Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, la société civile immobilière (SCI) Istropolis, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cinq décisions, n° PC 13 047 16 G0076, PC 13 047 16 G0077, PC 13 047 16 G0078, PC 13 047 16 G0079, PC 13 047 16 G0080, portant refus de délivrance de permis de construire prises le 10 février 2020, par le maire d'Istres, en vue de la création d'un ensemble commercial composé de cinq lots distincts ;
2°) d'enjoindre à la CNAC de statuer à nouveau sur les demandes dans les deux mois de l'arrêt à intervenir ;
3°) d'enjoindre au maire d'Istres de statuer sur sa demande de permis de construire en l'absence même de l'avis de la CNAC.
Elle soutient que :
- la CNAC a méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour ;
- les motifs qu'elle a retenus sont erronés.
Par un mémoire du 15 septembre 2020, l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence, représenté par la SELARL Lexcase, conclut à l'appui de la requête, à l'annulation des refus de permis de construire attaqués, et à ce qu'il soit prononcé des mesures d'injonction à la CNAC et au maire d'Istres.
Il soutient que les moyens invoqués par la requête sont fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant la SCI Istropolis, de Me G... B..., représentant l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence et de Mme E..., représentant l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Istropolis a déposé le 1er août 2016 cinq demandes de permis de construire concernant la création d'un ensemble commercial composé de cinq lots distincts respectivement dénommés C, D, G, F et H : le premier concerne la construction de huit bâtiments d'une surface totale de plancher de 9 893,80 m² comprenant dix cellules à vocation de commerces et restaurants, le deuxième, la construction d'un bâtiment de 6 483 m² de surface de plancher comprenant huit cellules à vocation de commerces, le troisième, la construction d'un bâtiment de 4 749 m² de surface de plancher comprenant cinq cellules à vocation de commerces, le quatrième, la construction de deux bâtiments de 9 164,20 m² de surface totale de plancher comprenant onze cellules à vocation de commerces et le cinquième, la construction d'un bâtiment de 3 434,60 m² de surface de plancher comprenant deux cellules à vocation de commerces. Si la commission départementale d'aménagement commerciale (CDAC) des Bouches-du-Rhône a rendu cinq avis favorables, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), qui s'est autosaisie, a émis cinq avis défavorables le 13 avril 2017. Par suite, le président de la Métropole Aix-Marseille Provence a pris cinq décisions de refus de délivrance d'un permis de construire respectivement les 17, 18 et 25 juillet 2017 au seul motif des avis défavorables de la CNAC. Sur la demande de la SCI Istropolis, la cour administrative d'appel de Marseille, a, le 20 mai 2019, annulé ces cinq refus de permis et enjoint au maire de la commune d'Istres de statuer à nouveau sur les demandes de permis de construire de la SCI Istropolis après un nouvel examen par la CNAC qui se trouvait à nouveau saisie de ces dossiers. La CNAC qui a statué à nouveau le 19 décembre 2019 a, à nouveau, émis des avis défavorables, à la suite desquels le président de la Métropole Aix-Marseille Provence a pris cinq décisions de refus de délivrance d'un permis de construire le 10 février 2020 au seul motif des avis défavorables de la CNAC.
2. En sa qualité d'aménageur de la zone servant d'assiette au projet en cause, l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence dispose d'un intérêt pour intervenir.
3. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version en vigueur : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
5. L'avis de la CNAC est fondé sur les atteintes portées à l'animation de la vie urbaine, l'insuffisance de la desserte, et le défaut de compacité du projet.
