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03/06/2021 | FRANCE | N°19MA05021

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 03 juin 2021, 19MA05021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) MPC a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 31 août 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701607 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, la SARL MPC, rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) MPC a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2010 au 31 août 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1701607 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, la SARL MPC, représentée par la Selarl Legigaronne, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la somme de 15 680,57 euros créditée sur le compte courant d'associé de son gérant correspond à une dépense effectuée par ce dernier pour le compte de la société ;

- elle était fondée à déduire en charges les indemnités kilométriques versées à son gérant ;

- elle justifie du montant des frais de déplacement exposés par son gérant ;

- la provision pour créance douteuse détenue sur la société Lomar International était justifiée dans son principe et son montant ;

- dès lors qu'elle produit les déclarations n° 349 relatives aux opérations intracommunautaires, mentionnant la date de leur présentation avec le numéro d'enregistrement, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée doit être prononcée ;

- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe 40 de la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-20-30.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL MPC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL MPC, qui a pour activité la vente de matériel nautique et plus particulièrement de bateaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013 en matière d'impôt sur les sociétés, étendue au 31 août 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue des opérations de contrôle, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée, procédant notamment de la remise en cause du droit à déduction de la taxe ayant grevé des acquisitions intracommunautaires. La SARL MPC relève appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges de l'entreprise doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyés de justificatifs.

3. En premier lieu, la SARL MPC a déduit des résultats de l'exercice clos en 2013 la somme de 15 680,57 euros créditée sur le compte courant d'associé de son gérant, M. B.... La société requérante fait valoir que cette somme correspond à des dépenses exposées personnellement par son dirigeant au profit de la société Espadon, en tant qu'avances de frais, avec laquelle elle entretient une relation d'affaires. Toutefois, la production d'un courriel du 22 mars 2011, émanant de la société Espadon précisant la somme que doit la SARL MPC après déduction des diverses avances effectuées, n'établit ni qu'un accord de partenariat est intervenu entre les deux sociétés pour une avance de frais ni que M. B... a personnellement supporté ces dépenses. En outre, la production d'une liste récapitulative de frais, notamment d'hôtel et de restaurant, exposés en Tunisie ne permet pas de justifier, en l'absence d'autres éléments, notamment des factures, leur paiement par M. B... et que ces dépenses ont été engagées au bénéfice de la société Espadon. L'administration était, dès lors, fondée à réintégrer cette somme dans les résultats imposables de la société.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la SARL MPC a déduit des résultats des exercices clos en 2012 et 2013, d'une part, des indemnités kilométriques au profit de son gérant, M. B..., pour des sommes de 19 428 euros et 17 118 euros correspondant, respectivement, à des distances parcourues de 35 244 km et 40 000 km, d'autre part, des dépenses d'entretien d'un véhicule de marque Maserati pour des montants de 918,18 euros et 1 669,23 euros. A l'issue de la vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause le droit à déduction de ces sommes au motif que le véhicule utilisé, bien qu'ayant fait l'objet d'un acte de cession au profit de son dirigeant, restait en réalité détenu par la société, la " carte grise " et les contrats d'assurance du véhicule étant toujours au nom de la société, et était entretenu par la société. Les pièces produites qui consistent en des tableaux récapitulatifs des déplacements effectués, avec mention des dates, des destinations et des distances parcourues, pour les mois d'octobre à décembre 2011, février à décembre 2012 et janvier à septembre 2013, et un tableau récapitulatif des notes de frais du dirigeant pour les exercices 2012 et 2013, réalisés par la société requérante, un ticket d'autoroute illisible, un ticket de stationnement à la Ciotat daté du 17 mars 2012, une note de restaurant, une facture de frais de fourrière, à Barcelone, datée du 12 février 2013 et une note d'hôtel à la Rochelle pour la période du 25 au 27 septembre 2013 ne suffisent pas à établir la réalité du kilométrage effectué à caractère professionnel à défaut d'être corroborées par d'autres documents tels qu'une copie de l'agenda des rendez-vous du dirigeant. En outre, il résulte des deux factures d'entretien du véhicule datées des 14 octobre 2011 et 6 décembre 2012 que le kilométrage parcouru au titre de l'exercice 2012 est nettement inférieur à celui revendiqué par la société, sans que cette dernière ne fournisse d'explication sur cette discordance. Au demeurant, au cours des opérations de contrôle, le gérant a fourni une facture d'entretien du 16 octobre 2013 mentionnant " entretien des 80 000 km " émanant d'une société qui était placée en liquidation judiciaire depuis le 24 octobre 2012. Si la SARL MPC demande, à titre subsidiaire, que soient retenus les kilométrages mentionnés sur les deux factures des 14 octobre 2011 et 6 décembre 2012, il n'est toutefois pas démontré ni même allégué que le gérant n'utilisait son véhicule personnel qu'à des fins professionnelles. Par ailleurs, la société a comptabilisé des dépenses d'entretien du véhicule et de carburant sans démontrer que ces charges n'incluaient pas les frais de déplacement de son gérant. Par suite, et alors même que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires a estimé dans son avis émis le 3 février 2016, qui n'a qu'une valeur consultative, que les remboursements de frais devaient être retenus sur la base de 21 500 km, c'est à bon droit que l'administration, à laquelle ne saurait être utilement reprochée la méconnaissance d'un principe de réalisme économique, a refusé d'admettre que les sommes en litige soient déduites au titre des frais généraux de la société.

