Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 428737 du 13 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 17MA01286 de la cour administrative de Marseille du 8 janvier 2019 statuant sur l'appel de Mme B... G... épouse D... dirigé contre le jugement n° 1408789 du 25 janvier 2017 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vitrolles à lui verser une somme de 65 066,20 euros, en tant qu'il a statué sur le préjudice invoqué par Mme D... au titre du caractère abusif des renouvellements de ses contrats à durée déterminée et sur son préjudice moral et renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la Cour.
Par un mémoire, enregistré le 30 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice au titre du caractère abusif des renouvellements de ses contrats à durée déterminée et de son préjudice moral ;
2°) de condamner la commune de Vitrolles à lui verser une somme totale de 15 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vitrolles une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Vitrolles a commis une faute en ayant eu recours à de multiples contrats à durée déterminée et non à un unique contrat à durée indéterminée ;
- elle a subi un préjudice lié au caractère abusif du renouvellement de contrats à durée déterminée qui s'élève à 5 000 euros ;
- elle a également subi un préjudice moral qui s'élève à 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2021, la commune de Vitrolles, représentée par Me F..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la baisse du montant de la somme à allouer à Mme D... et en tout état de cause à la mise à la charge de Mme D... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- Mme D... n'a pas subi de préjudice ;
- en tout état de cause, la somme sollicitée est trop élevée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a fait l'objet du 29 septembre 2005 au 30 décembre 2013 de recrutements successifs par la commune de Vitrolles en tant qu'agent non titulaire à temps partiel en qualité de surveillante interclasse. Par un jugement du 25 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vitrolles à lui verser une somme de 65 066,20 euros en réparation des préjudices subis pour l'avoir employée en vertu de contrats à durée déterminée sans conclure avec elle un contrat à durée indéterminée ni la titulariser. Par une décision du 13 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative de Marseille du 8 janvier 2019 rejetant l'appel formé par l'intéressée contre ce jugement en tant seulement qu'il a statué sur le préjudice invoqué par Mme D... au titre du caractère abusif des renouvellements de ses contrats à durée déterminée ainsi que sur son préjudice moral et renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la Cour.
2. En premier lieu, et ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat le 13 novembre 2020, en rejetant la demande de substitution de motifs formée par la commune, la demande de Mme D... tendant à la réparation de son préjudice matériel résultant du caractère abusif des renouvellements de ses contrats, évaluée désormais à hauteur de 5 000 euros, ne constitue pas une demande nouvelle et ne nécessitait pas d'être précédée du rejet par l'administration d'une demande préalable d'indemnisation portant spécifiquement sur ce point. Par suite, les conclusions de Mme D... sont recevables contrairement à ce que soutient la commune de Vitrolles.
3. En second lieu, et ainsi que le Conseil d'Etat l'a également jugé par la même décision, le renouvellement successif des contrats à durée déterminée conclus par la commune de Vitrolles avec Mme D..., entre septembre 2005 et décembre 2013, c'est-à-dire pendant plus de huit ans, présente un caractère abusif. Par suite, Mme D... peut prétendre à la réparation des préjudices directs et certains qu'elle a subis en raison de la faute ainsi commise par la commune, tenant notamment à la perte de l'indemnité de licenciement dont elle aurait bénéficié si elle avait été recrutée par un contrat à durée indéterminée.
Sur le préjudice matériel tenant à la perte de l'indemnité de licenciement :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 45 du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, applicable en l'espèce : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires ". En vertu des dispositions de l'article 46 de ce même décret, l'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article 45 de ce même décret pour chacune des douze premières années de services, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base, et toute fraction de service égale ou supérieure à six mois est comptée pour un an.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment des derniers bulletins de salaire versés au dossier par la requérante, que la rémunération de base devant être prise en compte pour le calcul d'une telle indemnité, nette des cotisations de la sécurité sociale et sans y inclure ni les indemnités pour travaux supplémentaires ni les autres indemnités accessoires, s'élève à la somme de 540,86 euros. Eu égard au nombre d'années durant lesquelles Mme D... a exercé ses fonctions au sein de la commune de Vitrolles, le préjudice résultant pour la requérante de la perte de l'indemnité de licenciement à laquelle elle aurait pu prétendre, doit être évalué sur la base de huit fois la somme de 270,43 euros, soit une somme totale de 2 163,44 euros.
Sur le préjudice moral :
6. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D..., mère de quatre enfants dont deux handicapés et dont le conjoint ne travaillait plus à compter de 2009 en raison d'un accident du travail, du fait de la précarité dans laquelle elle a été illégalement maintenue pendant une période de huit ans et, au surplus, du non-respect par la commune du délai de préavis à l'occasion du non renouvellement de son dernier contrat, en le fixant à la somme de 5 000 euros.
7. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité totale due à Mme D... par la commune de Vitrolles s'élève à la somme de 7 163,44 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante pour l'essentiel, verse à la commune de Vitrolles la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La commune de Vitrolles est condamnée à verser à Mme D... une somme de 7 163,44 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Vitrolles versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme D... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Vitrolles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de Vitrolles.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme A..., présidente assesseure,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.
N° 20MA04246 2