La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2021 | FRANCE | N°20MA00885

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 24 juin 2021, 20MA00885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner, à titre principal, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à lui verser la somme de 239 225,56 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices qu'il impute aux manquements commis à l'occasion de l'intervention chirurgicale qu'il y a subi le 16 juin 2014, à titre subsidiaire, le CHU de Nice et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes

et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la même somme à hauteu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner, à titre principal, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à lui verser la somme de 239 225,56 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices qu'il impute aux manquements commis à l'occasion de l'intervention chirurgicale qu'il y a subi le 16 juin 2014, à titre subsidiaire, le CHU de Nice et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la même somme à hauteur respectivement de 80 % et 20%, et, à titre infiniment subsidiaire, le CHU de Nice à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, a demandé au tribunal de condamner le CHU de Nice à lui verser la somme de 93 632,91 euros au titre des débours, augmentée des intérêts de droit, et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1700747 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a mis hors de cause l'ONIAM, a condamné le CHU de Nice à verser à M. F... la somme de 102 313,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015, eux-mêmes capitalisés par année à compter du 22 février 2017 et à lui rembourser, sur justificatifs, l'achat de couches pour adulte à partir du 26 août 2017. Il a également condamné le CHU de Nice à payer à la CPAM du Var une somme de 45 336,67 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017 ainsi qu'une rente annuelle de 1 878,84 euros à compter du 10 juillet 2020 correspondant aux débours futurs exposés pour son assuré, outre l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 080 euros, et à lui rembourser, sur justificatifs, les frais futurs d'appareillage, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 février et 26 décembre 2020 et le 25 mars 2021, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a limité à la somme de 102 313,80 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le CHU de Nice en réparation du préjudice qu'il a subi ;

2°) de porter à la somme de 270 085,54 euros le montant de l'indemnité due ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Nice et de l'ONIAM la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il y a lieu de faire application du barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais ;

- les dépenses de santé actuelles et permanentes jusqu'au 25 août 2017, les frais divers, l'assistance par tierce personne temporaire et l'assistance par tierce personne du 9 juillet 2015 au 5 juin 2019 ont été exactement indemnisés ;

- les frais de logement adapté, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, les préjudices esthétiques temporaire et permanent, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et le préjudice d'impréparation ont été insuffisamment indemnisés ;

- les dépenses de santé à compter du 26 août 2017 doivent être indemnisées sous forme de capital ;

- il y a lieu d'indemniser l'assistance par tierce personne du 5 juin 2019 jusqu'à la fin de sa vie ;

- le taux du déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 25%.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 juillet et 8 décembre 2020, et les 10 février et 6 avril 2021, le CHU de Nice, représenté par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête et les conclusions présentées par la CPAM du Var au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 30 septembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nice a mis à sa charge les sommes de 13 824 euros et de 35 799,84 euros au titre de l'assistance par tierce personne actuelle et future.

Il soutient que :

- la demande de remboursement des prestations servies par la CPAM des Alpes-Maritimes à son assuré présentée par la CPAM du Var est irrecevable en l'absence de production de la convention de mutualisation ;

- il y a lieu de faire application du barème de capitalisation pour l'indemnisation des victimes issu de l'arrêté du 19 décembre 2016 ou du référentiel indicatif de l'ONIAM du mois de janvier 2018 ;

- le coût d'une assistance au domicile familial est évalué par référence au salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire ;

- la victime n'a pas eu besoin d'une aide spécialisée ;

- la période d'hospitalisation du 20 juin au 9 juillet 2014 n'ouvre pas droit à indemnisation au titre de l'aide à domicile ;

- il n'y a pas lieu de retenir deux heures d'aide par jour tous les jours ;

- les dépenses de santé actuelles et les frais divers ont été totalement indemnisés ;

- le déficit fonctionnel temporaire, le pretium doloris, les préjudices esthétiques temporaire et permanent, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et le préjudice d'impréparation ont été suffisamment indemnisés ;

- les souffrances endurées comprennent les douleurs physiques et psychologiques ;

- les dépenses de santé futures ne peuvent donner lieu à remboursement qu'au fur et à mesure de leur réalisation et sur présentation de justificatifs ;

- les frais de logement adapté sont sans lien avec la faute ;

- l'assistance par tierce personne future doit être indemnisée sous forme de rente ;

- il appartient au requérant de justifier de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile ;

