'unité, alors qu'elle était gravement malade, qui a coïncidé avec ces accusations, a fortement marqué le service qui a fait bloc autour de la cheffe d'unité. C'est dans ces circonstances que l'administration a placé M. D... en absence exceptionnelle et lui a proposé une autre affectation à la pépinière de Casteluccio selon le choix de l'intéressé. M. D... a été affecté de nouveau le 24 mars 2014 dans son service d'origine mais, parce qu'il ne souhaitait pas réintégrer les locaux dudit service, un bureau disponible dans un autre service a été mis à sa disposition. Puis, à sa demande, il a pu, ensuite, disposer d'un bureau au sein de ce service. Toutefois, le nouveau supérieur hiérarchique de M. D... a rédigé le 28 juillet 2015 un rapport se plaignant de la manière de servir du requérant et des difficultés persistantes dans le service dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en seraient responsables en une quelconque façon sa hiérarchie, qui l'aurait volontairement isolé ou laissé sans consignes de travail, ou les autres agents du service.

26. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, la hiérarchie pouvait légitimement interdire à M. D... de divulguer à un tiers des éléments relatifs au fonctionnement du service, sans que cela excède l'exercice du pouvoir hiérarchique, et aux points 17 à 19, la modulation au taux de 75% de l'indemnité de sujétion spécifique versé à l'intéressé au titre de l'année 2015 était justifiée par sa manière de servir.

27. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le signalement qui aurait été fait auprès du procureur de la République et n'a donné lieu à aucune poursuite, aurait été fait dans le but de nuire à M. D..., ni qu'il n'était aucunement justifié, compte tenu, en particulier, de l'autorisation de port d'armes détenue par l'intéressé.

28. En cinquième lieu, le refus d'accéder aux demandes de mutation formées par M. D... en 2013 est justifié par l'intérêt du service ou de l'agent, en raison de son inaptitude au port d'une arme ressortant des avis prononcés par un psychologue ayant reçu M. D... en consultation le 28 janvier 2014 puis par le médecin des gens de mer, qui l'a en outre considéré comme définitivement inapte à la navigation aux missions de police à terre et aux missions de contrôle et de sécurité des navires, du fait de sa vulnérabilité. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il a déposé, le 16 août 2016, une demande de mobilité sur huit postes, il ne saurait, en toute hypothèse, utilement se prévaloir, dans le cadre du présent litige, du refus opposé à cette demande dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ce dernier est intervenu postérieurement à la date de la décision attaquée, suite aux commissions administratives paritaires réunies les 16 et 17 novembre 2016.

29. Enfin, la circonstance que M. D... a été placé en arrêt maladie à la suite d'une altercation ayant eu lieu le 6 décembre 2019, plus de trois ans après la décision attaquée, et que cette maladie a été reconnue comme imputable au service par l'administration ne permet pas davantage de présumer que M. D... était, à la date de sa demande, victime de harcèlement moral.

30. Il résulte des points 23 à 29 que les faits invoqués par M. D... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

31. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes. Les conclusions présentées en outre aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 20 juillet 2021.

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N° 19MA01883


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