Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... et Mme G... F... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des cotisations primitives d'impôts sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, à concurrence des montants correspondant aux déductions de pensions alimentaires refusées par l'administration fiscale.
Par un jugement n° 1702363 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 septembre 2019 et 7 octobre 2020, M. B... et Mme F..., représentés par la Selarl Caliste Avocats agissant par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge ou la réduction des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification du 2 août 2013 comporte une erreur de date, de telle sorte qu'elle n'a pu valablement annuler et remplacer la proposition de rectification du 2 juillet 2013 ;
- les observations qu'ils ont présentées à la suite de la proposition de rectification du 2 juillet 2013 n'ont pas reçu de réponse de la part du service en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- en l'absence de numérotation des pages des propositions de rectification des 2 juillet et 2 août 2013, ils n'ont pas pu vérifier si les documents étaient complets, ce qui les a placés dans un état d'incertitude impropre à assurer correctement leur défense ;
- alors que dans leurs observations datées du 3 septembre 2013, ils ont demandé expressément à ce que le versement de la pension alimentaire à l'ex-épouse de M. B... soit pris en compte pour la détermination du quotient familial, l'administration n'a pas répondu à cet argument dans sa réponse du 5 septembre 2013 ;
- la réponse aux observations du contribuable du 27 janvier 2015 est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne répond pas à leur argument tiré de la rupture d'égalité ;
- ils n'ont pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire, ainsi qu'en atteste un message électronique de l'administration fiscale du 23 septembre 2013 ;
- ils doivent pouvoir déduire le montant des pensions alimentaires versées à l'ex-épouse de M. B... tout en bénéficiant de l'augmentation du quotient familial en application de l'article 194 du code général des impôts, dès lors que cette dernière ne porte que sur un quart de part supplémentaire ; à cet égard, les dispositions de l'article 156 II 2° du code général des impôts doivent s'interpréter comme interdisant la déduction de la pension alimentaire lorsque le contribuable bénéficie déjà de la demi-part entière pour l'enfant, objet de la pension ;
- l'administration, comme les premiers juges, n'ont pas assuré la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu de la situation spécifique du contribuable qui ne dispose que de la moitié de la demi-part de quotient familial et pour lequel la pension versée ne correspond qu'à sa contribution aux dépenses supportées par l'autre parent ;
- les dispositions des articles 156 II 2° et 193 ter du code général des impôts sont inconstitutionnelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. B... et Mme F....
Il fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance n° 19MA04387 du 4 décembre 2020, a été transmise au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, posée par M. B... et Mme F..., par mémoire distinct enregistré devant la Cour le 7 octobre 2020.
Par une décision n° 2021-907 QPC du 14 mai 2021, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. B... et Mme F....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- la Constitution, notamment son article 61-1, et son Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;
- la décision du conseil constitutionnel n° 2021-907 QPC du 14 mai 2021 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme F... relèvent appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires et des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2015, résultant du refus de l'administration d'admettre en déduction les pensions alimentaires versées à l'ex-épouse de M. B....