- il n'est pas établi que les débours définitifs sont en lien avec la faute compte tenu de l'état initial du patient ;

- il n'y a pas lieu à versement d'un capital représentatif des frais futurs viagers et des frais d'appareillage ;

- il n'y a pas lieu non plus de rembourser sans limitation de sommes et de durée des frais futurs exposés sur présentation des justificatifs au regard des antécédents médicaux de l'assuré.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2020, l'ONIAM, représenté par Me E..., demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant que ce jugement l'a mis hors de cause et de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Par des mémoires enregistrés les 26 octobre et 10 novembre 2020, la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du 30 septembre 2019 en tant que le tribunal administratif de Nice a condamné le CHU de Nice à lui verser les sommes de 37 166, 63 euros au titre des dépenses de santé actuelles, de 654, 68 euros au titre des dépenses de santé et frais d'appareillage occasionnels et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) à titre principal, de porter à la somme de 93 932,67 euros le montant des débours ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU de Nice à lui payer le montant des frais futurs exposés pour le compte de M. F... au fur et à mesure qu'ils seront exposés sur présentation des justificatifs correspondants sans limitation de sommes et de durée ;

4°) de mettre à la charge de la partie succombante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les frais futurs et les frais d'appareillage doivent être payés sous forme de capital ;

- l'indemnité forfaitaire de gestion est d'ordre public et son montant forfaitaire.

La demande d'aide juridictionnelle de M. F... a été rejetée par une décision du 25 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., qui est atteint d'une incontinence totale irréversible à la suite de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 16 juin 2014 au CHU de Nice, relève appel du jugement du 30 septembre 2019 du tribunal administratif de Nice en ce qu'il a limité à la somme de 102 313,80 euros le montant de l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'établissement de soins en réparation de ses préjudices, et sollicite une meilleure indemnisation. La CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, demande, à titre principal, que la somme que le CHU de Nice a été condamné à lui verser au titre des débours soit portée à 93 932,67 euros, à titre subsidiaire, que l'établissement de soins soit condamné à lui payer le montant des frais futurs exposés pour le compte de M. F... au fur et à mesure qu'ils seront engagés sur présentation des justificatifs correspondants sans limitation de sommes et de durée et que l'allocation de l'indemnité forfaitaire de gestion soit confirmée. L'ONIAM demande la confirmation de ce jugement qui le met hors de cause. Le CHU de Nice conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM du Var, agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a mis à sa charge les sommes de 13 824 euros et de 35 799,84 euros au titre de l'assistance pour tierce personne temporaire et définitive.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Nice aux conclusions de la CPAM du Var :

2. Les dispositions combinées de l'article L. 221-3-1 et du II de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale permettent au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés de confier à une caisse primaire la charge d'agir en justice pour le compte de la caisse d'affiliation de l'assuré dans tous les contentieux liés au service des prestations d'assurance maladie. A ce titre, une caisse peut se voir confier la mission d'exercer, pour le compte d'une ou plusieurs autres caisses, le recours subrogatoire prévu par les dispositions de l'article L. 376-1 du même code à l'encontre du tiers responsable de l'accident, un tel recours tendant au remboursement des prestations servies à l'assuré à la suite de l'accident.

3. Il résulte de l'instruction que, par une convention relative à l'activité " Recours contre tiers " en date du 1er février 2017 produite devant le tribunal, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a confié à la CPAM du Var la mission d'exercer le recours subrogatoire au nom de la CPAM des Alpes-Maritimes. Il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu par le CHU de Nice, la CPAM du Var est fondée à demander le remboursement pour son compte des prestations versées par la CPAM des Alpes-Maritimes.

Sur la responsabilité :

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence Alpes Côte-d'Azur (CRCI), qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la responsabilité du CHU de Nice est engagée d'une part en l'absence de délivrance au patient d'une information sur le risque d'accident lié à l'introduction de la sonde vésicale lors d'une prostatectomie totale et d'autre part en raison de l'existence d'une faute médicale tenant au mauvais positionnement de cette sonde lors de sa mise en place, qui a entrainé une fistule urétro-rectale. Par ailleurs, c'est également à juste titre que les premiers juges ont mis l'ONIAM hors de cause.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

Quant aux dépenses de santé actuelles :

5. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier de l'état définitif des débours et de l'attestation d'imputabilité produits par la CPAM du Var, que la CPAM des Alpes-Maritimes a exposé pour le compte de son assuré les sommes de 22 800 euros au titre des frais hospitaliers liés à sa seconde hospitalisation du 23 juin 2014 au 8 juillet 2014 dans le service d'urologie du centre hospitalier L'Archet dépendant du CHU de Nice pour traiter la fistule vésico-urétrale consécutive à la faute médicale, de 3 961,43 euros au titre des frais médicaux pour la période du 9 juillet 2014, date du retour de M. F... à son domicile, à la date de consolidation de son état de santé, de 5 121,75 euros au titre des frais d'appareillage pour la même période, de 3 188,31 euros au titre des frais pharmaceutiques pour la période du 9 juillet 2014 au 18 juin 2015, et de 2 095,14 euros au titre de frais de transport pour la période du 9 juillet 2014 au 15 mai 2015. Contrairement à ce qui est soutenu par l'établissement de soins, ce relevé des débours ne prend pas en compte les frais liés au cancer de la prostate du requérant qui ont été exposés lors de la première hospitalisation du 15 au 20 juin 2014 et postérieurement à la date de consolidation, dès lors que la récidive biologique a été mise en évidence le 7 juillet 2015, et qui sont sans lien avec la faute. Par ailleurs, cet état des débours ne prend pas davantage en compte les frais consécutifs aux troubles neurologiques présentés par M. F... qui ont été diagnostiqués le 3 août 2015. Il s'ensuit qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le montant total des frais exposés pour le compte de M. F... avant la date de consolidation de son état de santé en lien avec la faute imputable au CHU de Nice s'élève à la somme de 37 166,63 euros.

6. D'autre part, la somme de 160,74 euros mise à la charge de l'établissement de soins au profit de M. F... au titre des frais médicaux restés à la charge du patient pour la période allant du mois de mars jusqu'à la date de consolidation de son état de santé n'est contestée ni par le requérant ni par le CHU de Nice.

Quant aux frais divers :

7. La somme de 811,80 euros accordée au requérant en remboursement des frais d'assistance à expertise et de médecin-conseil n'est pas davantage contestée par les parties.

Quant à l'assistance pour tierce personne actuelle :

8. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

9. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une assistance adaptée à l'état de santé de M. F... consécutif aux fautes commises s'élèverait à un coût supérieur à celui résultant de l'application d'un taux horaire de 13 euros jusqu'au 31 décembre 2017, de 14 euros à compter du 1er janvier 2018, puis de 15 euros à compter du 1er janvier 2021, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail.

10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le besoin d'aide par une tierce personne de M. F... a été évalué à dix-sept heures par mois de la date de son retour à son domicile après sa seconde hospitalisation, le 9 juillet 2014, à celle de la consolidation de son état de santé, le 9 juillet 2015. Compte tenu de l'incontinence totale dont est atteint le requérant, il y a lieu de fixer la durée de cette aide à une heure par jour tous les jours et non à deux heures comme il le demande. En application des principes et modalités de calcul énoncés aux points 8 et 9, les frais liés à l'assistance par une tierce personne non spécialisée actuelle doivent ainsi être évalués à la somme de 5 356 euros, étant précisé que M. F... n'a pas perçu durant cette période l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux dépenses de santé futures :

11. D'une part, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Nice la somme de 654,68 euros au titre des frais déjà engagés par la CPAM postérieurement à la date de consolidation de l'état de santé du requérant correspondant à un bilan urodynamique, à l'achat d'un éléctro simulateur neuromusculaire et à des transports en lien avec les fautes commises. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, en particulier de la notification des débours et de l'attestation d'imputabilité, que des frais médicaux, pharmaceutiques et de transport qui sont liés à l'incontinence dont est atteint M. F..., doivent être prévus à compter de la date de consolidation à hauteur de la somme annuelle de 1 878,84 euros. Il y a lieu ainsi de condamner le CHU de Nice à rembourser à la CPAM du Var, outre la somme de 654,68 euros mentionnée ci-dessus, la somme de 11 206,12 euros pour la période courant du 9 juillet 2015 à la date de l'arrêt.

12. Au titre des soins postérieurs au 24 juin 2021, les frais de santé futurs d'un montant de 1 878,84 euros par an comme indiqué au point précédent doivent être mis à la charge du CHU de Nice sous la forme d'une rente annuelle, en l'absence d'accord de l'établissement de soins pour le versement immédiat d'un capital représentatif. La rente sera versée à terme échu et sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Dans ces conditions, la CPAM du Var n'est pas fondée à demander à ce titre la condamnation du CHU de Nice à lui payer le montant des frais futurs exposés pour le compte de M. F... à mesure qu'ils seront exposés sur présentation des justificatifs correspondant sans limitation de sommes et de durée.

