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11/05/2021 | FRANCE | N°20MA01636

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 11 mai 2021, 20MA01636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1909851 en date du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enreg

istrés les 14 avril et 2 juin 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1909851 en date du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 avril et 2 juin 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

3°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

4°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône portant obligation de quitter le territoire ;

5°) à titre subsidiaire, à défaut d'annulation de la mesure d'éloignement, d'annuler la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

6°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

7°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard à sa résidence ancienne et continue sur le territoire français, la scolarisation de ses enfants depuis leur arrivée en France et à son insertion au sein de la société française ;

- elle remplit les conditions d'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des textes français ;

- elle justifie son admission au séjour au regard de motifs exceptionnels ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

- depuis le 17 mars 2020, l'Algérie a fermé ses frontières aériennes et maritimes et la France a suspendu la délivrance de visas jusqu'à nouvel ordre de sorte qu'aucun retour volontaire n'est envisageable ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle refuse l'octroi d'un délai de départ supérieur à trente jours et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 17 octobre 1975, déclare être entrée en France le 14 janvier 2016, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour et s'être maintenue depuis lors sur le territoire national. Le 19 septembre 2016, elle a sollicité le statut de réfugié, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 septembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 août 2017. Elle a fait l'objet le 19 juin 2019 d'une mesure portant obligation de quitter le territoire, abrogée le 24 septembre 2019 par le préfet des Bouches-du-Rhône, au motif qu'elle comportait des erreurs quant à la nationalité de l'intéressée et les conditions de son entrée sur le territoire français. Le 9 octobre 2019, Mme E... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de l'admettre au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 4 septembre 2020, Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :

3. En premier lieu, l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code précise que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. En l'espèce, la décision en litige vise les textes dont il est fait application, et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui des relations entre le public et l'administration. Elle mentionne par ailleurs les faits qui en constituent le fondement, à savoir le motif de la demande présentée par Mme E..., les circonstances de son entrée et de son séjour en France ainsi que sa situation personnelle et familiale en faisant état de sa qualité de mère de trois enfants mineurs. Elle précise, enfin, que Mme E... n'établit ni être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle peut poursuivre sa vie familiale avec ses enfants mineurs, ni relever de l'une des protections envisagées par les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que l'appelante soutient, la décision litigieuse ne se limite pas, ainsi, à une motivation stéréotypée. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de la décision contestée, telle qu'elle vient d'être exposée au point précédent, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen particulier et attentif de la situation personnelle de Mme E.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait fait spécifiquement état d'éléments nouveaux devant les services préfectoraux, de sorte que sont sans incidence les circonstances que la décision en litige soit rédigée dans les mêmes termes que l'arrêté abrogé du 19 juin 2019 et que seulement onze jours séparent son édiction du dépôt de la demande. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Le moyen doit dès lors être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Mme E... soutient qu'elle est entrée en France le 14 janvier 2016 et qu'elle y réside continûment depuis. Par le nombre, la diversité et la nature des pièces qu'elle produit, parmi lesquelles figurent notamment diverses pièces émanant de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, de la caisse des allocations familiales ou des services de l'aide médicale et divers documents médicaux tels des prescriptions de médecine de ville ou de praticiens hospitaliers, des résultats d'examens faisant état de soins reçus en France et de délivrance de médicaments en pharmacie également en France, ainsi que des relevés bancaires, des certificats d'hébergement ou d'élection de domicile, Mme E... doit être regardée comme établissant avoir résidé de manière habituelle en France depuis l'année 2016. Elle soutient également avoir fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux dans ce pays, être en charge de ses trois fils mineurs, nés en 2002, 2004 et 2011, qui y sont scolarisés et que ses attaches familiales sont en France. Toutefois, alors que le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant, pour un Etat, l'obligation générale de respecter le choix, pour une mère de famille, d'établir sa résidence sur son territoire, Mme E... ne fait état d'aucun obstacle majeur l'empêchant de reconstituer sa cellule familiale en Algérie, pays dont l'ensemble de la famille a la nationalité et où réside le père de ses enfants. En outre, aucun élément du dossier ne fait obstacle à ce que ses fils puissent poursuivre leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité, nonobstant leurs difficultés d'apprentissage. La circonstance que l'une de ses soeurs réside en France en situation régulière ne suffit pas à démontrer son absence totale d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans, d'autant qu'elle ne conteste pas que ses parents vivent en Algérie. Dans ces conditions, et alors même qu'elle justifie d'efforts en vue d'une insertion socio-économique, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien et à celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de l'appelante.

