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11/06/2021 | FRANCE | N°20MA01223

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7eme chambre - formation a 3, 11 juin 2021, 20MA01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 2 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a prononcé la cessation de son état militaire à titre de sanction disciplinaire du troisième groupe, ainsi que l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2017 et, d'autre part, d'ordonner à l'administration d'en tirer toutes les conséquences en reprenant le paiement de son traitement rétroactivement depuis le jour de son interruption.

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n jugement n° 1704483 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulon a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision du 2 octobre 2017 par laquelle la ministre des armées a prononcé la cessation de son état militaire à titre de sanction disciplinaire du troisième groupe, ainsi que l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2017 et, d'autre part, d'ordonner à l'administration d'en tirer toutes les conséquences en reprenant le paiement de son traitement rétroactivement depuis le jour de son interruption.

Par un jugement n° 1704483 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars 2020 et 10 février 2021 sous le n° 20MA01223, M. D... représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 2 octobre 2017 et l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de le rétablir rétroactivement, dans l'ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il aurait été privé par la décision contestée, sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le conseil d'enquête s'est réuni alors même qu'il était en position de non activité et en congé de longue durée pour maladie ;

- il n'était accompagné d'aucun défenseur ;

- la sanction contestée de 3ème groupe est disproportionnée ;

- les faits sont entachés d'une erreur d'appréciation ;

- à supposer que la Cour ne s'estime pas suffisamment informée pour statuer sur la présente requête, elle devra sursoir à statuer dans l'attente du règlement pénal du dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. D....

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... représentant M. D... et de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 12 juin 1994, a été engagé dans la Marine Nationale en 2010 et nommé, le 1er février 2014, au grade de quartier-maître de 2ème classe " matelot fusilier ". Il a été affecté au commando marine de Montfort au sein duquel il a participé à des opérations extérieures au Mali et à Djibouti entre 2013 et 2015. Il a été rapatrié en France le 7 juillet 2015 sur recommandation des médecins militaires en raison d'un état de stress post-traumatique sévère, avant d'être placé en position de congé maladie ordinaire à compter du 9 juillet 2015 puis en congé de longue durée pour maladie, renouvelé du 27 décembre 2015 au 26 décembre 2017. En novembre 2015, une information judiciaire a été ouverte à son encontre par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris des chefs d'accusation de violence aggravée ayant entraîné une ITT de huit jours. M. D... a été placé en détention provisoire puis sous contrôle judiciaire du 3 novembre 2015 au 7 avril 2016 et finalement libéré sous caution. En raison de ces faits et après avoir recueilli l'avis du conseil d'enquête, le vice-amiral d'escadre commandant la zone et l'arrondissement maritimes Méditerranée a, par une décision du 2 octobre 2017, prononcé à l'encontre de M. D..., à titre de sanction disciplinaire du troisième groupe, la résiliation de son contrat d'engagement et l'a rayé des contrôles de l'activité. Il a également prononcé, le 25 octobre 2017, la cessation de l'état de militaire de l'intéressé. M. D... relève appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 2 octobre 2017 et de l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 (...) ". L'article L. 4137-2 de ce code dispose que : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / (...) 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / (...) b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat (...) ". Aux termes de l'article L. 4137-3 du code précité : " Doivent être consultés : / (...) 3° Un conseil d'enquête avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe (...) ". Selon l'article R. 4137-73 du même code : " L'autorité mentionnée au premier alinéa de l'article R. 4137-72 notifie simultanément au comparant l'ordre d'envoi devant le conseil et le nom du rapporteur désigné. Elle l'avise qu'il peut désigner un défenseur de son choix. Elle l'invite à se tenir, ainsi que son défenseur, à la disposition du rapporteur. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'ordre d'envoi devant le conseil d'enquête du 9 mai 2017 mentionne que " le quartier-maître de 2ème classe Loïk Priol indiquera le nom du défenseur qu'il aura, le cas échéant, choisi ". Par ailleurs, la circonstance que le requérant ait été placé en congé de longue durée pour maladie lorsque le conseil d'enquête s'est réuni le 5 septembre 2017 ne faisait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard.

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des pièces du dossier que le 14 octobre 2015, M. D... a été interpellé à son domicile par la police à la suite d'un dépôt de plainte de M. K., ancien dirigeant du Groupement Union Défense (GUD) pour des faits de violences volontaires aggravées commis dans la nuit du 8 au 9 octobre 2015. Une information judiciaire a été ouverte en novembre 2015, par le tribunal de grande instance de Paris des chefs d'accusation de violence aggravée ayant entraîné une ITT de huit jours. M. D... a été placé en détention provisoire et écroué à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis puis placé sous contrôle judiciaire du 3 novembre 2015 au 7 avril 2016. Cette affaire a, par ailleurs, connu un retentissement médiatique notamment par la diffusion des vidéos de l'agression mises en ligne par le journal Médiapart qui, selon le rapport établi pour le conseil d'enquête, montre M. D... filmant la scène, faisant interruption dans l'appartement de la victime aux fins d'une expédition punitive, s'ensuivant lynchage, insultes, humiliations et menaces au moyen d'un couteau. Le requérant a également produit un article paru dans le journal Street Presse du 24 mars 2016 selon lequel " le fondateur de " Batbou solide " se filme pendant qu'il passe à tabac un ex-camarade ". L'appelant ne conteste pas la réalité de ces faits qui sont d'une gravité suffisante pour justifier une sanction disciplinaire quand bien même ils se seraient produits en dehors du service et durant son congé maladie.

6. Les circonstances que M. D... souffre d'une affection post-traumatique en lien avec le service et que, selon l'expertise médicale produite au dossier, la prise d'alcool qu'elle a entraînée aurait altéré son jugement, ne sont pas de nature à faire obstacle à ce qu'il soit regardé comme responsable de ses actes d'autant que l'expert a estimé que le requérant était accessible à une sanction pénale. Si M. D... soutient qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général de droit n'interdisent à l'autorité administrative de se prononcer sur l'instance disciplinaire avant qu'il n'ait été statué par la juridiction répressive. En outre, la ministre des armées fait valoir que l'appelant a fait l'objet de deux sanctions disciplinaires, infligées les 9 janvier 2014 et 5 juin 2015, de 7 tours de consignes pour avoir commis une négligence dans l'observation d'une consigne ou d'une prescription et de 12 jours d'arrêts pour avoir enfreint sciemment un règlement militaire ou une consigne. Par suite, alors même que M. D... bénéficierait de très bons états de service, de deux citations individuelles et de deux médailles d'Outre-mer et de la Défense nationale, eu égard à la gravité de ces faits qui présentent un caractère fautif et de l'atteinte à la réputation de l'institution militaire, laquelle est établie, l'intéressé reconnaissant que les médias qui se sont fait l'écho de cette affaire faisaient référence à un ex-militaire, l'autorité disciplinaire n'a pas pris, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, une sanction disproportionnée en décidant de radier des contrôles l'intéressé. Est sans incidence la circonstance que cette sanction le priverait d'une voie de réforme pour infirmité survenu en service et de tout cadre lui permettant d'évoluer favorablement.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de sursoir à statuer dans l'attente du règlement pénal des faits, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 2017 et de l'ordre de cessation de l'état militaire du 25 octobre 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. D....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2021.

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N° 20MA01223

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20MA01223
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

08-01-01-05 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MDMH - MAUMONT MOUMNI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-11;20ma01223 ?
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