Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 13 mars 2017 du directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Anne de Ponte rejetant sa demande indemnitaire, de condamner l'établissement à lui verser une provision de 2 500 euros et les sommes de 54 373,82 ou de 34 373,82 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime, de prescrire, avant-dire droit, une mesure d'expertise sur l'étendue de ses préjudices physiques, et d'enjoindre au directeur de l'établissement de la rétablir dans ses fonctions, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1701475 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'EHPAD Résidence Anne de Ponte à verser à Mme D... la somme de 7 500 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2020 et le 1er mars 2021, l'EHPAD Résidence Anne de Ponte, représenté par la Selarl Maillot Avocats et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser la somme de 7 500 euros à Mme D... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement ne comporte pas les mentions prévues par l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le jugement n'est pas signé ;
- le jugement ne s'est pas prononcé sur la demande d'expertise ;
- il n'a pas été demandé à la requérante de régulariser sa requête en chiffrant les préjudices physiques dont elle demande l'indemnisation ;
- le harcèlement moral n'est pas établi ;
- aucune faute n'a été commise dans la procédure aboutissant à la reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus le 12 mai 2014 et entre le 4 mars et le 15 décembre 2015 ;
- il n'est pas établi que l'agent aurait bénéficié d'un traitement différent de celui de ses collègues ;
- les préconisations du médecin de prévention ont été prises en compte ;
- les préjudices ont été surévalués.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 novembre 2020 et le 2 avril 2021, Mme D..., représentée par la SCP GMC Avocats Associés, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du 31 décembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nîmes a limité à 7 500 euros la somme au versement de laquelle il a condamné l'EHPAD Résidence Anne de Ponte ;
- de condamner l'EHPAD Résidence Anne de Ponte à lui verser la somme de 61 126,02 euros à titre indemnitaire ;
- d'ordonner avant dire-droit une mesure d'expertise ;
- de condamner l'EHPAD Résidence Anne de Ponte à lui verser une provision de 2 500 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'EHPAD Résidence Anne de Ponte la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularités ;
- elle a été victime de harcèlement moral ;
- la procédure de reconnaissance de l'imputabilité au service des divers accidents dont elle a été victime a été méconnue ;
- le principe d'égalité de traitement a été méconnu ;
- les préconisations du médecin de prévention ne sont pas respectées ;
- ses préjudices ont été sous-évalués ;
- l'expertise est nécessaire pour chiffrer ses préjudices autres que financiers.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant l'EHPAD Anne de Ponte et de Me A..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. L'EHPAD Résidence Anne de Ponte relève appel du jugement du 31 décembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à Mme D..., adjointe des cadres en charge de la direction des ressources humaines, la somme de 7 500 euros à titre indemnitaire. Par la voie de l'appel incident, Mme D... sollicite une meilleure indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime. Elle demande par ailleurs que soit ordonnée une mesure d'expertise et que l'EHPAD Résidence Anne de Ponte soit condamné à lui verser une provision de 2 500 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal, après avoir appelé l'affaire à une audience du 21 novembre 2019, l'a renvoyée à l'audience du 19 décembre 2019 en raison de la réouverture de l'instruction rendue nécessaire pour permettre la communication d'une note en délibéré présentée pour Mme D..., qui a dès lors été visée et analysée comme un mémoire. C'est, dans ces conditions, à bon droit que les premiers juges, qui ont également visé et analysé comme un mémoire la note en délibéré présentée le 3 décembre 2019 pour l'EHPAD Résidence Anne de Ponte, n'a mentionné dans son jugement que les informations relatives à l'audience qui s'est tenue le 19 décembre 2019 sans rappeler celles relatives à l'audience du 21 novembre précèdent.
