Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 254 113,40 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'arrêté pris par le préfet du Var le 11 septembre 2015, prononçant la fermeture pour trois mois de la discothèque " Le Colisée ".
Par un jugement n°1704328 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juillet 2019 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 254 113,40 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'illégalité de l'arrêté a été constatée par le tribunal administratif qui l'a annulé ; elle engage la responsabilité de l'Etat ;
- l'arrêté ne pouvait légalement être fondé sur l'article L. 3332-15 du code de la santé publique dès lors qu'aucun fait criminel ou délictuel ne pouvait être reproché à la société exploitant l'établissement, à son personnel ou à son dirigeant ;
- la rixe meurtrière qui a eu lieu était sans relation avec les conditions d'exploitation ou de fréquentation de la discothèque ; l'arrêté était à cet égard entaché d'erreurs de fait quant à l'importance de la fréquentation prévisible le soir de l'incident, à l'insuffisance du service d'ordre, à l'adéquation de la réaction dudit service face aux troubles constatés, à la circonstance que les individus exclus de la discothèque seraient les mêmes que ceux concernés par cette rixe, plus généralement au lien entre celle-ci et l'établissement, enfin à la prise de mesures adéquates à la suite de précédents incidents ;
- la fermeture imposée a conduit à la liquidation judiciaire de la SAS " Le Colisée " qui ne peut dès lors se rétablir ;
- elle l'a par conséquent privé de sa rémunération et de la possibilité d'obtenir le remboursement de son apport en capital dans la société ainsi que des sommes placées en compte courant d'associé ;
- il a également subi un préjudice moral, caractérisé par une grande déception professionnelle, une fragilisation psychologique, l'angoisse née des dettes personnelles qu'il doit honorer, et les réactions sociales auxquelles il a dû faire face.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 254 113,40 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'arrêté pris par le préfet du Var le 11 septembre 2015, prononçant la fermeture pour trois mois de la discothèque " Le Colisée ", exploitée par la SAS Le Colisée dont il était président et actionnaire.
2. Ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'un vice de procédure, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, dans le cadre d'une procédure régulière. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice de procédure qui entachait la décision administrative illégale.
3. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique dans sa version applicable : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département (...). / (...) / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / (...) ". Ces dispositions confèrent au représentant de l'Etat dans le département le pouvoir d'ordonner, au titre de ses pouvoirs de police, les mesures de fermeture d'un établissement qu'appelle la prévention de la continuation ou du retour de désordres liés à sa fréquentation ou à ses conditions d'exploitation. L'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier la fermeture d'un établissement doit être appréciée objectivement. La condition, posée par ces dispositions, tenant à ce qu'une telle atteinte soit en relation avec la fréquentation de cet établissement peut être regardée comme remplie, indépendamment du comportement des responsables de cet établissement.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, le samedi 29 août 2015 vers 4 heures du matin, des altercations sont survenues au sein de la discothèque " Le Colisée " où était organisé un concert du rappeur Booba. Après que le service de sécurité a fait sortir certains individus alcoolisés et qu'un calme apparent a semblé être revenu, les violences ont repris et une rixe impliquant de très nombreuses personnes s'est déroulée sur un parking qui, contrairement à ce que soutient le requérant, était bien confié à la SAS Le Colisée. Une dizaine de blessés a été dénombrée et une personne est décédée avant que les services de police, alertés tardivement par le personnel de la discothèque, n'interviennent. Alors même que ni ce personnel ni M. C... n'aurait commis aucun délit ou crime, il ne saurait être sérieusement contesté, à la lecture notamment de la transcription des appels adressés aux services de police, que les clients exclus de la discothèque sont mêlés à ces graves évènements, lesquels sont ainsi en relation avec la fréquentation de l'établissement au sens des dispositions citées ci-dessus. En outre, alors que la discothèque " Le Colisée " n'était ouverte que depuis la fin du mois de mai 2015, ces incidents ont fait suite à de précédents actes de violence survenus le 5 juillet 2015, ayant donné lieu à avertissement de l'exploitant comme étant également en relation avec la fréquentation de l'établissement, et à l'issue desquels une victime avait notamment été laissée inconsciente sur le parterre gazonné devant la discothèque, sans que les portiers ne lui portent assistance. Dans ces circonstances, en admettant même qu'ainsi que le soutient le requérant, la fréquentation de l'établissement n'aurait pas été importante la nuit du 28 au 29 août 2015, le service de sécurité aurait été adapté à l'évènement qui y était organisé, et des mesures auraient été prises à la suite des évènements du 5 juillet 2015, les actes en cause étaient de nature à justifier légalement une mesure de fermeture administrative, qui pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation, être fixée à trois mois.
5. Si le tribunal administratif de Toulon a, par un jugement du 24 novembre 2016, annulé l'arrêté préfectoral en cause au motif que M. C..., en sa qualité de président de la SAS Le Colisée, n'avait pas été mis à même de présenter ses observations orales avant son intervention le 11 septembre 2015, il résulte de l'instruction que le préfet du Var aurait pris la même mesure s'il avait entendu l'intéressé dans ses observations dès lors que ce dernier ne s'est, depuis lors, pas prévalu d'autres circonstances déterminantes que celles dont il avait déjà fait état dans son courrier du 9 septembre 2015.
6. Dès lors, les préjudices dont M. C... se prévaut en lien avec la fermeture administrative prononcée ne peuvent être regardés comme la conséquence directe d'une illégalité de l'arrêté préfectoral du 11 septembre 2015. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2021.
N°19MA04206 2