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11/05/2021 | FRANCE | N°20MA03410-20MA04175

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mai 2021, 20MA03410-20MA04175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000924 en date du 8 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03410 le 8 septembre 2020, M. C..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2000924 en date du 8 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03410 le 8 septembre 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 du préfet de Vaucluse ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de communiquer toutes les pièces l'ayant conduit à prendre l'arrêté contesté ;

4°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas son état de santé et ne fait pas état de sa présence en France depuis trois ans, ainsi que des risques de persécutions en cas de retour au Nigéria et de la violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de fait dès lors qu'il retient qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé au Nigéria ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors qu'il pouvait bénéficier de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA04175 le 13 novembre 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 8 juillet 2020 ;

2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de la décision à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- eu égard à sa situation personnelle, l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables pour lui-même ;

- les moyens précités de la requête au fond présentent un caractère sérieux.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérien, né en le 23 décembre 1994, est entré en France le 24 juin 2017 selon ses déclarations. Il a présenté le 5 juin 2018 une demande d'asile qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 décembre 2019. Le 9 décembre 2019, M. C... a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 février 2020, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. C... relève appel du jugement du 8 juillet 2020 par lequel du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Les affaires enregistrées sous les n°s 20MA03410 et 20MA04175 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 20MA03410 :

3. En premier lieu, l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code précise que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. L'arrêté contesté, après avoir visé les textes applicables et notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne en particulier que M. C... a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile, que les conditions de l'article L. 313-11 11° de ce code ne sont pas toutes réunies, que l'intéressé ne fait valoir ni motifs exceptionnels ni considérations humanitaires qui viendraient étayer une admission exceptionnelle au séjour, que son seul maintien en séjour irrégulier ne saurait imposer la régularisation de sa situation administrative, et que la décision ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit dès lors être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Pour refuser de délivrer à M. C... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de Vaucluse s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 février 2020. Selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque vers son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Si le requérant soutient qu'il n'aurait pas accès à un traitement approprié à son état de santé au Nigéria, les pièces médicales qu'il produit, émanant du service de neurologie de l'hôpital Saint-Joseph à Marseille indiquant que M. C... a subi une intervention chirurgicale en 2017 en vue de l'ablation au niveau de la tête de corps étrangers provenant d'une arme à feu, et qu'il bénéficie d'un suivi ambulatoire et d'un traitement médicamenteux par mise sous Laroxyl en raison de céphalées frontales persistantes, ne se prononcent pas sur la disponibilité du traitement médicamenteux de l'intéressé au Nigéria, et, par suite, ne suffisent pas à le démontrer. Par ailleurs, M. C... n'établit pas, par la production d'éléments généraux sur les faiblesses du système de santé au Nigéria ainsi que des articles de journaux extraits du site internet " le monde " et " jeune B... ", qu'il serait dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement antidouleurs neuropathiques équivalent dans son pays d'origine. L'intéressé fait également valoir qu'il n'aurait pas les capacités financières de se procurer les médicaments dont il a besoin. Toutefois, il ne produit aucune pièce relative au prix de ces médicaments ou à la situation économique dans laquelle il se trouverait personnellement au Nigéria. M. C... ne remet ainsi pas utilement en cause l'appréciation portée par le préfet de Vaucluse sur l'existence d'un traitement approprié au Nigéria et sur son accès effectif à ce traitement. Dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ou même d'erreur de fait.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... déclare être entré en France le 24 juin 2017. Sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 22 octobre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 3 décembre 2019. En se prévalant de la circonstance qu'un retour au Nigeria conduirait à une rupture de son droit d'accès aux soins, M. C... ne justifie pas que l'arrêté contesté aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et que le préfet de Vaucluse aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Le requérant qui n'apporte aucune justification à l'appui de ses allégations, ne démontre pas encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet de communiquer les pièces sur lesquelles il s'est fondé pour porter son appréciation sur sa situation, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 20MA04175 :

14. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté présentées par M. C..., dans sa requête enregistrée sous le n° 20MA04175, sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions, ainsi que sur celles tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'autorité préfectorale de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, également dans cette requête, par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement contesté, ainsi que sur celles aux fins d'injonction, présentées par M. C... dans sa requête n° 20MA04175.

Article 2 : La requête n° 20MA03410 de M. C... et ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA04175 au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2021.

7

N° 20MA03410, 20MA04175

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03410-20MA04175
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : PHINITH

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-11;20ma03410.20ma04175 ?
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