Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires de Haute-Corse d'annuler la décision du 29 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour traumatismes des deux épaules.
Par un jugement n° 16/00030 du 15 janvier 2018, le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté la demande de M. D....
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. D..., enregistrée à son greffe le 12 mars 2018.
Par cette requête, M. B... D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 15 janvier 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 29 mars 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;
3°) de reconnaître son droit à pension au titre de son infirmité ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.
Il soutient que les traumatismes des deux épaules dont il souffre sont imputables au service en raison de deux accidents du 17 mars 2010 et du 3 janvier 2011, et dont le taux d'invalidité pour l'épaule gauche est de 20% et de 25% pour l'épaule droite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment son article 8 ;
- le décret du 29 mai 1919 modifié déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 20 janvier 1970, a, le 30 janvier 2012, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de deux infirmités, " séquelles de traumatisme de l'épaule droite : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes, radiographies : calcification du sus-épineux ", et " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche avec périarthrite calcifiante opérée : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes ". Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 29 mars 2016. M. D... fait appel du jugement du 15 janvier 2018 par lequel le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, devenu l'article L. 121-1 au même code : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 2 du code précité que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, l'intéressé doit rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité direct, certain et déterminant entre l'affection qu'il invoque et un ou des faits précis ou circonstances particulières de service. Cette preuve ne saurait résulter ni de vraisemblances ou d'hypothèses médicales, ni d'une concomitance avec le service.
3. Pour rejeter la demande de pension militaire d'invalidité de M. D..., la décision ministérielle du 29 mars 2016 retient que la preuve de l'imputabilité au service des accidents du 17 mars 2010 et du 3 janvier 2011 n'est pas établie, en l'absence de fait de service régulièrement constaté, alors que les taux des infirmités invoquées, tels qu'ils résultent de l'expertise du docteur Arrighi du 21 octobre 2015, s'élèvent pour l'infirmité de l'épaule gauche à 20% et pour celle de l'épaule droite à 25%, et ne sont pas sérieusement contestés.
4. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réorganisation des administrations militaires et de la création des GSBdD au 1er janvier 2011, les déclarations d'accidents et le traitement des dossiers de M. D... étaient compliqués, puisqu'il a relevé lors de son affectation en Corse, de son bataillon, puis du 2ème Régiment étranger de parachutistes puis du GSBdD. Ainsi, le médecin chef Brethenoux atteste le 5 décembre 2011 qu'il n'est pas en possession du registre des consultations de M. D.... En outre, la ministre fait valoir que l'accident du 17 mars 2010 allégué par le caporal-chef D... n'est pas mentionné sur le registre des consultations médicales alors qu'il a consulté à cette date au titre de la visite annuelle systématique des personnels. Il est cependant constant que dès lors que cette visite s'est déroulée le matin à jeun, il ne pouvait être fait mention d'un accident du même jour sur ledit registre, lequel a été complété a posteriori de la mention " accident constaté dans dossier médical ". En outre, il n'est pas contesté par l'administration qu'à la suite d'une consultation du 26 avril 2010, M. D... a été arrêté jusqu'au 9 mai 2010 par le docteur Jacquemin, médecin adjoint de la région de gendarmerie de Corse. Par ailleurs, le caporal-chef Luporsi, témoin de l'accident, atteste de la matérialité des faits qui se sont passés lors d'un déménagement par les caporaux chefs D..., Laffont et lui-même, de même que le major Sisti, responsable du déménagement, témoigne le 15 juillet 2016 de l'accident en indiquant que M. D... " ne pensait sur l'instant qu'à une simple tendinite ". Le rapport du capitaine Borde du 8 décembre 2011, établi sur la foi du témoignage du caporal-chef Luporsi, régularisant la prise en compte de l'accident du 17 mars 2010, est contresigné par le médecin en chef Brethenoux, responsable de l'antenne médicale d'Ajaccio. En 2012, le colonel Plessy, signe l'extrait du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service, qui fait mention du traumatisme des deux épaules de M. D... établi sur la base du rapport circonstancié du capitaine Borde du 8 décembre 2011 et du certificat médical de constatations rédigé le 17 mars 2010 par le docteur Jacquemin. Enfin, de manière constante, les comptes rendus de consultation dans divers services médicaux tels celui du docteur Malissard (27 septembre 2011), du docteur Trappier (8 février 2012) ou du docteur Luciani (18 juin 2014) font expressément référence à l'accident de service du 17 mars 2010. Dans ces conditions, compte-tenu de ces nombreuses pièces du dossier concordantes, M. D... doit être regardé comme apportant la preuve de l'imputabilité au service de l'accident du 17 mars 2010 survenu alors qu'il procédait au déménagement d'armoires fortes dont l'une d'elles en glissant des escaliers est venue freiner sa course sur ses deux épaules.
