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24/06/2021 | FRANCE | N°20MA00669

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 juin 2021, 20MA00669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1903651 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

6 février 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1903651 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salariée " ou subsidiairement la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a méconnu sa compétence en lui opposant le défaut d'autorisation de travail ;

- le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de contrat de travail visé et devait instruire sa demande dès lors qu'elle était titulaire d'un visa long séjour valant titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler et valant autorisation de travail, et que le préfet devait donc examiner sa situation au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. C... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me F... substituant Me E..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du 19 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme D... a soulevé en première instance le moyen tiré de ce que le préfet du Var aurait méconnu sa propre compétence en lui opposant un défaut d'autorisation de travail. Le tribunal n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement du 19 janvier 2020 est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée en première instance par Mme D....

Sur la légalité de l'arrêté du 10 septembre 2019 :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige, qui précise que la demande de changement de statut ne peut qu'être rejetée dès lors que Mme D... ne justifie pas d'un contrat de travail visé sur le fondement de l'article L. 313-10 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour, comporte les considérations de droit et de faits qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation ne peut donc qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " (...). ". Aux termes de l'article R. 311-3 du même code : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : (...) 4° Les étrangers, conjoints de ressortissants français, séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et portant la mention " vie privée et familiale ", délivré en application du troisième alinéa de l'article L. 211-2-1, pendant un an (...) ".

6. Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé (...) 10° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", délivrée en application des articles L. 313-11, L. 316-1, L. 316-3, L. 313-17 et L. 313-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné aux 4° et 11° de l'article R. 311-3 du même code. ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur. ". Selon l'article R. 5221-12 du même code : " La liste des documents à présenter à l'appui d'une demande d'autorisation de travail est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. ". L'article R. 5221-20 du même code prévoit : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique (...) 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération (...) 6° Le salaire proposé à l'étranger (...) ".

7. Lorsqu'un étranger ne demande pas le renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale " ou du visa long séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, qui constituait son autorisation de travail, mais demande pour la première fois à bénéficier d'un titre de séjour en qualité de salarié régi par l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit remplir les conditions prévues pour la délivrance de ce titre, notamment le dépôt d'une demande d'autorisation de travail. Saisi d'une telle demande dans les conditions prévues par le code du travail, le préfet ne peut en principe refuser la délivrance du titre de séjour sollicité au motif qu'il n'a pas été justifié d'un " contrat de travail visé par les autorités compétentes " sans avoir au préalable instruit cette demande.

8. En l'espèce, Mme D... était titulaire d'un visa long séjour l'autorisant à travailler en qualité de conjoint de français, valable du 22 avril 2018 au 22 avril 2019, et valant autorisation de travail. Séparée de son mari depuis le mois d'août 2018, elle n'a pas demandé le renouvellement de son visa au titre de sa vie privée et familiale mais a sollicité un changement de statut afin de se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, et quand bien même son visa long séjour n'avait pas été retiré ou abrogé et lui permettait toujours de travailler jusqu'à sa date d'expiration, Mme D... devait demander et obtenir une nouvelle autorisation de travail afin de se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ".

9. D'une part, le préfet du Var ne pouvait rejeter la demande au seul motif qu'" en ayant quitté le domicile familial, Mme D... ne remplissait plus les conditions de son autorisation de travail et ne disposait pas d'un contrat de travail visé ".

10. D'autre part et toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, Mme D... devait demander une nouvelle autorisation de travail afin de se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ". Or le préfet du Var soutient qu'il ne disposait que d'une demande de titre de séjour incomplète dès lors que Mme D... n'avait pas demandé de nouvelle autorisation de travail, et sollicite ainsi une substitution de motif.

11. L'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier si l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

12. Il résulte des dispositions du code du travail, citées au point 6 du présent arrêt que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur et qu'il appartient au préfet, saisi d'une telle demande, de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services. Ces dispositions s'appliquent à tous les étrangers qui demandent pour la première fois leur admission au séjour en qualité de salarié.

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour la copie de son ancien contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société MNL le 1e septembre 2018 pour un emploi d'agent d'entretien à temps partiel ainsi que la copie de bulletins de salaire. Si elle indique également avoir transmis copie d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société IBA, elle ne n'établit pas, alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que cette société a repris son ancien contrat par un avenant du 28 février 2019, puis a conclu avec elle un nouveau contrat le 12 mars 2019, c'est à dire postérieurement à la demande de titre de séjour déposée par Mme D... le 19 février 2019. Surtout, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce nouvel employeur ait transmis au préfet une demande d'autorisation de travail dûment complétée et régulière pour un salarié étranger. En l'absence de demande complète d'autorisation de travail, le préfet ne pouvait que rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressée. C'est donc sans méconnaître l'étendue de sa compétence ou commettre d'erreur de droit que le préfet a pu rejeter la demande de changement de statut de Mme D... sur le fondement de l'article L. 313-10 précité.

14. Enfin, dès lors qu'aucune demande d'autorisation de travail dûment complétée et régulière pour un salarié étranger n'a été introduite auprès du préfet, Mme D... n'est pas plus fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas correctement examiné sa demande.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme D... doit être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme D..., il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

17. L'État n'étant pas la partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 où siégeaient :

- M. C..., président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021

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N° 20MA00669

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00669
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : BOCHNAKIAN et LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-24;20ma00669 ?
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