5. En troisième et dernier lieu, la SARL MPC reprend en appel le moyen tiré de ce que la provision pour créances douteuses qu'elle a comptabilisée pour un montant de 37 525,20 euros au titre de l'exercice clos en 2010 était justifiée sans l'assortir d'éléments nouveaux de fait ou de droit de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué, dès lors qu'en particulier, la circonstance qu'une partie de la créance a été réglée, le 1er octobre 2015, ne permet pas de tenir pour établi qu'il existait à la date de constitution de la provision un risque avéré de perte des créances qu'elle détenait sur son client, tenant notamment à ce que, ayant fait toutes diligences pour recouvrer la somme due, celles-ci avaient échoué. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 7 de son jugement.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

6. Aux termes de l'article 258 C du code général des impôts : " I. Le lieu d'une acquisition intracommunautaire de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque les biens se trouvent en France au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur. / II. Le lieu de l'acquisition est réputé se situer en France si l'acquéreur a donné au vendeur son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France et s'il n'établit pas que l'acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens. / Toutefois, si l'acquisition est ultérieurement soumise à la taxe dans l'Etat membre où est arrivé le bien expédié ou transporté, la base d'imposition en France est diminuée du montant de celle qui a été retenue dans cet Etat. ". Selon le II de l'article 258 D de ce code : " Pour l'application du II de l'article 258 C, sont considérées comme soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre de destination des biens, les acquisitions qui y sont réalisées dans les conditions de l'article 141 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, et sous réserve que l'acquéreur : / 1° se soit assuré qu'a été délivrée la facture mentionnée à l'article 289 au destinataire de la livraison consécutive dans l'Etat membre où les biens ont été expédiés ou transportés et comportant : / a. Son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France ; / b. Le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du destinataire de la livraison consécutive dans l'Etat membre où les biens ont été expédiés ou transportés ; c. La mention : " Application de l'article 141 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006 ". (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que la SARL MPC a procédé, au cours des exercices clos en 2012 et 2013, à l'acquisition auprès d'un fournisseur polonais de plusieurs bateaux revendus à des clients situés en Espagne auxquels ils ont été livrés directement sans transiter par la France. L'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces opérations au motif que les factures transmises ne comportaient pas le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du destinataire de la livraison ni, pour deux d'entre elles, la référence à l'article 141 de la directive 2006/112/CE du Conseil. Les formalités prévues par le II de l'article 258 D du code général des impôts sont substantielles, dans la mesure où leur respect conditionne la possibilité d'imposer le redevable de la taxe dans le pays de destination des biens. Si la SARL MPC soutient qu'elle est en droit de bénéficier de la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que les opérations en litige ont été ultérieurement soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en Espagne, elle produit à l'instance les déclarations modèle n° 349 des sociétés Pacific Craft Iberia, Nautika Kantaury et Nautica Casa relatives aux acquisitions intracommunautaires correspondantes. Toutefois, ces déclarations ne comportent aucune mention ni aucun visa des autorités espagnoles permettant d'établir que ces déclarations ont effectivement été déposées et que ces sociétés se sont acquittées des montants de taxe sur la valeur ajoutée relative aux achats effectués auprès de la SARL MPC. Dès lors, la société requérante, qui n'établit pas que les acquisitions intracommunautaires en litige ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en Espagne, n'est pas fondée à contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés.

8. La SARL MPC n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 40 de la doctrine référencée BOI-TVA-CHAMP-20-30 du 12 septembre 2012 qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL MPC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL MPC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée MPC et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A... et Mme C..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

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N° 19MA05021

mtr


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