Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 6 août 2020 par lesquels le préfet des Pyrénées-Orientales les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et les a assignés à résidence.
Par un jugement n° 2003522, 2003525 en date du 14 août 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés du 6 août 2020 du préfet des Pyrénées-Orientales et enjoint à ce dernier de munir M. et Mme C... d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur leur cas.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 septembre 2020 et le 6 février 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 août 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement n'est pas signé ;
- ce jugement est illégal dès lors qu'il annule les décisions d'assignation à résidence alors que les requérants n'avaient soulevé aucun moyen à leur encontre ;
Sur la légalité des arrêtés contestés :
- le signataire des arrêtés était compétent pour ce faire ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire sont suffisamment motivées ;
- ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les mesures d'éloignement ne sont pas assorties d'un délai de départ volontaire conformément aux dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les mesures d'interdiction de retour ne portent pas atteinte à la vie privée et familiale des intéressés ;
- c'est à bon droit que les mesures d'éloignement fixent la Fédération de Russie comme pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2021, M. et Mme C... concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit versée à Me D... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils font valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 11 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né en 1972 et Mme E... épouse C..., née en 1979, de nationalité russe, déclarent être entrés sur le territoire français le 20 juillet 2013, accompagnés de leurs deux enfants nés en janvier 2002 et août 2003. Un troisième enfant est né en France le 25 février 2014. Leurs demandes d'asile, présentées le 30 juillet 2013, ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 18 février 2016 et de la Cour nationale du droit d'asile le 6 décembre 2016. Par deux arrêtés du 3 février 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine. Par des jugements du 16 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les recours formés par M. et Mme C... contre ces arrêtés. Par arrêtés du 6 août 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et les a assignés à résidence. Le préfet des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 14 août 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé ces arrêtés.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Pour annuler les arrêtés du 6 août 2020 du préfet des Pyrénées-Orientales, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier, dans son jugement du 14 août 2020, s'est fondée sur la circonstance que les obligations faites à M. et Mme C... de quitter le territoire devaient être regardées comme ayant été prises en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant compte tenu de la durée du séjour et de la scolarité en France de leur fils cadet et de la perspective pour lui de passer le baccalauréat au cours de l'année scolaire future. Toutefois, les requérants ne font valoir aucune circonstance particulière s'opposant à leur réinstallation au Daghestan avec leurs enfants et n'établissent pas que leur fils cadet serait dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité normale.
4. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé es arrêtés du 6 août 2020 au motif tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Montpellier que devant la Cour.
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M. et Mme C..., soutiennent être entrés en France en 2013, à l'âge respectif de quarante-et-un ans et trente-neuf ans, et résider sur le territoire national de façon continue depuis cette date, ils ne justifient d'aucune volonté particulière d'intégration dans la société française. Ils ont occupé un squat dont ils ont été expulsés et sont désormais hébergés par un membre bénévole d'un comité de soutien aux sans-papiers. Par ailleurs, ils ont déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2017 à laquelle ils n'ont pas déféré, et n'établissent ni même n'allèguent être dépourvus d'attaches familiales en fédération de Russie où ils ont vécu la majeure partie de leur existence. Si Mme C... se prévaut d'une promesse d'embauche dans le domaine de la restauration, elle ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle antérieure, ni d'aucune expérience. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet des Pyrénées-Orientales aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En deuxième lieu, si M. et Mme C... soutiennent que la mesure d'éloignement méconnaîtrait le 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de la résidence continue en France de leur fils aîné arrivé en France avant qu'il ait atteint ses treize ans, toutefois, s'agissant d'un jeune majeur à la date des arrêtés attaqués, qui ne le visent nullement, le moyen ainsi soulevé est inopérant.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. ".
10. Si M. et Mme C... soutiennent que la situation générale en Russie les expose à des agressions par des groupes armés, ils ne justifient pas de la réalité des risques auxquels ils seraient exposés. Dès lors, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas méconnu les dispositions précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant qu'ils seraient reconduits à destination du Daghestan.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé ses arrêtés du 6 août 2020. Les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Le préfet des Pyrénées-Orientales n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme C..., la somme demandée par le préfet des Pyrénées-Orientales au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003522, 2003525 du 14 août 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. et Mme C... présentées devant le tribunal administratif de Montpellier sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le préfet des Pyrénées-Orientales et par M. et Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. et Mme C....
Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.
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N° 20MA03329
mtr