6. Toutefois, l'arrêt du 20 mai 2019 de la cour administrative de Marseille, et alors qu'aucune circonstance de fait ou de droit n'a été modifié, a relevé que les éléments du dossier montrent que le risque de concurrence est faible, dès lors qu'aucune surface de vente alimentaire ne sera créée et que le projet, qui a prévu la mise en place d'un partenariat, a même le soutien des commerçants du centre-ville. Par ailleurs, le projet dans son ensemble répond à l'objectif d'amélioration de l'offre commerciale à l'ouest de l'Etang de Berre, sur un bassin comprenant une population de 121 000 habitants dont la ville d'Istres avec ses 43 000 habitants. Ce centre-ville, dont le dynamisme est relevé par la société requérante qui souligne que le taux de vacance est passé de 20 à 10 % entre 2012 et 2017 ne risque pas d'être affecté par l'opération puisque celle-ci ne comprendra que des enseignes de plus de 400 m², et n'admettra pas de commerce alimentaire. Cette économie du projet est en effet confortée par le partenariat noué par la SCI avec l'association des commerçants du centre-ville d'Istres qui vise à mieux localiser les achats non alimentaires et à créer une synergie entre le Pôle du Tubé et le centre-ville, en mettant en place un fonds marketing pour la promotion commune du centre-ville et du centre commercial d'Istropolis, ainsi que sur site un kiosque d'information. Ce motif relatif aux effets délétères de l'opération sur le projet d'ouverture d'un forum d'une trentaine de cellules commerciales en centre-ville d'Istres ne peut donc être retenu, étant entaché d'une erreur d'appréciation. Cet arrêt a également relevé que l'opération est non seulement insérée dans une ZAC totalement équipée en infrastructures routières et viaires mais est également desservie par la route nationale 1569 au sud par une bretelle d'entrée et de sortie et au nord par un giratoire dont seule la branche ouest possède une capacité limitée de 2 %. Toutefois, à supposer même que le dossier présente des insuffisances relatives aux conséquences du projet sur les flux de circulation, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée, eu égard notamment à l'impact limité du projet sur les flux de circulation. En effet, le problème de circulation s'analyse, tout d'abord, comme une difficulté préexistante extérieure à la ZAC et très ponctuelle, dès lors qu'elle survient exclusivement le vendredi soir. L'étude conclut, pour la journée du samedi, à une situation qui demeurera fluide et satisfaisante et, pour la journée du vendredi, à une situation qui serait meilleure notamment en sortie de la base aérienne, grâce à l'élargissement à deux voies au niveau du giratoire et à l'aménagement des horaires de certains de ses employés. Par ailleurs, il n'est pas contesté que des aménagements seront réalisés par la commune avant la fin de la construction du projet, ce qui permettra aux istréens, qui doivent actuellement se rendre à Martigues et à Vitrolles, de faire des déplacements plus courts. L'arrêt de la cour a enfin relevé que si l'article R. 752-6 4° du code de commerce impose que le dossier de demande, au titre des effets du projet en matière d'aménagement du territoire, comprenne " une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : b) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ", ni cette disposition, ni cet objectif proclamé n'imposent de faire figurer des solutions de mutualisation des aires de stationnement prévues. De plus, en l'espèce, non seulement la mutualisation de ces emplacements a été prise en compte par le porteur des projets mais la configuration des lieux et l'aménagement des aires de stationnement ne font pas obstacle à celle-ci, grâce aux comportements des consommateurs eux-mêmes.
7. La société requérante est donc fondée à soutenir que les motifs retenus par la CNAC, qui n'a pas versé, en dépit de la demande du 30 mars 2021, le dossier complet de la demande, ni du reste produit d'observations, sont erronés et que les cinq arrêtés en litige portant refus d'octroi de permis de construire doivent être annulés.
8. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'enjoindre à la CNAC, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, de délivrer, dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt, l'avis favorable sollicité par la SCI Istropolis. En revanche, et dès lors que les décisions du maire d'Istres devront prendre en compte les mesures prises par la CNAC en application du présent arrêt, il y a lieu, en tout état de cause, de rejeter le surplus des conclusions en injonction de l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence. Il appartiendra au maire d'Istres de se prononcer au vu de ce nouvel avis sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploiter qui lui a été adressée.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence est admise.
Article 2 : Les cinq décisions du maire de la commune d'Istres portant refus de délivrance de permis de construire respectivement du 10 février 2020 sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, de délivrer, dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt, l'avis favorable sollicité par la SCI Istropolis.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Istropolis, à la commune d'Istres, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à l'établissement public d'aménagement et de développement Ouest Provence, à l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône, à la société Berre Optique, à la SARL Chaudiron Optique Surdité, à la SARL Etablissements Thevenon, à la société Exploitation des Etablissements SEVA, à M. F... A..., à la SARL Optique Mezard, à la société Rêveries et à la société Optique Hervé.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. H..., président assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2021.
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N° 20MA01226