5. D'autre part, il résulte également de l'instruction, qu'un certificat du 7 avril 2011 établi par le médecin militaire adjoint de la région de gendarmerie de Corse indique, au vu du livret médical, que l'intéressé présente " depuis un an des douleurs des deux épaules suite à un déménagement du troisième étage de la citadelle. A ce jour, son état de santé nécessite encore des soins. En conséquence, estimons que l'intéressé peut bénéficier de l'établissement d'un rapport circonstancié avant inscription au registre des constatations. ". Les rapports circonstanciés du capitaine Borde du 14 octobre 2011, du colonel Boneton du 8 février 2012 et le registre des constatations du 10 janvier 2012 établissent que l'intéressé a consulté à l'infirmerie le 3 janvier 2011, date des travaux d'espaces verts qu'il a effectués, et qu'il a déclaré des douleurs aux deux épaules. M. D... a été opéré de l'épaule gauche le 31 octobre 2011. Ainsi, même si le livret médical de M. D... mentionne à la date du 3 janvier 2011 une consultation auprès du docteur Caubet, médecin adjoint de la région de gendarmerie de Corse, qui décrit des douleurs des deux épaules évoluant depuis avril 2010, et une rechute suite au port de plusieurs extincteurs et même si ce médecin indique également que l'intéressé n'a pas consulté immédiatement, M. D... doit être regardé comme apportant la preuve de l'imputabilité au service de l'accident du 3 janvier 2011, survenu alors qu'il effectuait un entretien d'espaces verts sur un massif en pierres et qu'il a ressenti de vives douleurs aux épaules. Au demeurant, dès lors que M. D... établit que le fait de service du 17 mars 2010 qui porte sur ses deux épaules est à l'origine de ses infirmités, ce seul évènement, avec lequel l'accident du 3 janvier 2011 est en cohérence suffit à lui ouvrir droit à la concession d'une pension militaire d'invalidité.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par le requérant, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que la ministre des armées a refusé de lui accorder une concession de pension militaire d'invalidité au titre des traumatismes de ses deux épaules avec un taux d'invalidité de 20% pour l'épaule gauche et de 25% pour l'épaule droite. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Haute-Corse a rejeté sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 16/00030 du 15 janvier 2018 du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse est annulé.
Article 2 : La décision du 29 mars 2016 du ministre de la défense qui refuse d'accorder une pension militaire d'invalidité à M. D... au titre de deux infirmités, " séquelles de traumatisme de l'épaule droite : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes, radiographies : calcification du sus-épineux ", et " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche avec périarthrite calcifiante opérée : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes ", est annulée.
Article 3 : M. D... a droit, à compter du 30 janvier 2012, à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'épaule droite : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes, radiographies : calcification du sus-épineux " au taux de 25%, et au titre de l'infirmité " séquelles de traumatisme de l'épaule gauche avec périarthrite calcifiante opérée : douleurs chroniques, raideur articulaire dans tous les axes " au taux de 20%.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021.
N° 19MA05136 2