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27/05/2021 | FRANCE | N°19MA00783

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 27 mai 2021, 19MA00783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune d'Antibes Juan-les-Pins a refusé d'édicter un arrêté interruptif de travaux à l'encontre de M. A....

Par un jugement n° 1700326 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2019 M. F..., représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 décembre 2016 par laquelle le maire de la commune d'Antibes Juan-les-Pins a refusé d'édicter un arrêté interruptif de travaux à l'encontre de M. A....

Par un jugement n° 1700326 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2019 M. F..., représenté par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision précitée ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 130-1 et L. 160-1 du code de l'urbanisme ;

- M. F... a réalisé des travaux sans autorisation sur un terrain classé en espace boisé classé, en méconnaissance de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme et le maire était donc tenu de prendre un arrêté interruptif de travaux (AIT), sur le fondement de l'article L. 480-2 alinéa 10 du code de l'urbanisme alors que le terrain de M. A... qui se situe dans une commune littorale devait être qualifié d'espace boisé significatif de la commune au regard de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, sur lequel seuls les aménagements légers sont autorisés, après délivrance d'un permis d'aménager sur le fondement de l'article R. 421-22 du même code.

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les travaux étaient achevés ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé que le parquet avait classé sans suite les procès-verbaux d'infraction qui lui avaient été transmis ; M. F... a déposé deux plaintes pénales contre M. A... le 2 juillet 2015 et 20 décembre 2016 qui sont en cours d'instruction ; l'action publique n'est pas prescrite ;

- la décision attaquée méconnait les articles L. 130-1, L. 160-1 et L. 610-1 du code de l'urbanisme ; l'infraction est caractérisée alors même qu'il n'y a pas eu abattage d'arbre mais un simple changement d'affectation d'un EBC et le maire était donc tenu de prendre un AIT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La présidente de la Cour a désigné M. I... G..., en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune d'Antibes Juan-les-Pins a, par courrier du 20 décembre 2016, refusé de faire droit à la demande de M. F..., propriétaire d'une parcelle située chemin Preynat, cadastrée CX n° 126, tendant à ce qu'il prenne un arrêté interruptif de travaux (AIT) à l'encontre de M. A..., son voisin, propriétaire d'une parcelle située 351, avenue des Eucalyptus, cadastrée section CX n° 178. M. F... relève appel du jugement du 12 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Les motifs exposés aux points 4 à 8 du jugement exposaient les raisons pour lesquelles le tribunal a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 130-1 du code de l'urbanisme, désormais codifié aux articles L. 113-1 et L. 113-2 du même code, ainsi que de la méconnaissance de l'article L. 610-1 du code de l'urbanisme, qui renvoie à l'article L. 480-2 du même code. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision attaquée dispose que : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. ". Et aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'interruption des travaux peut être ordonnée, dans les mêmes conditions, sur saisine du représentant de l'Etat dans la région ou du ministre chargé de la culture, pour les infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine./ [...]Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public [...] Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public... ". Et l'article L. 480-4 du même code précise que: " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros... ". En outre, l'article L. 610-1 du même code alors en vigueur dispose qu'" En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des plans locaux d'urbanisme. / Les sanctions édictées à l'article L. 480-4 s'appliquent également : / 1° En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les articles L. 111-1 à L. 111-10, L. 111-15, L. 111-23, L. 115-3 et L. 131-1 à L. 131-7 ainsi que par les règlements pris pour leur application ; / 2° En cas de coupes et d'abattages d'arbres effectués en infraction aux dispositions de l'article L. 421-4, sur les territoires des communes, parties de communes ou ensemble de communes où l'établissement d'un plan local d'urbanisme a été prescrit mais où ce plan n'a pas encore été rendu public. ". En vertu de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, le maire, agissant comme autorité de l'Etat, qui a connaissance d'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du même code est tenu d'en dresser procès-verbal, dont copie est adressée au ministère public. Dans ce cas, il peut, aussi longtemps que l'autorité judiciaire ne s'est pas prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux, en vertu de l'article L. 480-2 du même code. Dans le cas d'une construction sans permis, en vertu de l'article L. 480-2 alinéa 10 du code de l'urbanisme, le maire est tenu de prendre un arrêt interruptif de travaux.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme, anciennement L. 130-1 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations... ". Et selon l'article L. 113-2 du même code, anciennement codifié à l'article L. 130-1: " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. ".