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
3. Il résulte de l'instruction que le service a adressé à M. B... et Mme F... une première proposition de rectification, portant sur les années 2011 et 2012, datée du 2 juillet 2013, avant de leur notifier une seconde proposition de rectification, datée du 2 août 2013, tout en précisant qu'elle annulait et remplaçait la proposition de rectification du " 3 juillet 2013 ", et non du 2 juillet 2013. Si les requérants soutiennent qu'en raison de cette mention erronée, la proposition de rectification du 2 août 2013 n'a pu valablement annuler et remplacer celle du 2 juillet 2013, cette simple erreur matérielle n'a cependant pas pu induire en erreur les requérants sur la portée effective de la seconde proposition de rectification dès lors que, d'une part, ils n'avaient fait l'objet que d'une seule proposition de rectification avant celle du 2 août 2013 et, d'autre part, l'objet de ces deux propositions était identique, tiré de la remise en cause de la déduction pratiquée au titre de revenus 2011 et 2012 de la pension alimentaire servie par M. B... à sa fille mineure D.... Ainsi, la seconde proposition de rectification s'étant entièrement substituée à la première, l'administration n'avait pas à répondre aux observations des requérants, formulées à l'encontre de la proposition initiale du 2 juillet 2013. Il résulte également de l'instruction que les contribuables ont présenté par courrier du 3 septembre 2013, des observations rédigées à la suite de la notification de la proposition de rectification du 2 août 2013, qui leur avait notifié un nouveau délai de trente jours pour faire connaître à l'administration leur acceptation ou leurs observations sur les rectifications envisagées. Par suite, les requérants, qui n'ont pas été privés de leur droit de présenter utilement leurs observations sur ces rectifications, ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition aurait méconnu les dispositions citées au point précédent de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
4. En deuxième lieu, les appelants soutiennent qu'en l'absence de numérotation des pages des propositions de rectification des 2 juillet 2013 et 2 août 2013, ils n'ont pas pu vérifier si les documents étaient complets, ce qui les a placés dans un état d'incertitude impropre à assurer correctement leur défense. Cependant, ainsi qu'il a été précédemment exposé, la proposition de rectification initiale a été annulée par la seconde. En outre, les requérants ne soutiennent pas que la proposition de rectification du 2 août 2013, qui n'est affectée d'aucune discontinuité pouvant laisser supposer un manque, était incomplète et, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ils ont pu présenter des observations sur cette dernière.
5. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que l'administration fiscale n'a pas répondu, dans sa réponse à leurs observations du 5 septembre 2013, au moyen tiré de ce que le versement de la pension alimentaire au profit de la fille de M. B... devait être prise en compte pour la détermination du quotient familial, il résulte de l'instruction que, d'une part, cette même réponse a été annulée et remplacée par la réponse datée du 6 octobre 2014 régulièrement notifiée aux requérants et, d'autre part, cette dernière précisait que la prise en compte de la fille de M. B... pour la détermination de son quotient familial faisait précisément obstacle à la déduction des versements dont l'ex-épouse de M. B... était bénéficiaire. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le service, dans sa réponse aux observations du contribuable datée du 27 janvier 2015, répond de manière proportionnée à l'ensemble des moyens soulevés par les contribuables, nonobstant la circonstance que l'administration fiscale ne fasse pas référence à l'argument tiré de la rupture d'égalité devant l'impôt dont M. B... et Mme F... faisaient état dans leurs observations datées du 7 décembre 2014. Par suite, les réponses aux observations du contribuable sont suffisamment motivées.
6. En dernier lieu, si les appelants reprennent en appel leur moyen tiré de la privation du débat oral et contradictoire, ce dernier doit être écarté pour le même motif que celui retenu par les premiers juges au point 6 de leur jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2002 du 30 décembre 2002 : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / (...) 2° (...) les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice et en cas de révision amiable de ces pensions, le montant effectivement versé dans les conditions fixées par les articles 208 et 371-2 du code civil (...) / (...) Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial. / Un contribuable ne peut, au titre d'une même année et pour un même enfant, bénéficier à la fois de la déduction d'une pension alimentaire et du rattachement. "
8. Aux termes de l'article 193 ter du code général des impôts : " A défaut de dispositions spécifiques, les enfants ou les personnes à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants ". Aux termes du I de l'article 194 du même code : " (...) En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents et sauf disposition contraire dans la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l'accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l'un et de l'autre parent. Cette présomption peut être écartée s'il est justifié que l'un d'entre eux assume la charge principale des enfants. / Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent droit à une majoration de : / a) 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième, lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ".
