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08/06/2021 | FRANCE | N°19MA04704

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8eme chambre - formation a 3, 08 juin 2021, 19MA04704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Alma a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 février 2018 autorisant le déplacement intra-communal du débit de tabac " Lou Camel " de M. C... E... du local situé au 16, place du 14 juillet à Vias, au 29, rue du général Leclerc.

Par un jugement n° 1801906 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de la SNC Alma.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 octobre 20

19 et le 12 avril 2021, la SNC Alma, représentée par Me D... B..., demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Alma a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 février 2018 autorisant le déplacement intra-communal du débit de tabac " Lou Camel " de M. C... E... du local situé au 16, place du 14 juillet à Vias, au 29, rue du général Leclerc.

Par un jugement n° 1801906 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de la SNC Alma.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 octobre 2019 et le 12 avril 2021, la SNC Alma, représentée par Me D... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2018 autorisant le déplacement du débit de tabac " Lou Camel " ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vias la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir à la présente instance en raison de la clause particulière de l'acte de cession de son fonds de commerce qui l'oblige à poursuivre en appel l'action en justice engagée contre le déplacement du débit de tabac ;

- l'avis de la chambre syndicale n'a pas été rendu après l'engagement d'une enquête de terrain ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors que le débit de tabac n'est pas déplacé dans le coeur de la zone piétonne ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le déplacement litigieux déséquilibre le réseau local existant de vente au détail des tabacs.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 5 mars 2020 et le 31 mars 2021, la commune de Vias, représentée par Me G...-A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SNC Alma une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable et à titre subsidiaire, que les moyens de la SNC Alma ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 30 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable, et à titre subsidiaire, que les moyens de la SNC Alma ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, M. E..., exploitant du débit de tabac " Lou Camel ", représenté par Me F..., demande à la Cour :

- de rejeter la requête,

- de condamner la SNC Alma à lui verser la somme de 1 500 euros de frais de justice.

Il fait valoir qu'il n'y a pas lieu de statuer, et à titre subsidiaire, que les moyens de la SNC Alma ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 15 avril 2021 fixe la clôture de l'instruction au 7 mai 2021 à 12 heures.

Un mémoire enregistré le 6 mai 2021 pour la commune de Vias n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury, rapporteur,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me D... B..., représentant la commune de Vias.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 février 2018, le maire de Vias a autorisé M. E... à déplacer le débit de tabac qu'il exploite sous l'enseigne " Lou Camel " dans la commune du 16 place du 14 juillet au 29 rue du général Leclerc, à proximité du débit de tabac " Tabac Le Vias " géré par la SNC Alma, 23, boulevard de la Liberté, qui relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 568 du code général des impôts : " Le monopole de vente au détail est confié à l'administration qui l'exerce, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, par l'intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés et tenus à droit de licence (...) ". Aux termes de l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 susvisée : " Le déplacement, dans la même commune, d'un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac. ". Aux termes de l'article 9 du décret du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés : " L'implantation d'un débit de tabac ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs. " et que l'article 13 du même décret dispose que : " Un débit de tabac ordinaire permanent peut être déplacé à l'intérieur d'une même commune dans les conditions prévues à l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 susvisée. (...)".

3. Premièrement, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose un déplacement sur place de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac à l'occasion de l'émission d'un avis sur une demande d'autorisation de transfert d'un débit de tabac. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'avis donné par le président de la confédération des buralistes après avoir recueilli l'appréciation de la présidente de la confédération de la chambre syndicale des buralistes de l'Hérault, est documenté sur le dossier de transfert contesté. Ainsi, comme l'ont dit les premiers juges, l'absence d'une visite sur place de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac, est sans incidence sur la régularité de la procédure.

4. Deuxièmement, et d'une part, il ressort des pièces du dossier que la distance antérieure au déplacement qui séparait les deux locaux était de 220 mètres, et que le commerce exploité par M. E..., se situe après transfert à environ 110 mètres du commerce exploité par la SNC Alma. D'autre part, si le débit de tabac " Lou Camel " est déplacé de la zone piétonne vers un local situé en-dehors de celle-ci, il est constant que le nouvel emplacement se situe à moins de 100 mètres de la zone piétonne, et demeure implanté au coeur du centre-ville qui est délimité par des boulevards circulaires. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'erreur de fait que contiendrait l'avis du président de la confédération des buralistes citant l'appréciation de la présidente de la confédération de la chambre syndicale des buralistes de l'Hérault selon laquelle le nouveau local litigieux reste dans la zone piétonne, visé dans l'arrêté attaqué, est sans influence sur la légalité de l'acte attaqué.

