Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Par un jugement n° 2001240 en date du 5 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- l'information sur les modalités et délais de recours ne lui a pas été donnée dans une langue qu'il comprend, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- son épouse ne peut solliciter la procédure de regroupement familial dès lors que ses ressources sont insuffisantes ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues dès lors qu'il participe activement à l'éducation de son fils avec lequel il vit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir s'en remettre à son argumentaire produit en première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité marocaine, né le 29 novembre 1984, déclare être entré sur le territoire français le 28 mars 2019 pour y rejoindre son épouse et son fils. Il relève appel du jugement du 5 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2020 du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ".
3. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de M. A... vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé, interpellé par les services de police le 9 mars 2020, n'est pas en possession des documents et visa en cours de validité exigés par l'article L. 611-1-1 de ce code, de telle sorte que cette motivation indique que le préfet de l'Hérault s'est fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Par ailleurs, l'autorité administrative a mentionné les éléments de fait propres à la situation personnelle et familiale de M. A..., notamment son mariage avec une compatriote en situation régulière et son statut de père. Cet arrêté, en outre, conclut que l'intéressé ne remplit pas les conditions pour être admis au séjour au titre de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique également que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de M. A... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de ces éléments, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 mars 2020 obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai, désignant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français durant trois mois, a été notifié à l'intéressé par voie administrative le jour même à 16 h 15. Elle a été faite grâce à l'assistance d'un interprète dont les coordonnées sont indiquées dans l'acte de réquisition, en langue arabe, langue qu'il comprend parfaitement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
7. D'une part, M. A... soutient avoir fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France auprès de son épouse qui l'a rejoint en mars 2019 et de leur fils mineur, né en 2016, qui y est scolarisé. Toutefois, l'intéressé, qui n'a effectué aucune démarche afin de régulariser sa situation administrative, s'est maintenu sur le territoire français de manière irrégulière au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. La durée de sa présence sur le territoire national, onze mois, à la date de la décision attaquée est brève. Par ailleurs, il ne conteste pas être sans ressources, ne pas disposer d'un logement personnel, et être dans l'incapacité de subvenir aux besoins de son fils. Alors que le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant, pour un Etat, l'obligation générale de respecter le choix, pour un couple marié ou non, d'établir sa résidence sur son territoire, M. A... ne fait état d'aucun obstacle majeur l'empêchant de reconstituer sa cellule familiale au Maroc, pays dont l'ensemble de la famille a la nationalité, la circonstance que son épouse est titulaire d'un certificat de résidence " vie privée et familiale " ne constituant pas, en elle-même, un tel obstacle. En outre, aucun élément du dossier ne fait obstacle à ce que son fils puisse poursuivre sa scolarité dans le pays dont il a la nationalité. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie pas être totalement dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à sa trente-cinquième année, soit la majeure partie de sa vie, et où résident ses parents, ainsi que ses sept frères et soeurs. Enfin, si M. A... fait état de la grossesse de sa femme depuis octobre 2020, cette circonstance, postérieure à la décision attaquée, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, eu égard à la faible durée et aux conditions de son séjour en France, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. D'autre part, et dès lors que M. A... a épousé le 8 octobre 2015 une ressortissante marocaine qui séjourne régulièrement en France, en vertu des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il entre, en qualité de conjoint d'une ressortissante étrangère qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an, dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Le requérant ne peut utilement soutenir qu'eu égard aux faibles ressources de sa conjointe, la demande de regroupement familial présentée par son épouse serait en tout état de cause assurément rejetée dès lors que le préfet, lorsqu'il statue sur une demande de regroupement familial, n'est pas tenu par les dispositions de l'article L. 411-5 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de rejeter cette demande dans le cas où le demandeur ne justifie pas de ressources suffisantes. Par suite, M. A... n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir attribuer un titre de séjour sur ce fondement. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'appelant.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
10. En l'espèce, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer M. A... de son fils mineur né en 2016, dès lors qu'il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la cellule familiale ne pourrait pas être reconstituée hors de France. Il n'est, par ailleurs, pas établi que le fils de l'intéressé, scolarisé en classe de petite section de maternelle à la date de la décision attaquée, ne pourrait poursuivre au Maroc sa scolarité. Par suite, la décision en litige ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 mars 2020. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.
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N° 20MA03775
mtr