Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2001548 en date du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
- sa demande au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain aurait dû être instruite par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;
- le signataire de la décision attaquée n'était pas compétent pour rejeter une demande d'autorisation de travail dès lors qu'il était rattaché au ministère de l'intérieur et non au ministère en charge de l'emploi ;
- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour compte tenu de sa présence continue en France depuis 2004 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité marocaine, né le 10 septembre 1977, déclare être entré sur le territoire français au cours de l'année 2004. Il relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 août 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A l'appui de sa demande, M. B... a notamment soulevé le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle, qui n'était pas inopérant, auquel le tribunal n'a pas répondu. Il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, d'annuler le jugement attaqué et d'évoquer la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. En premier lieu, l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ... ". Son article 9 prévoit que " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ".
5. Il résulte de la combinaison des textes précités que, si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention salarié est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié reste subordonnée, en vertu de l'article 9 de cet accord, à la condition prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de la production par ces ressortissants d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. Toutefois, les stipulations des articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. En l'espèce, il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a analysé la demande de titre de séjour présentée par M. B... comme étant fondée sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régissant la délivrance des titres de séjour en qualité de salarié et sur celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le requérant ne saurait faire grief au préfet d'avoir, de surcroît, examiné, au regard du pouvoir d'appréciation dont il dispose, quand bien même l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne soit pas, en tant que tel, applicable aux ressortissants marocains, s'il justifiait de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels qui auraient pu permettre son admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le préfet n'a commis aucune erreur de droit en s'estimant saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. / (...). ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-14 du même code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 (...) l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ". Aux termes de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / (...) ". Selon l'article R. 5221-15 : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, l'article R. 5221-17 dispose que : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au seul préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger, résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour, d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée et signée par son futur employeur, de statuer sur cette double demande. S'il lui est loisible de donner délégation de signature au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en matière de délivrance des autorisations de travail des ressortissants étrangers et ainsi de charger cette administration plutôt que ses propres services de l'instruction de telles demandes, il ne peut, sans méconnaître l'étendue de sa propre compétence opposer à l'intéressé un défaut d'autorisation de travail.
9. En l'espèce, l'arrêté contesté du 2 août 2019 a été signé par M. E... F..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement du contentieux et de l'asile à la direction des migrations, de l'intégration et de la nationalité de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui avait reçu délégation de signature, par un arrêté du 10 septembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer, les décisions énumérées aux articles 1er et 2 de cet arrêté, au nombre desquelles figurent les " refus de séjour, obligations de quitter le territoire, décisions relatives au délai de départ volontaire et décisions fixant le pays de destination ". Il résulte des stipulations et dispositions précitées au point 7 ci-dessus qu'il appartient au seul préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour, d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée, comme en l'espèce, d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée par son futur employeur, de statuer sur cette double demande. M. F..., signataire de la décision litigieuse, était à la date de son édiction titulaire d'une délégation de signature régulièrement conférée par le préfet des Bouches-du-Rhône en matière de refus de séjour incluant l'octroi et le refus de titres de séjour en qualité de salarié. Par suite, il était compétent pour édicter l'arrêté litigieux, sans qu'ait d'influence à cet égard la faculté dont disposait par ailleurs le préfet de charger la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de l'instruction de la demande d'autorisation de travail. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit, par suite, être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si le requérant soutient résider en France de façon continue depuis 2004, il ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, qu'il aurait établi sa résidence habituelle en France depuis l'année 2004 ni, en tout état de cause, depuis au moins dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, célibataire et sans enfant, le requérant, qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2015 à laquelle il n'a pas déféré, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales au Maroc où il a vécu la majeure partie de son existence. Si M. B... se prévaut des perspectives d'embauche procurées par la demande d'autorisation de travail produite à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, il ne justifie ni d'une insertion professionnelle antérieure, ni d'aucune expérience en qualité d'aide agricole. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, en refusant de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de son pouvoir de régularisation, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation et ne saurait, du seul fait qu'il a opposé un refus à M. B..., être regardé comme ayant méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
13. Comme cela a été dit précédemment, M. B... n'établit pas avoir eu sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus de second alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 août 2019. La demande présentée par M. B... au tribunal administratif de Marseille doit, dès lors, être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. B... aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001548 du tribunal administratif de Marseille du 15 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.
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N° 20MA03095
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