13. Les frais futurs d'appareillage devront être remboursés par le CHU de Nice au fur et à mesure de leur exposition et sur présentation de justificatifs ainsi que l'a retenu le tribunal au point 11 du jugement.

14. D'autre part, il résulte de l'instruction, et plus particulièrement des factures produites par M. F..., qu'il a exposé au titre des frais de couches pour adulte de la date de consolidation de son état de santé au 26 août 2017 la somme de 2 479,70 euros que le CHU de Nice doit être condamné à lui rembourser. A partir de cette date, ces frais doivent être évalués à la somme mensuelle de 160,80 euros. Les dépenses de santé futures de M. F... doivent être indemnisées par le versement d'un capital pour la période allant du 27 août 2017 à la date de l'arrêt, soit la somme de 7 353,63 euros. Le montant des dépenses de santé s'élève donc à la somme totale de 9 833,33 euros de laquelle doit être déduite l'aide versée par le département des Alpes-Maritimes à hauteur de 70 euros par mois à partir du 6 juillet 2016 et jusqu'à la date du présent arrêt soit le 24 juin 2021. Ces frais doivent ainsi être évalués à la somme de 5 670,33 euros.

15. Pour la période postérieure à la date de l'arrêt, il apparaît que le versement d'une rente trimestrielle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. Il y a lieu de retenir les frais mensuels d'achat de couches indiqués au point précédent. Ainsi, il convient de retenir une rente trimestrielle d'un montant de 482,50 euros qui sera versée à chaque trimestre échu, sur justification auprès du CHU de Nice par M. F... de la décision du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes relative à l'aide perçue.

Quant aux frais de logement adapté :

16. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. F... nécessite la rénovation de sa salle de bains. Toutefois, l'incontinence totale dont il est atteint l'oblige à se changer et à se laver plusieurs fois par jour. L'utilisation d'un bidet est de nature à faciliter sa toilette intime. Par suite, il y a lieu de condamner le CHU de Nice à verser la somme de 800 euros au requérant correspondant aux frais d'achat et de pose d'un bidet.

Quant à l'assistance pour tierce personne future :

17. Pour la période allant de la date de consolidation de l'état de santé du requérant à la date de l'arrêt, il y a lieu de faire application des principes et modalités de calcul déterminés aux points 8 et 9. Ainsi, les frais liés à l'assistance par une tierce personne future entre la date de consolidation de l'état de santé et la date du présent arrêt s'élèvent à la somme de 33 236,55 euros, dont il convient de déduire l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile versée par le département des Alpes-Maritimes à hauteur de 327,76 euros par mois du 6 juin 2016 au 5 juin 2019 et de 331,67 euros par mois à compter du 6 juin 2019. Le préjudice subi s'élève donc à 13 832,67 euros.

18. Pour la période postérieure à la date de la présente décision, il apparaît que l'indemnisation du coût de l'assistance par une tierce personne sous la forme d'une rente trimestrielle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. Le montant de cette rente trimestrielle doit être déterminé selon les principes et modalités exposés aux points 8 et 9, à raison d'une heure par jour et en application d'un taux horaire de 15 euros. Il convient ainsi de retenir une rente d'un montant de 1 545 euros qui sera revalorisée en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, déduction faite de l'allocation mentionnée au point précédent que M. F... percevra jusqu'au 5 juin 2022 et, après cette date, sur présentation de la décision du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes lui accordant cette allocation.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

19. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. F... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 23 juin au 9 juillet 2014 et partiel à hauteur de 25% du 10 juillet 2014 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé. Les premiers juges ont procédé à une évaluation suffisante du préjudice subi à ce titre en en fixant la réparation à 1 500 euros.

Quant aux souffrances endurées :

20. Les souffrances physiques et psychiques ont été estimées par le collège d'experts à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7 avant la date de consolidation de l'état de santé. Le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice en évaluant à 5 000 euros la somme destinée à le réparer.

