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03/06/2021 | FRANCE | N°20MA04344

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 juin 2021, 20MA04344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions des 16 mai et 6 juin 2018 par lesquelles le directeur du centre hospitalier d'Uzès l'a, respectivement, reconnu apte à la reprise de ses fonctions depuis le 11 janvier 2018 et l'a radié des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1802478 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 mai 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre2020, M. D..., représenté par Me A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les décisions des 16 mai et 6 juin 2018 par lesquelles le directeur du centre hospitalier d'Uzès l'a, respectivement, reconnu apte à la reprise de ses fonctions depuis le 11 janvier 2018 et l'a radié des cadres pour abandon de poste.

Par un jugement n° 1802478 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 mai 2018 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 9 juillet 2020 en ce qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2018 prononçant sa radiation des cadres ;

2°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de cet établissement de santé la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la mise en demeure de reprendre ses fonctions qui lui a été adressée par courrier du 15 mai 2018, alors qu'il se trouvait en congé maladie, est irrégulière et vicie la procédure de radiation pour abandon de poste ;

- la décision de radiation contestée est entachée d'erreur de droit dès lors que le directeur du centre hospitalier s'est cru lié par l'avis du comité médical du 3 mai 2018 ;

- il n'avait pas à reprendre ses fonctions dès lors que, compte tenu de son inaptitude, il devait être regardé comme régulièrement placé en congé de maladie à la date de la mise en demeure du 15 mai 2018.

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2020, le centre hospitalier d'Uzès, représenté par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a annulé la décision du 16 mai 2018 reconnaissant M. D... apte à la reprise de ses fonctions à compter du 11 janvier 2018 ;

3°) à ce que soit mis à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'état de santé de M. D... ne justifiait ni son placement en congé de longue maladie, ni le prolongement de son congé de maladie ordinaire ;

- les moyens soulevés par M. D... à l'encontre de la décision du 6 juin 2018 ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier d'Uzès.

Une note en délibéré, présentée pour le centre hospitalier d'Uzès, a été enregistrée le 20 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent des services hospitaliers affecté au centre hospitalier d'Uzès, placé en congé de maladie à compter du 11 janvier 2017, a été déclaré apte à la reprise de ses fonctions à compter du 10 janvier 2018 par une décision du 16 mai 2018 du directeur de ce centre hospitalier, prise au vu d'un avis du 3 mai 2018 du comité médical départemental. Après l'avoir vainement mis en demeure de reprendre son service le 22 mai 2018, le directeur du centre hospitalier a, par décision du 6 juin 2018, prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste. M. D... relève appel du jugement du 9 juillet 2020 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant radiation des cadres. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier d'Uzès demande à la cour d'annuler ce même jugement en tant qu'il a annulé la décision du 16 mai 2018 déclarant M. D... apte à la reprise de ses fonctions à compter du 11 janvier 2018.

Sur l'appel incident du centre hospitalier d'Uzès :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée ". Aux termes de l'article 62 de la même loi : " La disponibilité est prononcée soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° (...) de l'article 41 ". Aux termes de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 : " Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. / Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales (...) ". Enfin, aux termes de l'article 18 du même décret : " Pour l'application de l'article 41 (3°) de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, le ministre chargé de la santé établit par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux critères définis par ces dispositions législatives, peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie après avis du comité médical ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si le docteur Cabanel, consulté à l'issue de la période de douze mois pendant laquelle M. D... avait bénéficié d'un congé de maladie, en application du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, a estimé, dans un rapport du 5 janvier 2018, que le syndrome anxio-dépressif dont souffrait l'intéressé ne présentait pas le caractère d'une affection de longue durée et qu'il ne pouvait ainsi prétendre à l'octroi d'un congé de longue maladie, il ne s'est pas pour autant prononcé sur l'aptitude de l'intéressé à reprendre ses fonctions à compter du 1er février 2018, date jusqu'à laquelle il préconisait la prolongation du congé de maladie. Le docteur Delfieu consulté, en qualité d'expert psychiatre, sur l'aptitude de M. D... à reprendre ses fonctions à compter du 11 janvier 2018, a conclu, pour sa part, de manière tranchée, dans un rapport du 4 avril 2018, qu'il n'était " pas apte actuellement à reprendre ses activités professionnelles " et ne pouvant que " préjuger une inaptitude temporaire " a proposé qu'il soit placé en disponibilité d'office pour une durée de six mois, à compter du 11 janvier 2018, soit jusqu'au 10 juillet 2018. Dans ces conditions et en l'absence de tout élément médical de nature à remettre en cause ces conclusions, et alors même que le comité médical a, pour sa part, estimé, aux termes de son avis du 3 mai 2018, que l'intéressé était apte à la reprise de ses fonctions depuis le 11 janvier 2018, le centre hospitalier d'Uzès, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du 16 mai 2018 du directeur du centre hospitalier reconnaissant l'aptitude de M. D....

Sur l'appel principal de M. D... :

4. Une radiation des cadres pour abandon de poste ne peut légalement intervenir que si l'agent concerné, qui a cessé sans justification d'exercer ses fonctions, n'a pas obtempéré à une mise en demeure de reprendre son travail.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D... ne peut être regardé, en dépit de l'avis émis par le comité médical départemental le 3 mai 2018, comme ayant été apte à la reprise de ses fonctions, à la date à laquelle il a été mis en demeure de le faire, sous peine de faire l'objet d'une radiation des cadres pour abandon de poste, soit le 22 mai 2018. Par suite, M. D... qui, à cette date, justifiait ainsi de son impossibilité à exercer ses fonctions, est fondé à soutenir que le directeur du centre hospitalier ne pouvait légalement, par décision du 6 juin 2018, prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste, à compter de la notification de cette décision et au plus tard le 1er juillet 2018.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 juin 2018.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard à ses motifs, la présente décision implique nécessairement que le directeur du centre hospitalier d'Uzès réintègre juridiquement M. D... dans son corps à compter de la date de sa radiation des cadres et reconstitue sa carrière depuis cette date. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'intéressé devant être regardé comme ayant été, à cette date, inapte à reprendre ses fonctions et ayant épuisé ses droits à congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie, il ne peut qu'être placé en disponibilité d'office à compter de cette date, conformément aux dispositions précitées de l'article 17 du décret susvisé du 19 avril 1988. Il appartiendra, en outre, au directeur du centre hospitalier d'Uzès, à l'issue de la période de trois ans de mise en disponibilité prévue par l'article 36 du même décret, de consulter la commission de réforme sur l'inaptitude de l'intéressé à reprendre ses fonctions. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer l'astreinte demandée par le requérant.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Uzès au profit de Me A..., conseil de M. D..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros au titre des frais que celui-ci aurait exposés s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce même titre par le centre hospitalier d'Uzès.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du directeur du centre hospitalier d'Uzès du 6 juin 2018 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier d'Uzès de réintégrer juridiquement M. D... dans son corps et de reconstituer sa carrière depuis la date de sa radiation des cadres, dans les conditions prévues au point 7 du présent arrêt et dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 1802478 du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier d'Uzès versera une somme de 1 500 euros à Me A..., conseil de M. D..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions d'appel incident du centre hospitalier d'Uzès sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au centre hospitalier d'Uzès.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021 où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- M. B..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

3

N° 20MA04344


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04344
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-03;20ma04344 ?
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