Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Trottel Aja a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le maire de la commune d'Ajaccio a mis en demeure M. B..., établissement Anthinéa, de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris au sein de cet établissement, quartier Trottel, d'autre part, de lui attribuer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n°1700916 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2019, 18 octobre 2019, 3 février 2021 et 15 février 2021, la SCI Trottel Aja, représentée par la SCP Leandri, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2017 et de condamner la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son appel est recevable, le jugement attaqué ayant été joint à sa requête ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté, sans que la commune puisse invoquer l'urgence ;
- les constatations contenues dans le procès-verbal du 3 août 2017, servant de fondement à l'arrêté litigieux, sont entachées d'erreurs manifestes ; les travaux n'étaient pas entrepris, le chantier ayant seulement été approvisionné ; elle était titulaire d'un permis tacite qui n'avait pas produit tous ses effets, des ouvrages significatifs ayant été construits, les travaux n'ayant pas été interrompus pendant plus d'une année et ceux-ci étant en cours lorsqu'un incendie s'est déclaré ;
- l'arrêté est en conséquence entaché d'erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- le classement sans suite du procès-verbal du 3 août 2017 aurait dû conduire au retrait de l'arrêté pris sur son fondement ;
- cet arrêté est entaché de détournement de pouvoirs.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 janvier et 10 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2019, la commune d'Ajaccio, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI Trottel Aja au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute de production du jugement attaqué ;
- la demande indemnitaire est irrecevable faute de demande préalable ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tenant à l'irrecevabilité des moyens de légalité externe soulevés par la SCI Trottel Aja dans son mémoire complémentaire enregistré le 15 février 2021, dès lors que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, sont fondés sur une cause juridique distincte de celles invoquées dans sa requête d'appel enregistrée le 17 juillet 2019 et constituent ainsi une demande nouvelle présentée après l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Trottel Aja relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2017 par lequel le maire de la commune d'Ajaccio a mis en demeure M. B..., son gérant, de cesser immédiatement les travaux de construction entrepris au sein de l'établissement dit Anthinéa, quartier Trottel, d'autre part, à ce que la somme de 50 000 euros lui soit attribuée à titre de dommages et intérêts.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la SCI Trottel Aja qui n'a soulevé dans sa requête enregistrée le 17 juillet 2019 au greffe de la Cour que des moyens de légalité interne, invoque dans son mémoire complémentaire enregistré le 15 février 2021 des moyens de légalité externe à l'encontre de la décision attaquée. Ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte de ceux invoqués dans sa requête, constituent une demande nouvelle qui, présentée après l'expiration du délai d'appel est tardive et, par suite, irrecevable.
3. En deuxième lieu, aux termes du dixième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dans le cas de constructions sans permis de construire (...), le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux (...) ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. (...) ".
4. La SCI Trottel Aja s'est trouvée bénéficiaire, le 21 janvier 2009, d'un permis de construire tacite pour la réalisation d'un agrandissement par surélévation sur le toit terrasse du bâtiment dont elle est propriétaire cours Lucien Bonaparte à Ajaccio, afin d'y faire exploiter un espace de loisirs et de restaurant. Il ressort des pièces du dossier et des mentions ayant force de chose jugée d'un arrêt rendu par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bastia le 10 juillet 2019 que l'extension était close, couverte et exploitée, bien que quelques finitions demeuraient à réaliser, lorsque la construction a été détruite par un incendie, survenu le 3 janvier 2017. Les travaux, quoique non conformes aux prescriptions du permis de construire et non déclarés comme tels, avaient ainsi été achevés antérieurement au sinistre. Dès lors, il appartenait à la SCI Trottel Aja de solliciter, à la suite de cet incendie, la délivrance d'un nouveau permis de construire si elle entendait reconstruire le bâtiment, ce qu'il est constant qu'elle s'est abstenue de faire.
5. En tout état de cause, à supposer même que cette construction n'ait pas pu être regardée comme achevée à la date du sinistre et que le délai de validité du permis de construire tacite n'aurait commencé à courir que le 26 avril 2013, ainsi que la SCI Trottel Aja le soutient, ledit permis n'aurait, en application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, conservé sa validité que si les travaux commencés n'avaient pas été interrompus plus d'un an à partir du 26 avril 2016. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que de quelconques travaux pour la réalisation de la construction, distincts de ceux induits par la sécurisation du site à la suite de l'incendie, n'aient été engagés entre le 26 avril 2016 et le 25 avril 2017. Dès lors, le permis de construire tacite du 21 janvier 2009 était périmé au plus tard le 26 avril 2017.
6. Or, il ressort du procès-verbal dressé le 3 août 2017 qu'un contrôleur assermenté a constaté " la pose d'une structure métallique (poteaux) sur la toiture de l'établissement ". La société requérante n'apporte pas la preuve que, contrairement à ce qu'indiquent ces mentions, la reconstruction du bâtiment n'aurait pas alors été engagée. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le maire aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en prescrivant l'interruption de ces travaux sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme.
7. En troisième lieu, si elle soutient dans ses dernières écritures que le procureur de la République aurait classé sans suite le procès-verbal d'infraction du 3 août 2017 elle ne l'établit pas, cette circonstance n'étant au demeurant pas de nature à révéler l'illégalité de l'arrêté litigieux.
8. En quatrième et dernier lieu, le détournement de pouvoirs allégué n'est pas établi.
9. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées, il résulte de tout ce qui précède que la SCI Trottel Aja n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application au bénéfice de la SCI Trottel Aja, partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dès lors que des conclusions indemnitaires étaient présentées contre la commune d'Ajaccio et qu'elle est de ce fait partie à l'instance, de faire, dans les circonstances de l'espèce, application de ces dispositions à son bénéfice en mettant à la charge de la SCI Trottel Aja une somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Trottel Aja est rejetée.
Article 2 : La SCI Trottel Aja versera la somme de 2 000 euros à la commune d'Ajaccio au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Trottel Aja, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la ministre de la transition écologique et à la commune d'Ajaccio.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2021.
N°19MA03236 2