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de zonage produit par le ministre en appel, que la parcelle cadastrée CX n° 178 appartenant à M. A... est classée seulement au Sud en " espace boisé classé " (EBC) mais que le Nord, qui comporte une construction n'est pas classé en EBC. Par suite, M. F... n'est pas fondé, en tout état de cause, à se prévaloir d'un procès-verbal d'huissier établi le 24 novembre 2016 qui constate la réalisation de travaux de terrassement en cours et la présence de nombreuses branches d'arbres coupées entreposées à proximité sur la partie Nord de la parcelle, qui n'est pas classée en EBC. Par le même procès-verbal, l'huissier de justice mandaté par M. F... a également constaté la présence de nombreuses branches d'arbres coupées ainsi que des troncs d'arbre découpés et entreposés sur la partie Sud de la parcelle. Toutefois un tel procès-verbal n'a pas été édicté par un officier ou un agent de police judiciaire ou par un fonctionnaires ou agent de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme et assermentés, conformément aux dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme citées au point 3. Et les photographies produites par M. F... sont, en tout état de cause postérieures à la décision attaquée ou ne revêtent pas de date certaine. Enfin il ressort du procès-verbal d'infraction dressé le 20 décembre 2016 que M. A... a fait obstacle à l'exercice du droit de visite, en méconnaissance de l'article L. 480-12 du code de l'urbanisme. Cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas permis de dresser un procès-verbal d'infraction constatant des faits de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements, alors qu'un tel procès-verbal d'infraction est un préalable nécessaire à l'édiction d'un arrêt interruptif de travaux, en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme précité. Dans ces conditions, à défaut de procès-verbal d'infraction constatant les faits reprochés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le maire a refusé de dresser un AIT.

6. Par ailleurs, si M. F... soutient que la parcelle d'assiette du projet serait classée en " espace boisé significatif " sur le fondement de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, désormais codifié à l'article L. 121-27 du même code, il ne l'établit pas, en tout état de cause, en se bornant à soutenir que la commune d'Antibes-Juan-les-Pins est une commune littorale.

7. En outre, si le procès-verbal d'infraction dressé le 31 juillet 2013 et complété le 9 novembre 2015 mentionne la présence d'une construction d'une surface de plancher de 6 m² et d'une emprise de 8,10 m², réalisée sans autorisation sur la partie Sud du terrain, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'huissier du 4 novembre 2016 que cette construction était achevée le 20 décembre 2016, ce qui faisait obstacle à ce que le maire prenne un arrêté interruptif de travaux. A cet égard M. F... n'est pas fondé à se prévaloir de la présence d'outillages sur le terrain, alors notamment que des travaux de terrassement étaient en cours sur la partie Nord, comme il a été dit au point 5. Et le constat d'huissier dressé le 6 février 2017 qui mentionne la construction d'un escalier en éléments préfabriqués de neuf marches, supporté de part et d'autre par un mur en pierre sèches " façon restanque " de 2,40 mètres de long par 1,10 mètre de large, est postérieur à la décision attaquée. En tout état de cause de tels travaux ne relèvent pas d'un permis de construire en vertu de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme.

8. Enfin, ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal, le Procureur de la République a informé le maire par courrier du 30 novembre 2015 qu'il procédait à un classement sans suite du procès-verbal d'infraction n° 2013/40 dressé le 31 juillet 2013 suite aux visites sur place des 27 mai 2013 et 29 juillet 2013, l'action publique étant prescrite. Par ailleurs dans le procès-verbal du 20 décembre 2016 aucune infraction n'a pu être constatée, ainsi qu'il a été dit au point 5. Et M. F... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de classement sans suite du procès-verbal d'infraction dressé le 10 février 2017, postérieurement à la décision attaquée. Il ne peut davantage utilement se prévaloir de la plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée le 1er mars 2016 auprès du tribunal de grande instance de Grasse pour les mêmes faits que ceux ayant donné lieu au classement sans suite, ni de celle déposée le 23 décembre 2016, postérieurement à la décision attaquée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. F... dirigées contre la commune d'Antibes qui n'est pas partie perdante, dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à M. B... A... et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, où siégeaient :

- M. G..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E..., première conseillère,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.

2

N° 19MA00783

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00783
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : BOUBAKER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-27;19ma00783 ?
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