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11/06/2021 | FRANCE | N°19MA02443

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7eme chambre - formation a 3, 11 juin 2021, 19MA02443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Mami a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 1er juin 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 70 400 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile p

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Mami a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 1er juin 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a appliqué la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 70 400 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 8 496 euros ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, les deux titres de perception afférents émis à son encontre le 20 juillet 2017 par la direction régionale des finances publiques ainsi que la saisie à tiers détenteur émis le 22 décembre 2017 et la décision du 27 mars 2018 du directeur général de l'OFII portant rejet de l'opposition à l'exécution de titres de perception et de l'opposition à poursuites.

Par un jugement n° 1804126 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a, par son article 1er, annulé les décisions des 1er juin 2017 et 27 mars 2018 en tant qu'elles appliquent à la SARL Mami la contribution spéciale et la contribution forfaitaire en tant qu'elles concernent l'emploi de M. A..., par son article 2, l'a déchargée de l'obligation de payer la somme totale de 19 724 euros correspondant à ces deux amendes en tant qu'elles concernent cette personne, par son article 3, a annulé les titres de perception du 20 juillet 2017 et la saisie à tiers détenteur du 22 décembre 2017 ainsi que la décision du directeur général de l'OFII du 27 mars 2018 en ce qu'elle rejette la demande d'annulation de ces actes, enfin a rejeté par son article 4 le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 mai 2019 et le 8 novembre 2019, la SARL Mami, représentée par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 1er juin 2017 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision en tant que ces décisions concernent MM. Hamzaoui, Badi et Kolai, d'autre part, à l'annulation des deux titres de perception afférents du 20 juillet 2017 ainsi que la saisie à tiers détenteur du 22 décembre 2017 et la décision du 27 mars 2018 du directeur général de l'OFII portant rejet de l'opposition à l'exécution de titres de perception et de l'opposition à poursuites en tant que ces actes concernent ces mêmes trois personnes ;

2°) d'annuler la décision du 1er juin 2017 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre cette décision en tant que ces décisions concernent MM. Hamzaoui, Badi et Kolai ;

3°) d'annuler les titres de perception du 20 juillet 2017 ainsi que la saisie à tiers détenteur du 22 décembre 2017 et la décision du 27 mars 2018 du directeur général de l'OFII portant rejet de l'opposition à l'exécution de titres de perception et de l'opposition à poursuites en tant que ces actes concernent ces mêmes trois personnes ;

4°) de la décharger de l'obligation de payer la somme totale de 59 172 euros au titre des contributions spéciale et forfaitaire de réacheminement concernant MM. Hamzaoui, Badi et Kolai ;

5°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais liés au litige de première instance et de mettre à sa charge la même somme au titre des frais liés au litige en appel.

Elle soutient que :

- la décision contestée du 1er juin 2017 est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 24 janvier 2018 ;

- la matérialité des faits n'est pas établie ;

- la décision attaquée méconnaît le principe de personnalité des peines ;

