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15/06/2021 | FRANCE | N°19MA04128

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9eme chambre - formation a 3, 15 juin 2021, 19MA04128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour de quatre mois.

Par jugement n° 1901981 du 29 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019, M. B..., r

eprésenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2019 du magistra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour de quatre mois.

Par jugement n° 1901981 du 29 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 août 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 mars 2019 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me C... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation dès lors que le préfet après le refus de sa demande d'asile n'a pas examiné s'il pouvait être autorisé à demeurer en France à un autre titre, en méconnaissance de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie personnelle ;

- elle méconnaît aussi l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur le pays de renvoi :

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'interdiction de retour :

- par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision est dépourvue de base légale ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;

- le préfet ne l'a pas invité à indiquer s'il pouvait prétendre à une admission au séjour à un autre titre que l'asile en méconnaissance de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'irrégularité du séjour retenue par le préfet ne peut fonder légalement cette décision au regard des critères énoncés par l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité nigériane, a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé de quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour de quatre mois. Par le jugement dont le requérant relève appel, le premier juge a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il a la faculté d'examiner, le cas échéant d'office, le droit d'un étranger demandeur d'asile, auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée, de demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile, ne peut le faire qu'avec les éléments sur la situation de l'intéressé dont il dispose. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux, qui fait mention des démarches du requérant pour solliciter l'asile et de ses déclarations lors de sa demande d'asile le 12 juillet 2017 selon lesquelles il est célibataire et sans charge de famille, que le préfet a examiné sa situation compte tenu des éléments portés à sa connaissance et notamment des éléments, qu'il appartient à l'étranger de faire valoir, de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a examiné les conséquences de sa décision sur le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation de M. B... et de ce que la décision en litige méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Le requérant déclare être entré en France en mai 2017. S'il soutient être le père de deux enfants nés en France les 13 octobre 2015 et 5 septembre 2017 qu'il a reconnus selon les actes de naissance qu'il produit, il n'établit ni même n'allègue partager une communauté de vie avec sa compagne et entretenir des liens familiaux stables et denses avec ses deux enfants. Le requérant n'établit pas avoir ainsi fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dès lors, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'obligation de quitter le territoire français en litige ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché cette mesure d'éloignement d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Dès lors que le requérant n'établit pas avoir des liens stables et denses avec ses deux enfants, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne le pays de destination :

8. Les moyens tirés de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en ne procédant pas à un examen particulier de sa situation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné aux points 15 et 16 de son jugement, le requérant ne justifiant pas plus en appel qu'en première instance de la réalité des risques qu'il encourrait en cas de retour au Nigeria.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

9. Compte tenu de ce qui a été exposé aux points 3, 5 et 7, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire contestée pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

10. Aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. (...) ". En vertu du IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018, les dispositions de l'article 44 sont entrées en vigueur au 1er mars 2019 et s'appliquent aux demandes postérieures à cette date. Il s'ensuit que l'intéressé, qui a présenté sa demande d'asile le 11 août 2017, ne peut invoquer utilement ces dispositions.

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". En application des 4ème et 8ème alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle l'intéressé dispose d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.

12. Si l'arrêté attaqué indique que M. B... se maintient de manière irrégulière en France depuis le rejet de sa demande d'asile par la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 février 2019, cette mention, alors que le prononcé d'une interdiction de retour ne constitue pas une sanction et qu'elle a vocation à être abrogée si l'intéressé respecte le délai de départ volontaire qui lui a été assigné, présente un caractère superfétatoire. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors que le préfet se réfère explicitement aux quatre critères du III de l'article L. 511-1, que cette mention superfétatoire aurait exercé une influence sur le sens de la décision qu'il a ainsi prise. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en se fondant selon M. B... sur son maintien irrégulier en France pour prendre l'interdiction de retour en litige doit être écarté.

13. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 et en l'absence d'argumentation spécifique à l'encontre de l'interdiction de retour en litige, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me C... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Copie pour information sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme Simon, présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

6

N° 19MA4128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA04128
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-15;19ma04128 ?
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