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17/06/2021 | FRANCE | N°20MA03133

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20MA03133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an.

Par un jugement n° 1906754 en date du 22 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejet

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'un an.

Par un jugement n° 1906754 en date du 22 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Me B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article R. 156 du code de procédure pénale ont été méconnues dès lors que le préfet fonde son arrêté sur les procès-verbaux résultant d'une enquête judiciaire diligentée par le procureur de la République ;

- il doit bénéficier de la présomption d'innocence protégée au titre de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que de la présomption de minorité prévue par l'article 47 du code civil ;

- c'est à tort que le préfet a considéré qu'il n'était pas mineur, alors que l'expertise médico-légale ne mentionne ni les marges d'erreur ni les minima possibles ;

- l'arrêté est dépourvu de base légale dès lors que les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui sont pas applicables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me D... substituant Me B..., pour M. A....

Une note en délibéré, présentée pour M. A... a été enregistrée le 4 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement du 22 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 décembre 2019, lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire et prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 156 du code de procédure pénale : " En matière criminelle, correctionnelle ou de police, aucune expédition autre que celle des arrêts, jugements, ordonnances pénales définitifs et titres exécutoires ne peut être délivrée à un tiers sans une autorisation du procureur de la République ou du procureur général, selon le cas, notamment en ce qui concerne les pièces d'une enquête terminée par une décision de classement sans suite. / Toutefois, dans les cas prévus au présent article et à l'article précédent, l'autorisation doit être donnée par le procureur général lorsqu'il s'agit de pièces déposées au greffe de la Cour ou faisant partie d'une procédure close par une décision de non-lieu ou d'une affaire dans laquelle le huis clos a été ordonné. / Dans les cas prévus au présent article et à l'article précédent si l'autorisation n'est pas accordée, le magistrat compétent pour la donner doit notifier sa décision en la forme administrative et faire connaître les motifs du refus. ".

3. Les dispositions précitées de l'article R. 156 du code de procédure pénale, qui ont pour objet de définir les conditions de délivrance, à des tiers, de pièces relatives aux instances pénales, ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative compétente en matière de police des étrangers s'appuie sur les déclarations faites par un étranger lors de son audition par les services de police ou de gendarmerie. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière du fait de l'atteinte portée au principe de séparation des pouvoirs constituée par la transmission au préfet de l'Hérault des procès-verbaux des auditions de M. A... au cours de la procédure d'enquête en date du 15 octobre 2018 au 17 décembre 2019 ne peut en tout état de cause qu'être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 16 décembre 2019, M. A... a été interpellé et placé en garde à vue pour escroquerie et détention de faux documents administratifs. Le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que le préfet de l'Hérault, pour prendre la décision contestée, prenne en compte les chefs d'accusation dont M. A... fait l'objet, alors même que ces éléments sont susceptibles de fonder une action répressive et que le juge pénal ne s'est pas encore prononcé à ce sujet. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaît le principe de la présomption d'innocence doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans. / (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Selon l'article 388 du code civil : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". L'article 47 précité du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'après recherches auprès du centre de coopération policière et douanière de Vintimille, il a été déterminé que les empreintes digitales de M. A... ont été relevées en Italie, où l'intéressé a été contrôlé sous l'identité d'une personne se disant née le 1er janvier 1999 en Guinée. En outre, il ressort du rapport d'examen technique documentaire du 17 mai 2019 que la police aux frontières a émis un avis défavorable quant à l'authenticité de l'extrait du registre des actes de l'état civil guinéen transcrit le 23 juillet 2018 sur la base d'un jugement supplétif du 23 juillet 2018 produit par M. A... devant le préfet pour établir son âge. De même, par procès-verbal du 16 décembre 2019, l'officier de police judiciaire de la brigade mobile de recherche de Montpellier a remis en cause l'authenticité du jugement supplétif n° 128 du 8 novembre 2019 au nom de M. A... et sa transcription dans le registre d'état civil du 18 novembre 2019 sous le n° 910. Le préfet de l'Hérault remet ainsi en cause utilement le caractère probant des documents d'identités produits par M. A.... Si ce dernier soutient qu'il n'a fait l'objet d'aucune procédure pénale et a pu obtenir du consulat de Guinée en France une carte consulaire mentionnant l'identité qu'il revendique, celui-ci constitue un document d'identité mais non d'état civil qui a été établi sur la base du document d'état-civil précité, et doit être regardé comme dénué de caractère probant concernant l'âge de M. A... lorsqu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance.

7. D'autre part, le test osseux pratiqué sur M. A... le 27 février 2019 au centre hospitalier universitaire de Lapeyronie à Montpellier a conclu à un âge osseux compris entre 18 et 19 ans, et l'examen dentaire réalisé à la même date a conclu à un âge dentaire de 21,4 ans. Le préfet ne s'est, en outre, pas fondé uniquement sur le test osseux car il a pris aussi en compte le comportement de l'intéressé qui avait indiqué une date de naissance différente en Italie.

8. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il était mineur à la date de l'arrêté attaqué, ni que le préfet de l'Hérault aurait méconnu le principe de présomption de minorité prévu par l'article 47 du code civil.

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier, que le requérant est entré irrégulièrement en France le 24 juillet 2018 et s'est maintenu sur le territoire sans chercher à régulariser sa situation en déposant une demande d'asile ou de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, par son jugement, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 décembre 2019. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente de chambre,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2021.

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N° 20MA03133

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20MA03133
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-17;20ma03133 ?
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