8. En quatrième lieu, la situation de Mme E..., de nationalité algérienne, étant entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision contestée, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Cet article n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Cet article définit ainsi, pour les personnes qui ne satisfont pas aux conditions fixées par le code pour la délivrance des cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 ou portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 et qui sollicitent leur régularisation, un régime d'admission exceptionnelle au séjour en France.

10. En l'espèce, en se bornant à invoquer la durée de son séjour sur le territoire national, la scolarisation de ses enfants et son intégration tirée notamment d'une activité professionnelle en qualité d'agent d'entretien, la requérante n'établit pas justifier de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel pour être admise exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision de refus de régularisation d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. En l'espèce, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer Mme E... de ses trois fils mineurs, dès lors qu'il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la cellule familiale ne pourrait pas être reconstituée hors de France. Il n'est, par ailleurs, pas établi que les enfants de l'intéressée ne pourraient poursuivre en Algérie leur scolarité, et notamment que ses deux fils cadets, Mohamed et Nassim, ne pourraient bénéficier effectivement en Algérie d'un suivi éducatif et médical approprié aux difficultés d'apprentissage qu'ils rencontrent. Par suite, la décision en litige ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour édictée à l'encontre de Mme E... n'est pas entachée des illégalités qu'elle allègue. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre par le préfet des Bouches-du-Rhône.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

15. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif au point 9 de son jugement, Mme E... n'établit pas la réalité des risques encourus ni des menaces qui pèseraient sur elle en cas de retour en Algérie, notamment en raison de son orientation sexuelle. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.

16. En troisièm lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

17. En dernier lieu, la requérante soutient qu'il n'existe aucune perspective raisonnable d'éloignement du fait de la suspension depuis le 17 mars 2020 de toutes les liaisons aériennes et maritimes à destination et en provenance de l'Algérie en raison de l'épidémie due au covid-19 ainsi que la suspension provisoire de la délivrance des visas par les autorités consulaires. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la fermeture des frontières, notamment aériennes, avec l'Algérie en raison de l'épidémie de covid-19 supprimerait toute perspective raisonnable de réacheminement des ressortissants algériens en situation irrégulière vers leur pays d'origine. En tout état de cause, les circonstances invoquées, qui ont trait à l'exécution de la décision contestée, sont dépourvues d'incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

18. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation (...) ". Il résulte de ces dispositions que la décision d'accorder un délai de départ volontaire ou de ne pas accorder un tel délai, dont l'objet même est distinct de celui de la mesure d'éloignement, résulte d'un examen par l'administration de la situation personnelle de l'étranger, au regard de critères différents de ceux qui fondent l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.

19. Mme E... soutient que le délai de départ volontaire de trente jours qui lui a été accordé est insuffisant pour lui permettre de préparer le départ de ses trois enfants mineurs scolarisés depuis leur arrivée en France, dont deux font l'objet d'un suivi scolaire individualisé et dont elle a la charge exclusive, et d'engager les démarches nécessaires auprès de son employeur pour mettre fin à son contrat de travail à durée indéterminée. Ces circonstances particulières sont de nature à établir qu'en s'abstenant de lui accorder un délai supérieur à trente jours, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme E....

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en tant qu'il fixe un délai de départ volontaire de trente jours.

Sur les conclusions en injonction :

21. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

22. L'exécution du présent arrêt implique, eu égard au seul motif retenu pour fonder l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire, que, dans un délai d'un mois suivant sa notification, le préfet des Bouches-du-Rhône procède à un nouvel examen de la situation de Mme E... au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

23. En premier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par Me C... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

24. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'admission provisoire de Mme E... à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La décision du 18 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône fixant le délai de départ volontaire à trente jours est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de reprendre une décision déterminant le délai de départ volontaire, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2021.

2

N° 20MA01636

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01636
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MANIQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-11;20ma01636 ?
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