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03/06/2021 | FRANCE | N°19MA03295

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 03 juin 2021, 19MA03295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de son obligation de payer, d'une part, la somme de 616 270,28 euros qui procède d'un avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 émis en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2000 à 2003, de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2008, et des pénalités y afférentes, ainsi que, d'autre part, la somme de 2 442,69 euros qui procède d'un avis à tiers déten

teur du 29 juin 2017 émis en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impô...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de son obligation de payer, d'une part, la somme de 616 270,28 euros qui procède d'un avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 émis en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2000 à 2003, de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2008, et des pénalités y afférentes, ainsi que, d'autre part, la somme de 2 442,69 euros qui procède d'un avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 émis en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1706414 du 21 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme totale de 616 270,28 euros correspondant aux impositions et majorations précitées procédant du premier avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 et, d'autre part, la somme totale de 1 268,69 euros correspondant aux impositions et majorations précitées procédant du second avis à tiers détenteur du 29 juin 2017, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 9 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 21 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de M. B... l'obligation de payer la somme de 618 712,97 euros procédant des avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 précités.

Il soutient que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'action en recouvrement n'était pas prescrite en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, eu égard en particulier à la notification régulière d'avis à tiers détenteur du 19 mars 2015.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin et 21 juillet 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la production pour la première fois en appel de pièces porte manifestement atteinte au principe d'égalité des armes inhérent à la notion de procès équitable, selon lequel chaque partie doit se voir offrir les mêmes possibilités dans des conditions qui ne la désavantagent pas par rapport à son adversaire, sauf à violer le droit au procès équitable, garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les principes d'égalité et de proportionnalité garantis par l'article 14 de la convention précitée et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention ;

- l'administration fiscale ne justifie pas de la notification régulière à son endroit des avis à tiers détenteur du 19 mars 2015, alors surtout qu'à cette date, il était incarcéré.

Par une ordonnance n° 19MA03297 du 19 décembre 2019, la Cour a suspendu l'exécution du jugement n° 1706414 du 21 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le ministre de l'action et des comptes publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène E..., présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le comptable public du service des impôts des particuliers du 1er arrondissement de Marseille a émis le 29 juin 2017 deux avis à tiers détenteur envers le service des ventes mobilières à Saint-Maurice pour recouvrer certaines créances fiscales qu'il détient sur M. C... B.... Le premier avis à tiers détenteur, d'un montant de 616 270,28 euros, a été émis en vue d'obtenir le recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2000 à 2003 et 2008, de contributions sociales au titre des années 2002 et 2003 - et non au titre des années 2000 à 2003 comme mentionné par erreur dans cet avis - et de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Le second avis à tiers détenteur, d'un montant de 2 442,69 euros, a été émis en vue d'obtenir le recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2013, ainsi que des pénalités y afférentes. Par un jugement du 21 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme totale de 616 270,28 euros correspondant aux impositions et majorations précitées procédant du premier avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 et, d'autre part, la somme totale de 1 268,69 euros correspondant aux impositions et majorations précitées procédant du second avis à tiers détenteur daté du même jour, et a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de M. B....

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il résulte des termes mêmes de sa requête, qui était d'ailleurs appuyée de la décision de rejet de son opposition à poursuites prise le 28 août 2017 par le comptable public, que M. B... devait être regardé, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, comme demandant au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant des deux avis à tiers détenteur émis le 29 juin 2017 par le comptable public du service des impôts des particuliers du 1er arrondissement de Marseille. Par suite, contrairement à ce qu'a fait valoir en défense l'administration fiscale, le requérant a bien précisé l'objet de sa demande présentée devant le tribunal administratif, qui était par suite recevable.

Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif :

3. En application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ". L'article L. 277 du même livre dispose en outre que : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. / (...) ".

4. Un avis à tiers détenteur ne peut interrompre la prescription de l'action en recouvrement qu'à la condition d'avoir été régulièrement notifié tant au tiers détenteur qu'au redevable concerné. Ces notifications au contribuable doivent intervenir aux adresses que celui-ci a successivement déclarées à l'administration fiscale, réserve faite du cas où ces changements d'adresses successifs présentent le caractère d'une manoeuvre visant à faire obstacle à leur notification. En outre, l'incarcération d'un contribuable n'a pas pour effet de le domicilier fiscalement à son lieu de détention et l'administration doit être regardée comme notifiant valablement l'acte à la dernière adresse portée à sa connaissance par le contribuable, auquel il appartient d'informer l'administration de tout changement et/ou de prendre ses dispositions pour faire suivre son courrier.

