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20/05/2021 | FRANCE | N°19MA04679

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 20 mai 2021, 19MA04679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 1903179 du 30 septembre 2019, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2019, M. B..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 1903179 du 30 septembre 2019, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Nîmes du 30 septembre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Gard du 16 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

3°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- c'est à tort que le président du tribunal a rejeté sa demande comme tardive, dès lors que la notification de l'arrêté litigieux n'était pas assortie de l'information qu'il pouvait déposer son recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire dans lequel il était incarcéré ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il est entré en France non à l'âge de 30 ans mais de 21 ans ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, eu égard à sa situation familiale en France et à l'absence de tout risque de troubles pour l'ordre public ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet a insuffisamment motivé sa décision ;

- la durée de cette mesure est disproportionnée ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2021, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 5 avril 1973, relève appel de l'ordonnance du 30 septembre 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Aux termes de l'article R. 776-1 du même code : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article (...) ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / (...) ".

3. Par ailleurs, l'article L. 512-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile dispose : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ".

4. Enfin, d'une part, aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative ". D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du même code, issues du décret du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 du code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié à M. B... le 16 septembre 2019, postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions du code de justice administrative issues du décret du 28 octobre 2016, alors que l'intéressé était placé en détention. Toutefois, la notification de cet arrêté ne contient aucune information quant à la possibilité pour le requérant de déposer son recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, en application des dispositions précitées de l'article R. 776-31 du code de justice administrative. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que c'est à tort que, par son ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande enregistrée le 23 septembre 2018, tendant à l'annulation de cet arrêté, comme tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif deNîmes.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2019 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet a porté un examen particulier sur la demande de M. B..., à partir des éléments de la situation personnelle de l'intéressé alors portés à sa connaissance. Est à cet égard sans incidence l'erreur de plume par laquelle le préfet a mentionné que M. B... avait vécu jusqu'à l'âge de trente ans dans son pays d'origine.

8. En deuxième lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la naissance sur le territoire national, le 4 juin 2020, de la jeune A... F..., s'agissant d'une circonstance postérieure à la date de la décision contestée. En tout état de cause, il n'allègue pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de cet enfant, qu'il n'a au demeurant pas reconnue. Il n'établit pas davantage, par la seule attestation qu'il produit, entretenir une relation maritale stable avec la mère de cet enfant, étant d'ailleurs relevé qu'il s'est déclaré célibataire lors de son incarcération. En outre, l'intéressé ne conteste pas conserver des attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a lui-même vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, M. B..., condamné le 13 septembre 2019 par le tribunal correctionnel de Nîmes à une peine d'incarcération pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme, présente des risques de menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.

9. En dernier lieu, comme il a été dit au point 8, M. B..., qui n'a pas reconnu l'enfant A... et n'établit ni entretenir des relations suivies avec elle, ni contribuer à son éducation et à son entretien, n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire porte atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

11. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise notamment ces dispositions de l'article L. 511-1, expose avec suffisamment de précisions les motifs pour lesquels le préfet s'est fondé pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans à l'encontre de M. B....

12. En deuxième lieu, M. B... ne fait état d'aucune circonstance humanitaire justifiant que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ne soit pas assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français.

13. En troisième lieu, ainsi qu'il a été vu au point8, M. B... n'établit ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de la jeune A... F..., ni vivre maritalement avec la mère de cette enfant. Dans ces conditions, et eu égard par ailleurs à la faible durée de son séjour en France et à la menace qu'il représente pour l'ordre public, alors même qu'il n'aurait jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet du Gard a pu légalement fixer à trois ans la durée de la mesure litigieuse.

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 30 septembre 2019. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1903179 du 30 septembre 2019 du président du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,

- M. C..., conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mai 2021.

6

N° 19MA04679

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04679
Date de la décision : 20/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MEZOUAR

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-20;19ma04679 ?
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