5. Enfin, il résulte des plans figurant au dossier que le déplacement contesté s'effectue dans la même zone de chalandise. Par suite, il ne modifie pas le maillage des buralistes en centre-ville, même si comme le fait valoir la requérante, la distance entre les deux commerces est diminuée de moitié. Ainsi, alors que la commune de Vias compte une population résidente d'environ 6 500 habitants qui atteint 60 000 personnes en période estivale, et est dotée de deux débits de tabac en centre-ville et d'un troisième débit de tabac ouvert exclusivement en période estivale situé à environ 2,3 kilomètres de celui de la requérante, qui donne sur un boulevard entourant le centre historique, la décision attaquée, qui a pour seul effet de rapprocher les commerces de M. E... et de la SNC Alma, ne modifie pas leur zone d'attraction commerciale de manière à risquer de mettre en péril l'exploitation de la requérante, et ainsi déséquilibrer le réseau local existant de vente de tabac au détail, au regard des conditions d'ouverture des deux bureaux de tabac, de leurs activités respectives et de la configuration des lieux.

6. Troisièmement, la seule circonstance que l'exploitant de l'enseigne " Lou Camel " envisage également une activité de presse ne permet pas d'établir que, du fait du rapprochement des deux débits de tabac, la modification de leur zone de chalandise risquerait de mettre en péril l'exploitation de la SNC Alma.

7. Quatrièmement, les éléments produits par la SNC Alma, notamment une évaluation réalisée par un cabinet d'expertise en fonds de commerce, ne permettent pas d'établir que, du fait du rapprochement des deux débits de tabac, la valeur de son fonds de commerce serait dépréciée dès lors que, d'une part, sa rentabilité s'accroit en 2018 par rapport à l'année antérieure, d'autre part, que l'étude précitée se fonde sur une projection de risque de perte de chiffre d'affaires sans plus de précisions ni d'éléments, et enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante réalise une partie importante de ses ventes grâce à un réseau de 55 revendeurs de tabac situés dans la commune, alors que le " Tabac Le Vias ", enseigne de la SNC requérante, ne compte que 6 tolérances de revente de tabac, tous situés dans le coeur historique du village. Au surplus, le ministre de l'économie, des finances et de la relance soutient sans être contesté que les données chiffrées issues de l'application GIMT (gestion informatisée du monopôle des tabacs) gérée par les services des douanes et droits indirects et relatives aux chiffres d'affaires " tabac " des débitants de tabac, font ressortir que le " taux de remise nette " qui correspond à la rémunération d'un débitant de tabac, s'agissant de la vente au détail de tabac de la requérante, n'a pas été déprécié par l'autorisation de déplacement intercommunal, puisqu'au contraire, le débit de tabac " Tabac le Vias " présente une hausse de 20,10% de son chiffre d'affaires " tabac " entre les années 2019 et 2020.

8. Enfin, la circonstance que le maire a également motivé sa décision par référence aux motifs invoqués par M. E... pour demander le transfert de son établissement à l'enseigne " Lou Camel ", est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'autorité administrative aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur le motif tiré de l'absence de déséquilibre du réseau local de vente de tabac.

9. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que la SNC Alma ne démontre pas que l'autorisation contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ni que le déplacement du débit de tabac " Lou Camel " autorisé par la décision du 16 février 2018 qui n'a pas pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente de tabac au détail à Vias méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 28 juin 2010. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir du ministre de l'économie, des finances et de la relance, que la SNC Alma n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il résulte de l'article 1er du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 que les décisions d'autorisation d'implantation, de transfert et de déplacement d'un débit de tabac sont prises au nom de l'Etat. Il ne ressort ni des termes de l'article 70 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, ni des travaux parlementaires qui ont précédé son adoption, qu'en confiant la compétence au maire pour statuer sur les demandes de déplacement d'un débit de tabac ordinaire permanent à l'intérieur d'une même commune, le législateur ait entendu que de telles décisions soient désormais prises au nom de la commune. Il suit de là que la commune de Vias, qui a été mise en cause par le greffe pour observations, n'a pas la qualité de partie. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que la SNC Alma, qui au surplus perd à la présente instance, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et à ce que la commune puisse se voir allouer une somme à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la SNC Alma la somme de 1 500 euros demandée par M. E..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Alma est rejetée.

Article 2 : La SNC Alma versera la somme de 1 500 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Alma, au ministre des finances, de l'économie et de la relance, à la commune de Vias et à M. E....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.

N° 19MA04704 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA04704
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

14-02-02-07 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Modalités de la réglementation. Modalités de la réglementation des monopoles.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL PHUNG 3P

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-08;19ma04704 ?
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