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01/06/2021 | FRANCE | N°19MA03802

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 01 juin 2021, 19MA03802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour délivré en qualité d' " étranger malade ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1901363 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête enregistrée le 9 août 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour délivré en qualité d' " étranger malade ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1901363 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dès la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me A... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

Sur le refus de renouvellement de son titre de séjour :

- il est insuffisamment motivé en fait ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen individualisé ;

- ce refus méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception, cette décision est dépourvue de base légale ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie personnelle ;

Sur le pays de renvoi :

- par voie de conséquence, cette décision sera annulée.

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité tunisienne, a demandé le 13 avril 2017 le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité d' " étranger malade " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté en litige du 27 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le requérant relève appel du jugement du 20 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de la décision en litige et du défaut d'examen particulier de la situation du requérant ne comportent en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Marseille par M. D.... Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 à 4 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

4. Le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans son avis du 23 janvier 2018, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers la Tunisie. Le requérant, qui souffre d'un lymphoedème congénital de la jambe gauche avec érysipèle associé à un trouble bipolaire de type 2 exigeant notamment un traitement médicamenteux au long cours composé d'un neuroleptique l'Abilify 10 mg, d'un anxiolytique le Lysanxia 10 mg et d'un antiépileptique le Lamictal 100 mg, n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier personnellement de cette prise en charge médicale dans son pays d'origine en se bornant à produire des articles de presse tunisiens de 2018 signalant qu'il existe en Tunisie une pénurie d'antidépresseurs et d'antiépileptiques. La seule circonstance qu'il ait bénéficié d'autorisations provisoires de séjour dans l'attente de l'examen de sa demande et de titres de séjour en qualité d'étranger malade valables du 12 février 2015 au 16 juin 2017 après le précédent avis du 12 février 2015 du médecin de l'agence régionale de santé n'est pas de nature à établir que cette autorisation aurait dû lui être renouvelée, dès lors que son état de santé a pu évoluer depuis cette période. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, qui ne s'est pas cru à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII, aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui renouveler son titre de séjour.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Le requérant établit sa présence habituelle en France depuis 2015. S'il produit le récépissé de l'enregistrement le 14 janvier 2013 de sa déclaration de PACS avec Mme E..., les éléments produits sont insuffisants pour établir l'existence d'une communauté de vie avec cette dernière. Le couple n'a pas d'enfants. L'exercice d'une activité professionnelle sur de courtes durées durant la période 2015 à 2018 ne permet pas par elle-même de justifier son intégration socio-professionnelle en France. Dans ces conditions, l'arrêté en litige portant refus de renouvellement de son titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents du présent arrêt qu'en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

8. En l'absence d'argumentation spécifique invoquée par M. D... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en prenant la mesure d'éloignement en litige par les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 lors de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne le pays de renvoi :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen du requérant tiré de ce que cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me A... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie pour information en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme C..., première conseillère;

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.

5

N° 19MA03802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03802
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-01;19ma03802 ?
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