9. En principe, en application du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, relatif à l'assiette de l'impôt sur le revenu, la pension alimentaire, qu'elle soit versée en argent ou en nature, est déductible des revenus de son débiteur lorsque, conformément au code civil, son montant correspond aux besoins de celui qui la reçoit et aux moyens de celui qui la doit. Toutefois, dès lors que la prise en compte des charges de famille pour le calcul de l'impôt sur le revenu s'effectue par l'intermédiaire du quotient familial, la déduction de la pension alimentaire est exclusive du rattachement de l'enfant au foyer fiscal du débiteur en application du deuxième alinéa du 2° du paragraphe II de l'article 156 du code général des impôts. Seul le parent qui ne rattache pas du tout son enfant à son foyer fiscal peut donc bénéficier de la déduction. Ainsi, le parent accueillant son enfant en résidence alternée et bénéficiant de ce fait de la moitié seulement de la majoration de quotient familial, au motif que sa prise en charge est réputée également partagée, ne peut pas déduire la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent pour l'entretien de l'enfant.
10. Il résulte en outre de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 2002 de laquelle elles sont issues, que le versement ou la perception d'une pension alimentaire ne doit pas, en vertu de l'article 193 ter du code général des impôts, être pris en compte pour apprécier la charge d'entretien qui est assumée par chaque parent. Il en va notamment ainsi, en cas de résidence alternée, lorsque l'un des parents entend combattre la présomption prévue par le I de l'article 194 au motif qu'il assume la charge principale d'un enfant.
11. En premier lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 193 ter du code général des impôts sont inconstitutionnelles ne peut être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen, qui n'est au demeurant assorti d'aucune précision, ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, saisi de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par les requérants à l'encontre des dispositions, précitées au point 7, du deuxième alinéa du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision QPC n° 2021-907 du 14 mai 2021, ces dispositions conformes à la Constitution lorsqu'elles s'appliquent aux parents d'enfants en résidence alternée, ce qui est en l'espèce le cas. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et du principe d'égalité devant la loi ne peuvent qu'être écartés.
13. En dernier lieu, l'administration fiscale a refusé de déduire les pensions alimentaires acquittées par M. B... en faveur de sa fille mineure, D..., en résidence alternée chez ce dernier et son ex-épouse au motif que l'enfant était prise en compte pour la détermination de son quotient familial, en l'espèce à hauteur de la moitié de la part relative à l'enfant, l'autre part étant attribuée à son ex-épouse. M. B... et Mme F... soutiennent qu'ils sont en droit de procéder à la déduction des pensions alimentaires versées à l'ex-épouse de M. B... dès lors qu'ils ne bénéficient que d'un quart de part supplémentaire, soit la moitié de la majoration du quotient familial à laquelle un enfant ouvre droit. Il est toutefois constant que la fille de M. B... fait l'objet d'une résidence alternée, et que M. B... verse à la mère de sa fille une pension alimentaire d'un montant de 300 euros mensuels en application d'un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 7 juillet 2011. A cet égard, les intéressés n'ont jamais établi ni même allégué qu'ils assumeraient seuls la charge principale de la fille de M. B... issu d'un précédent mariage tandis qu'aucune convention n'est venue préciser lequel des deux parents supporterait effectivement la charge d'entretien de l'enfant à titre principal. Il en résulte que le quotient familial doit bien être réparti à parts égales entre les parents de l'enfant. Par ailleurs, en application des dispositions précitées du 2° du II de l'article 156 du code de général des impôts, la prise en compte de l'enfant dans la détermination du quotient familial des contribuables interdit la déduction de la pension alimentaire servie à ce dernier et ce, alors même que les contribuables ne bénéficient que d'un quart de part supplémentaire. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à demander le cumul de la déduction des pensions alimentaires versées à l'ex-épouse de M. B... et du bénéfice du partage du quotient familial, pas plus qu'ils ne sont fondés à soutenir qu'ils auraient droit à une demi-part supplémentaire afin d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'allocation de frais liés à l'instance doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et Mme G... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme C..., présidente assesseure,
- Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2021.
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N° 19MA04387
mtr