S'agissant du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2000 à 2003, des contributions sociales au titre des années 2002 et 2003 ainsi que des pénalités correspondantes :

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2006. Contestées par M. B... le 10 janvier 2007, elles ont fait l'objet d'une instance devant le tribunal administratif de Marseille. Il n'est pas contesté que la réclamation contentieuse formée par M. B... préalablement à son recours d'assiette précité était assortie d'une demande de sursis de paiement, dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait été rejetée ou laissée sans réponse par le comptable public. Par conséquent, le délai de prescription a été suspendu, en application des dispositions précitées de l'article L. 277 du livre de procédures fiscales, jusqu'à la notification du jugement du tribunal du 22 juin 2010, qui a prononcé la décharge de ces impositions. Saisie par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 27 juillet 2012, devenu définitif, a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 128 835 euros et rétabli le surplus des impositions en litige. Le délai de prescription a ainsi recommencé à courir à la date de notification de cet arrêt, qui constitue au demeurant un titre exécutoire habilitant le comptable public a procédé au recouvrement des sommes remises à la charge de M. B....

6. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à la notification de l'arrêt de la Cour précité, les mises en demeure de payer datées des 16 octobre 2012 et 14 novembre 2012, notifiées par l'administration fiscale, pour la première à M. B... au 65 Vallon de la Rougière à Septèmes-les-Vallons, et pour la seconde, au 13 rue des Augustins à Marseille, n'ont, en tout état de cause, pu interrompre le délai de prescription que jusqu'à la fin de l'année 2016, soit antérieurement à l'émission des avis à tiers détenteurs en litige, qui sont datés du 29 juin 2017. Il en va de même de l'avis à tiers détenteur du 20 décembre 2012 adressé au Crédit Lyonnais et notifié à M. B... à son adresse à Septèmes-les-Vallons et retourné avec la mention " non réclamé ". S'agissant en outre des deux mises en demeure de payer du 11 juillet 2013, qui portent, respectivement, sur l'impôt sur le revenu au titre des années 2001 à 2003 (n° 1M00010) et sur l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2000 (n° 1M00011), il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre, que l'adresse utilisée par le service était erronée, puisque les plis ont été envoyés au n° 287 Vallon de la Rougière à Septèmes-les-Vallons, au lieu du n° 65. De plus, les accusés de réception produits ne précisent pas le motif de retour des plis au service. S'agissant ensuite des deux mises en demeure du 19 mars 2015, qui portent sur les montants respectifs de 232 479 euros au titre de l'impôt sur le revenu de 2001 à 2003 et de 383 082 euros au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2000 et des contributions sociales de 2003, elles ont été envoyées à la même adresse erronée de Septèmes-les-Vallons. Au surplus, cette adresse n'était pas celle déclarée par M. B... au 1er janvier 2015, qui résidait au 13 rue des Augustins à Marseille. Ces mises en demeure n'ont ainsi pas été régulièrement notifiées et n'ont pu davantage interrompre la prescription.

7. Le ministre se prévaut cependant, pour la première fois en appel, d'un avis à tiers détenteur du 19 mars 2015 émis à l'endroit du Crédit Lyonnais et notifié à M. B.... Contrairement à ce que fait valoir en défense l'intimé, la production d'une telle pièce devant le juge d'appel n'a pas, en tout état de cause, pour effet de porter atteinte au principe d'égalité des armes inhérent à la notion de procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni aux principes d'égalité et de proportionnalité garantis par l'article 14 de la convention précitée et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention, dès lors que l'intéressé dispose devant le juge de la faculté de discuter de la régularité de la notification de la pièce précitée, ainsi qu'il l'a au demeurant fait devant la Cour. L'avis à tiers détenteur, d'un montant de 616 270,28 euros, qui porte sur l'impôt sur le revenu des années 2000 à 2003 et les contributions sociales des années 2002 et 2003, a été notifié à M. B... à son adresse sise 13 rue des Augustins à Marseille, qui correspond bien, ainsi qu'il a été dit au point précédent, à celle qu'il avait déclarée au 1er janvier 2015. L'accusé de réception de ce pli permet de constater qu'il a été présenté le 27 mars 2015 avant d'être mis en instance puis retourné au service comme " non réclamé ". Le Crédit Lyonnais a répondu le 7 avril 2015 que le compte de M. B... disposait d'un solde de 396,30 euros, lequel était insaisissable, ce qui démontre qu'il a bien reçu notification de cet avis.