Quant au préjudice esthétique :

21. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le préjudice esthétique temporaire a été évalué à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges ont procédé à une réparation suffisante de ce préjudice en en fixant le montant à 3 000 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

22. Les experts ont évalué à 22 % le déficit fonctionnel permanent que conserve M. F.... Celui-ci ne justifie par aucun document médical que ce taux devrait être porté à 25%. Le tribunal a fait une estimation qui n'est pas insuffisante de la réparation de ce préjudice en allouant à M. F... la somme de 25 000 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

23. Le tribunal a également fait une appréciation suffisante du préjudice d'agrément, qualifié de " moyen " par les experts, en évaluant ce préjudice à la somme de 3 000 euros.

Quant au préjudice esthétique :

24. Le préjudice esthétique permanent de la victime a été évalué par les experts à 3 sur une échelle de 1 à 7. Le tribunal a suffisamment réparé ce préjudice en allouant à l'intéressé la somme de 5 000 euros.

Quant au préjudice sexuel :

25. Les premiers juges n'ont pas non plus procédé à une évaluation insuffisante du préjudice sexuel de M. F..., que les experts ont estimé difficile à apprécier compte tenu des traitements du cancer de la prostate, en lui allouant une indemnité de 1 000 euros.

Quant au préjudice d'impréparation :

26. Le tribunal a enfin suffisamment évalué le préjudice d'impréparation du requérant en fixant le montant de sa réparation à 5 000 euros.

27. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le CHU de Nice doit verser à M. F... doit être ramenée à la somme de 75 131,54 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015, et les intérêts eux-mêmes capitalisés par année à compter du 22 février 2017 comme indiqué aux points 26 et 28 du jugement. L'établissement de soins versera en outre une rente trimestrielle pour les dépenses de santé futures d'un montant de 482,40 euros et pour l'aide d'une tierce personne d'un montant de 1 545 euros, sous déduction des sommes versées à ce dernier au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile ou de toute autre allocation ayant le même objet et dont il devra justifier au préalable auprès du CHU de Nice. Par ailleurs, le montant des débours de la CPAM du Var doit être porté à la somme de 49 027,43 euros. Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017 ainsi qu'indiqué au point 27 du jugement. Le centre hospitalier versera à la CPAM du Var une rente annuelle de 1 878,84 euros à compter du 3 juin 2021 correspondant aux débours futurs exposés pour son assuré et est condamné à lui rembourser, sur justificatifs, les frais futurs d'appareillage.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

28. Compte tenu de la majoration du montant des sommes dont la CPAM du Var a obtenu le remboursement, il y a lieu de porter à 1 098 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais liés au litige :

29. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. F... et non compris dans les dépens. Il y a également lieu de mettre à la charge du CHU de Nice une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM du Var. En revanche, les conclusions du CHU de Nice, partie perdante, présentées sur le fondement des mêmes dispositions doivent être rejetées. Doivent l'être également, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur le même fondement par l'ONIAM.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 102 313,80 euros que le CHU de Nice a été condamné à verser à M. F... par le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2019 est ramenée à la somme de 75 131,54 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015, eux-mêmes capitalisés par année à compter du 22 février 2017.

Article 2 : Le CHU de Nice versera à M. F... une rente trimestrielle de 482,50 euros au titre des dépenses de santé futures et une rente trimestrielle de 1 545 euros au titre de l'aide par une tierce personne dans les conditions précisées aux points 15, 18 et 27 du présent arrêt.

Article 3 : La somme de 45 336,27 euros que le CHU de Nice a été condamné à verser à la CPAM du Var sous forme de capital par le jugement du 30 septembre 2019 au titre des débours est portée à 49 027,43 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017.

Article 4 : Le CHU de Nice versera à la CPAM du Var, outre ce qui concerne les frais futurs d'appareillage tels que rappelé aux points 13 et 27 du présent arrêt, une rente annuelle de 1 878,84 euros à compter du 24 juin 2021.

Article 5 : La somme de 1 080 euros que le CHU de Nice a été condamné à verser à la CPAM du Var par le jugement du 30 septembre 2019, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, est portée à 1 098 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le CHU de Nice versera à M. F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le CHU de Nice versera à la CPAM du Var une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête et le surplus des conclusions présentées par la CPAM du Var sont rejetés.

Article 10 : Les conclusions présentées par le CHU de Nice par la voie de l'appel incident est rejeté.

Article 11 : Les conclusions de l'ONIAM présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., au centre hospitalier universitaire de Nice, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021 où siégeaient :

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme G..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2021.

12

N° 20MA00885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00885
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GUILLOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-24;20ma00885 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award