Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1909914 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour, :
1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen qu'elle a soulevé devant lui tiré de ce que l'arrêté querellé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que, pour demander l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2019, Mme B... a notamment soutenu qu'en refusant de faire droit à sa demande de titre de séjour, le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ce refus sur sa situation personnelle. Le tribunal a rejeté la demande de Mme B... sans répondre à ce moyen, qu'il a cependant visé, et qui n'était pas inopérant. L'intéressée est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité à ce motif. Par suite, ce jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille.
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. F... D..., chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui a reçu par arrêté du 29 octobre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, délégation de signature à l'effet de signer l'arrêté en litige. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence invoqué à l'encontre de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., âgée de 79 ans à la date de l'arrêté attaqué, est entrée pour la dernière fois en France le 5 décembre 2017 via l'Espagne sous couvert d'un visa Schengen, soit un peu moins de deux ans avant l'édiction de cet arrêté. Alors même qu'elle est hébergée depuis son arrivée en France par l'un de ses fils, qui a la nationalité française, qui est marié et père de quatre enfants dont deux encore mineurs, et qu'elle s'occuperait de la plus jeune, l'intéressée ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens avec ceux de ses six autres enfants qui résident également en France, deux possédant la nationalité française, les quatre autres étant détenteurs soit d'une carte de résident, soit d'un titre de séjour temporaire ou pluri-annuel et étant, pour plusieurs d'entre eux, parents d'enfants mineurs. Par ailleurs, il est constant que les deux filles aînées de Mme B... vivent au Maroc, où elles ont construit leurs cellules familiales, et où leur mère, qui est veuve depuis 2004, a vécu jusqu'à l'âge de 77 ans et a nécessairement conservé des attaches tant familiales qu'amicales. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Cette arrêté ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
7. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté. Il y a lieu, par conséquent, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées tant en appel qu'en première instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 février 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. E..., premier conseiller,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.
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N° 20MA01535
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