- les titres de perception, la saisie à tiers détenteur et la décision de rejet du recours gracieux sont illégaux en raison de l'illégalité de la décision du 1er juin 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Mami la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le recours formé par la SARL Mami, qui est expressément intitulé " requête en annulation " et ne comporte que des moyens et conclusions d'excès de pouvoir, est irrecevable, que les conclusions dirigées contre la décision du 1er juin 2017 sont tardives, et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 septembre 2016, les services de police ont procédé au contrôle d'un restaurant situé 8A rue de la Fare à Marseille, exploité par la SARL Mami. Ils ont constaté la présence en action de travail de quatre ressortissants algériens qui n'ont pas été en mesure de justifier d'une autorisation d'exercer une activité salariée en France. Par décision du 1er juin 2017, le directeur général de l'OFII a appliqué à la société la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 70 400 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 8 496 euros. La direction régionale des finances publiques a émis les titres de perception afférents le 20 juillet 2017 et une saisie à tiers détenteur a été émise le 22 décembre 2017. La SARL Mami a formé par lettre du 20 février 2018 un recours gracieux contre la décision du 1er juin 2017 du directeur général de l'OFII, rejeté par ce dernier par lettre du 27 mars 2018. La société a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 1er juin 2017, les titres de perception et la saisie à tiers détenteur, ainsi que la décision du 27 mars 2018 du directeur de l'OFII portant rejet de l'opposition à l'exécution de titres de perception et de l'opposition à poursuites. Par jugement du 2 avril 2019, le tribunal, par son article 1er, a annulé les décisions des 1er juin 2017 et 27 mars 2018 en tant qu'elles appliquent à la SARL Mami la contribution spéciale et la contribution forfaitaire en tant qu'elles concernent l'emploi de l'un des quatre étrangers, M. A..., par son article 2, déchargé la société de l'obligation de payer la somme de 19 724 euros correspondant à ces deux amendes en tant qu'elles concernent cette personne, par son article 3, a annulé les titres de perception pour incompétence et, par voie de conséquence, la saisie à tiers détenteur ainsi que la décision du directeur général de l'OFII du 27 mars 2018 en ce qu'elle rejette la demande d'annulation de ces actes, enfin a rejeté par son article 4 le surplus de la demande. La SARL Mami relève appel des articles 3 et 4 de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, les titres de perception, la saisie à tiers détenteur et la décision de rejet du recours gracieux du 27 mars 2018 ont été annulés par le tribunal administratif de Marseille par l'article 3 du jugement attaqué. La SARL Mami ne justifie donc pas d'un intérêt lui donnant qualité pour faire appel de cet article du jugement, qui a fait droit à sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision qui applique à un employeur la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, qui constitue une sanction administrative, doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent.

4. La décision contestée comporte l'indication du montant de la somme due à raison de l'emploi de quatre salariés étrangers, la mention des textes applicables ainsi que de l'infraction commise, par référence à la lettre du 25 janvier 2017 par laquelle le directeur général de l'OFII, en application de l'article R. 8253-3 du code du travail, a invité la SARL Mami à faire valoir ses observations sur la sanction envisagée. Cette lettre faisait mention d'un procès-verbal d'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail établi à la suite du contrôle dont la société a fait l'objet le 27 septembre 2016 en raison de l'emploi de quatre travailleurs démunis de titre les autorisant à travailler et indiquait que, en vertu de l'article R. 8253-2 du code du travail, le montant de la contribution spéciale est égal à 5 000 fois le taux horaire minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail en vigueur à la date de constatation de l'infraction, en précisant que cette contribution est due pour chaque étranger employé irrégulièrement. Elle indiquait également que ces quatre travailleurs étaient dépourvus de titre autorisant leur séjour en France et précisait que le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement est fixé conformément aux arrêtés du 5 décembre 2006 en fonction des zones géographiques dont est originaire l'étranger employé en situation de séjour irrégulier. La décision querellée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement sans qu'il y ait eu lieu, pour l'administration, de faire mention de la teneur des témoignages des quatre étrangers concernés recueillis par les services de police lors de leurs auditions consécutives au contrôle opéré le 27 septembre 2016. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision 1er juin 2017 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision méconnaît l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 24 janvier 2018 par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. Il en est de même du moyen tiré de ce que la matérialité des faits n'est pas établie ainsi que de celui tiré de ce que la décision contestée méconnaît le principe de personnalité des peines.

6. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, les titres de perception, la saisie à tiers détenteur et la décision de rejet du recours gracieux du 27 mars 2018 ont été annulés par le tribunal administratif de Marseille par l'article 3 du jugement attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que ces actes seraient illégaux en raison de l'illégalité de la décision du 1er juin 2017 est en tout état de cause inopérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Mami n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Mami demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL Mami une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Mami est rejetée.

Article 2 : La SARL Mami versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mami et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2021.

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N° 19MA02443

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA02443
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : PREVOST et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-11;19ma02443 ?
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