8. M. B... conteste la notification régulière à son endroit de cet avis à tiers détenteur du 19 mars 2015. Si l'intéressé soutient, d'une part, que la notification de cet avis n'est pas régulièrement intervenue à l'adresse précitée, en l'absence de production de l'enveloppe contenant le pli, les pièces produites par le ministre, qui indique d'ailleurs que le pli a été adressé dans une enveloppe à fenêtre, sont suffisantes pour justifier de la régularité de l'envoi. En particulier, la mention sur l'accusé de réception de ce que le pli a été présenté et son destinataire avisé suffit à démontrer, sauf élément contraire en ce sens, qu'il a été informé de sa mise en instance. D'autre part, M. B... fait également valoir que le pli ne l'a pas atteint dans la mesure où il était incarcéré à la date de sa notification. Si les pièces produites par les parties sont contradictoires quant à la période d'incarcération de M. B..., l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, avoir informé en temps utile l'administration du changement de domicile résultant de cette incarcération. A cet égard, il ne saurait utilement soutenir que l'administration avait connaissance de son incarcération et du lieu de celle-ci du seul fait qu'elle aurait adressé en janvier 2015 des avis à tiers détenteur le concernant à la locataire de son logement situé à Marseille. M. B... n'est en outre pas fondé à se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-CF-IOR-10-30 n° 490, qui est relative à la procédure d'imposition. Par conséquent, l'avis à tiers détenteur du 19 mars 2015 a pu valablement interrompre la prescription quadriennale s'agissant des cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. B... au titre des années 2000 à 2003 et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003, ainsi que des pénalités correspondantes. Les créances correspondantes n'étaient donc pas prescrites au moment de l'émission, par le comptable public, de l'avis à tiers détenteur du 29 juin 2017.

S'agissant du recouvrement des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2008 ainsi que des majorations correspondantes :

9. Il résulte de l'instruction que ces impositions ont été mises en recouvrement le 14 octobre 2009 par voie de rôle. Selon le ministre, le délai de prescription a été interrompu par deux mises en demeure des 16 octobre et 14 novembre 2012, par l'avis à tiers détenteur du 20 décembre 2012 et, enfin, par celui du 19 mars 2015.

10. Toutefois, si la mise en demeure du 16 octobre 2012, libellée n° 1M0004, a été adressée à M. B... au 65 Vallon de la Rougière à Septèmes-les-Vallons, il résulte de l'instruction que l'adresse déclarée par l'intéressé au 1er janvier 2012 était celle déjà citée située à Marseille. Par conséquent, cet acte, non régulièrement notifié, n'a pu interrompre la prescription. S'agissant de la mise en demeure du 14 novembre 2012, envoyée à l'adresse précitée à Marseille, qui est bien celle déclarée par M. B..., les mentions figurant sur l'accusé de réception produit par l'administration sont insuffisamment claires et concordantes pour justifier de la régularité de la notification du pli dès lors qu'en particulier, aucune date de présentation n'est lisible, ce qui ne permet pas de démontrer que le pli a bien été présenté au domicile de M. B... et qu'il a bien été avisé de sa mise en instance.

Ainsi, cet acte n'a pas non plus interrompu la prescription. En outre, si l'avis à tiers détenteur du 20 décembre 2012 a bien été réceptionné par le Crédit Lyonnais qui y a répondu, l'administration ne justifie pas, par les pièces produites, de la régularité de la notification de cet avis à M. B..., dès lors, d'une part, qu'il a été envoyé au 65 Vallon de la Rougière à Septèmes-les-Vallons, qui n'est pas l'adresse déclarée par l'intéressé au 1er janvier 2012 et, d'autre part, que l'accusé de réception ne permet pas d'identifier la date de présentation du pli, retourné comme " non réclamé ", et de démontrer que l'intéressé a été informé de sa mise en instance. Enfin, la mise en demeure du 11 juillet 2013, libellée n° 1M0009, a été envoyée au 287 Vallon de la Rougière, à Septèmes-les-Vallons, qui est une adresse, comme déjà indiqué au point 6 du présent arrêt, qui est matériellement erronée, de sorte que sa notification ne peut être regardée comme ayant pu valablement interrompre la prescription. Ainsi, la prescription de la cotisation de contributions sociales au titre de l'année 2008, d'un montant de 595 euros, majoration incluse, était acquise à M. B... à la date du 14 octobre 2013, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité des actes de recouvrement postérieurs invoqués par le ministre.