3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation qui a été notifiée à l'établissement requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
4. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par l'EHPAD Résidence Anne de Ponte, le tribunal qui, en tout état de cause, n'est pas tenu de suivre les conclusions du rapporteur public, s'est expressément prononcé sur la demande d'expertise présentée par Mme D... qu'il a rejetée au point 13 du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
7. Comme les premiers juges l'ont retenu par des motifs pertinents, l'entretien que Mme D... a eu le 12 mai 2014 avec la directrice de l'établissement, s'il a été à l'origine d'une pathologie reconnue imputable au service, ne peut être regardé comme s'inscrivant dans un processus de harcèlement moral. Il en va de même du retard allégué avec lequel ont été prises les décisions des 24 mars 2015 et 21 décembre 2016 reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 12 mai 2014, dont le tribunal a considéré, à juste titre, qu'il n'était pas établi qu'elles auraient été prises à l'issue de procédures irrégulières. Enfin, Mme D... n'établit pas qu'elle aurait perdu douze jours de récupération du temps de travail en raison des agissements de la directrice de l'EHPAD ni qu'elle aurait été systématiquement contrainte de choisir ses jours de congés après ses collègues.
8. Il résulte en revanche de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté, que lors du retour de Mme D... le 16 décembre 2015 après 19 mois d'absence pour raisons de santé, la directrice de l'EHPAD, qui ne l'a pas reçue, a laissé une simple note sur son bureau l'informant de son placement en congés pour les deux semaines à venir et une fiche de poste lui attribuant des tâches relevant d'un adjoint administratif et non d'un adjoint des cadres, en établissant, le même jour, une note qui, sans même mentionner son retour, informait le personnel qu'il lui faudrait s'adresser aux collègues de Mme D... ou à la direction. Il est également établi que lui a alors été attribué un ordinateur ne lui permettant de se connecter ni à Internet, ni même au réseau de l'établissement et non doté des " logiciels métiers ". Enfin, il résulte également de l'instruction que les horaires de travail de l'intéressée ont été modifiés sans qu'aucune raison convaincante, tirée de l'intérêt du service, puisse justifier une telle mesure. Comme les premiers juges l'ont retenu à bon droit, par leur nature et leur caractère répété, de tels agissements doivent être regardés, comme constitutifs de harcèlement moral à la charge de l'EHPAD défendeur, qui ne peut tenter de s'en exonérer en se prévalant de l'ordonnance du 18 janvier 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes confirmée par une décision du Conseil d'Etat du 8 décembre 2016 lesquelles, rendues en référé, ne sont pas revêtues de l'autorité de chose jugée.
9. En revanche, et dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté par la simple réitération en appel de l'argumentation soumise aux premiers juges, que la situation décrite au point ci-dessus a cessé lors du retour de Mme D..., le 23 juin 2017, à l'issue d'un arrêt de travail alors que la précédente directrice avait quitté l'établissement, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'existence d'une situation de harcèlement moral au cours de la période postérieure au 23 juin 2017 par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 5 de son jugement.
En ce qui concerne les préjudices :
10. Les premiers juges n'ont pas surévalué les troubles de toute nature dans les conditions d'existence, incluant les souffrances morales et le déficit fonctionnel temporaire, subis par Mme D... du 16 décembre 2015 au 22 juin 2017 en évaluant ce préjudice à la somme de 7 500 euros.
11. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas non plus établi par Mme D... que la suppression de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, du forfait de 10 heures supplémentaires mensuelles, de la prime de service, de la nouvelle bonification indiciaire et de l'indemnité de sujétion, le non-paiement d'heures supplémentaires et les retenues sur les salaires des mois de février et de mars 2018 sont en lien avec le harcèlement moral qu'elle a subi, ainsi que l'ont considéré à juste titre les premier juges. Il en est de même des préjudices sexuel et d'agrément qui ne peuvent être indemnisés pour ce motif.
12. Il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation de la dépression sévère dont Mme D... est atteinte par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 12 du jugement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD Résidence Anne de Ponte n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à indemniser Mme D.... Par ailleurs, il n'y a pas lieu de prescrire la mesure d'expertise demandée par Mme D... qui n'est pas non plus fondée à demander une meilleure indemnisation que celle qui lui a été accordée par le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
14. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties leurs frais de procédure respectifs.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'EHPAD Résidence Anne de Ponte est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de Mme D... et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence Anne de Ponte et à Mme B... D....
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2021.
6
N° 20MA00773