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17/06/2021 | FRANCE | N°20MA03132

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20MA03132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de six mois.

Par un jugement n° 1905802 en date du 19 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête, enregistrée le 18 août 2020, Mme F..., représentée par Me C..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de six mois.

Par un jugement n° 1905802 en date du 19 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2020, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2019 du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision portant interdiction de retour :

- cette décision est entachée par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient s'en référer à ses observations produites en première instance.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me E... substituant Me C..., pour Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., de nationalité monténégrine, née le 6 octobre 1995, déclare être entrée sur le territoire français le 10 janvier 2014. Elle relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2019 du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de sa reconduite à la frontière et prononçant à son encontre une interdiction de retour de six mois.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision contestée, que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme F... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français. La circonstance que certains éléments relatifs à la situation de la requérante seraient erronés, ou n'auraient pas été expressément mentionnés, ne suffit pas à démontrer une absence d'examen réel. Le moyen d'erreur de droit qu'elle soulève sur ce point doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante déclare être entrée en France pour la première fois le 10 janvier 2014 à l'âge de dix-huit ans. Elle a fait l'objet de décisions de rejet de sa demande d'asile par l'Office de protection des réfugiés et des apatrides le 21 avril 2015 et le 21 décembre 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 12 octobre 2015 et le 23 mai 2017. Par deux arrêtés en date du 22 mai 2015 et 12 juillet 2017, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, sans que ces décisions ne soient exécutées. Interpellée par les services de police le 29 octobre 2019, au volant d'un véhicule, puis placée en garde à vue pour infraction au code de la route, elle n'a présenté aucun document d'identité ou de voyage, et déclare vivre dans un camp de " rom " à Lavérune. Si elle fait état de la présence sur le territoire national de ses deux enfants, elle ne conteste cependant pas le caractère irrégulier de leur séjour ainsi que celui de son compagnon, incarcéré, connu sous deux nationalités différentes, kosovar et italienne, condamné le 23 septembre 2014 à six mois de prison avec sursis pour recel et usage de faux documents administratifs et pour conduite sans permis d'un véhicule et à trois mois d'emprisonnement le 27 avril 2017 à nouveau pour conduite sans permis. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai assortie d'une interdiction de retour d'un an le 19 juillet 2018. Ces circonstances ne permettent pas à Mme F... de prétendre être mariée avec un ressortissant de l'union européenne, ni de se plaindre de ce que la décision en litige séparerait les enfants de leur père, lequel n'a pas vocation à vivre en France. Par ailleurs, si son fils B... né le 12 juillet 2014 est porteur, d'après les documents médicaux produits, notamment un certificat médical du 19 juillet 2017 du centre d'action médico-sociale précoce du CHU de Montpellier, d'un handicap sévère sur le plan moteur, avec un retard du langage, rien n'indique que sa pathologie ne puisse être prise en charge dans le pays d'origine. En outre, Mme F... n'établit pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Hérault, en l'obligeant à quitter le territoire, aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes motifs et au vu des mêmes éléments du dossier, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ". Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

6. Il ne résulte d'aucune circonstance invoquée par l'intéressée qu'en ne régularisant pas sa situation par la délivrance du titre de séjour sollicité, l'autorité administrative aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

7. En vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...). ".

8. A l'appui des moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, contre le refus de lui accorder un délai de départ volontaire, Mme F... invoque les mêmes arguments que ceux articulés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire. Ces moyens doivent donc être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 et 4 ci-dessus.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision portant obligation de quitter le territoire opposée à Mme F... n'est pas entachée des illégalités que celle-ci lui impute. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour.

10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

11. L'interdiction de retour sur le territoire français édictée à l'encontre de Mme F... mentionne, outre les dispositions sur lesquelles son auteur l'a fondée, sa durée de présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et l'existence de précédentes mesures d'éloignement. Cette décision est donc suffisamment motivée.

12. En troisième lieu, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les motifs exposés au point 4 ci-dessus.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a, par son jugement, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 octobre 2019. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me C... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à Me C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2021.

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N° 20MA03132

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20MA03132
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-17;20ma03132 ?
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