S'agissant du recouvrement des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2010 ainsi que des majorations correspondantes :

11. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2010 en litige ont été mises en recouvrement le 15 octobre 2011. Elles ont fait l'objet d'un avis à tiers détenteur du 19 mars 2015, lequel, à l'instar de celui évoqué dans les développements qui précèdent aux points 7 et 8, a été régulièrement notifié au Crédit Lyonnais et à M. B..., à son adresse à Marseille, les pièces produites par l'administration pour en justifier étant les mêmes. La prescription ayant été valablement interrompue par cet acte de recouvrement, cette imposition et les pénalités y afférentes, n'étaient pas prescrites à la date d'émission de l'avis à tiers détenteur du 29 juin 2017.

S'agissant du recouvrement des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2011 ainsi que des majorations correspondantes :

12. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2011 en litige ont été mises en recouvrement le 15 octobre 2012 par voie de rôle. La prescription a été valablement interrompue par l'avis à tiers détenteur du 19 mars 2015, qui est le même que celui évoqué précédemment au point 12 s'agissant des contributions sociales au titre de l'année 2010. La prescription ayant été valablement interrompue par cet acte de recouvrement, cette imposition et les pénalités y afférentes, n'étaient pas prescrites à la date d'émission de l'avis à tiers détenteur du 29 juin 2017.

13. Par suite, il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la prescription de l'action en recouvrement, pour prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions concernées à hauteur de la somme de 615 675,28 euros (616 270,28 euros - 595 euros) résultant de l'avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 d'un montant total de 616 270,28 euros et celle de l'obligation de payer les impositions concernées à hauteur de la somme de 1 268, 69 euros résultant de l'avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 d'un montant total de 2 242,69 euros.

14. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. B... :

15. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts (...) doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) ".

16. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales que les moyens relatifs à la régularité ou au bien-fondé des impositions dont le recouvrement est poursuivi par l'administration ne sont pas recevables à l'appui de la contestation de recouvrement formée dans les conditions prévues à cet article.

17. En premier lieu, M. B..., qui est bien la personne désignée par les rôles et les avis d'imposition subséquents correspondant aux sommes mentionnées dans les avis à tiers détenteur en litige, soutient qu'il n'est pas le redevable de l'imposition en litige car " il n'a pas accepté la succession ". Il invoque ainsi un moyen relatif au contentieux de l'assiette, qui, en application des dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, ne peut pas être présenté à l'appui d'une demande de décharge d'une obligation de payer.

18. En deuxième lieu, si M. B... fait valoir qu'il est fondé à demander la compensation de droits en vertu des articles L. 80 et L. 205 du livre des procédures fiscales à hauteur des contributions sociales assises sur une assiette illégalement majorée de 25 %, un tel moyen, qui vise à remettre en cause les modalités selon lesquelles ont été établies les cotisations de contributions sociales mises à la charge du contribuable, qui auraient été indûment majorées en méconnaissance des réserves d'interprétations ressortant des décisions du Conseil constitutionnel des 10 février et 7 juillet 2007, constitue un moyen d'assiette, qui n'est pas recevable dans le présent litige.

19. En dernier lieu, si M. B..., soutient que l'administration n'a pas produit de titre exécutoire concernant les impositions visées par les avis à tiers détenteur du 29 juin 2017, en particulier les rôles homologués conformément aux dispositions de l'article 1658 du code général des impôts, l'homologation des rôles constitue toutefois une opération qui se rattache à l'assiette de l'imposition et, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de cette opération est irrecevable à l'appui d'une requête relevant du contentieux du recouvrement.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge de l'obligation de payer les sommes résultant des deux avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 de montants respectifs de 615 675,28 euros en vue du recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2000 à 2003, de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, et de 1 268,69 euros en vue du recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais de justice :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 21 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 615 675,28 euros résultant de l'avis tiers détenteur du 29 juin 2017 d'un montant total de 616 270,28 euros est annulé.

Article 2 : L'article 2 du jugement du 21 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme de 1 268, 69 euros résultant de l'avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 d'un montant total de 2 242,69 euros est annulé.

Article 3 : L'obligation de payer les sommes résultant des deux avis à tiers détenteur du 29 juin 2017 de montants respectifs de 615 675,28 euros en vue du recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2000 à 2003 et de contributions sociales au titre des années 2002, 2003 et 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, et de 1 268,69 euros en vue du recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, est remise à la charge de M. B....

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics et les conclusions présentées par M. B... au titre des frais liés à l'instance sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. C... B....

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D... et Mme F..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

6

N° 19MA03295

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03295
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : PHILIP

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-03;19ma03295 ?
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