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10/05/2021 | FRANCE | N°19MA03172

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 10 mai 2021, 19MA03172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2017 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a ordonné de se dessaisir de l'arme de catégorie C dont il avait déclaré la détention ainsi que de toutes autres armes relevant des catégories B, C et D1° en sa possession.

Par un jugement n°1800336 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 5 septembre 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregi

strée le 15 juillet 2019, la préfète de la Corse-du-Sud demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2017 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud lui a ordonné de se dessaisir de l'arme de catégorie C dont il avait déclaré la détention ainsi que de toutes autres armes relevant des catégories B, C et D1° en sa possession.

Par un jugement n°1800336 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 5 septembre 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2019, la préfète de la Corse-du-Sud demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Bastia.

Elle soutient que :

- le dessaisissement s'impose alors même qu'une réhabilitation de plein droit serait théoriquement intervenue sur le fondement de l'article L. 133-13 du code pénal dès lors que l'une des infractions listées à l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure figure toujours au bulletin n°2 du casier judiciaire ;

- les autres moyens présentés devant le tribunal administratif sont non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2019, M. D..., représenté par Me F..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté ne disposait pas de la compétence pour ce faire ;

- la condamnation dont il a été l'objet a fait l'objet d'une réhabilitation acquise de plein droit et ne peut servir de base légale à l'arrêté litigieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Une note en délibéré, présentée par M. D..., a été enregistrée le 9 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de la Corse-du-Sud relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 5 septembre 2017 ordonnant à M. D... de se dessaisir de l'arme de catégorie C dont il avait déclaré la détention ainsi que de toutes autres armes relevant des catégories B, C et D1° en sa possession.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure dans sa version applicable : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories B et C et d'armes de catégorie D soumises à enregistrement : / 1° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l'une des infractions suivantes : (...) / -destruction, dégradation et détérioration d'un bien prévues à l'article 322-1 du même code ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : / (...) 2° Le demandeur ou le déclarant a été condamné pour l'une des infractions mentionnées au 1° de l'article L. 312-3 figurant au bulletin n° 2 de son casier judiciaire (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 133-13 du code pénal : " La réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n'a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle : / (...) / 2° Pour la condamnation unique (...) à un emprisonnement n'excédant pas un an, (...), après un délai de cinq ans à compter soit de l'exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ; / (...) / Les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale. / (...) ". Lorsque la réhabilitation est acquise, la mention de la condamnation est effacée, notamment du bulletin n°2 du casier judiciaire, en application des dispositions combinées des articles 133-11 et 133-16 du code pénal. L'article 778 du code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République peut demander la rectification de mentions erronées portées au casier judiciaire " par requête au président du tribunal ou de la cour qui a rendu la décision. Si la décision a été rendue par une cour d'assises, la requête est soumise à la chambre de l'instruction ". Les trois derniers alinéas de cet article précisent : " Toute personne qui veut faire rectifier une mention portée à son casier judiciaire peut agir dans la même forme. Dans le cas où la requête est rejetée, le requérant est condamné aux frais. / Mention de la décision est faite en marge du jugement ou de l'arrêt visé par la demande en rectification. / La même procédure est applicable au cas de contestation sur la réhabilitation de droit, ou de difficultés soulevées par l'interprétation d'une loi d'amnistie, dans les termes du troisième alinéa de l'article 769. ".

4. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'à la date de la décision attaquée le bulletin n°2 du casier judiciaire de M. D... comportait une mention d'une condamnation le 11 décembre 2008 pour une infraction de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, prévue à l'article 322-1 du code pénal. Dès lors, en l'absence de tout jugement dont il serait ressorti explicitement que cette mention aurait dû être effacée, M. D... était interdit d'acquisition et de détention d'armes des catégories B, C et D soumises à enregistrement, en application de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure. L'autorité administrative était par suite tenue, ainsi qu'il est soutenu, d'ordonner le dessaisissement litigieux. Elle n'avait notamment pas à apprécier la pertinence du maintien de cette inscription au regard du droit à réhabilitation institué par l'article 133-13 du code pénal, lequel pouvait seulement faire l'objet d'une contestation de la part de M. D... par requête au président du tribunal ayant prononcé ladite condamnation sur le fondement de l'article 778 du code de procédure pénale. Il s'ensuit que la préfète de la Corse-du-Sud est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur la réhabilitation dont M. D... alléguait avoir bénéficié s'agissant de cette condamnation du 11 décembre 2008 pour annuler l'arrêté de dessaisissement du 5 septembre 2017.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif et devant la Cour. Dès lors, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet se trouvait en situation de compétence liée pour ordonner le dessaisissement litigieux, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

6. En tout état de cause, d'une part, par un arrêté n°16-1115 du 6 juin 2016, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n°66 du 6 juin 2016, le préfet de la Corse-du-Sud a délégué à M. B... A..., sous-préfet, directeur de cabinet, la signature de tous les actes relevant de ses attributions, et particulièrement ceux relevant de la police de la détention d'armes. Ce dernier était par suite compétent pour signer l'arrêté litigieux portant dessaisissement.

7. D'autre part, la mention sur cet arrêté d'une condamnation prononcée le 11 décembre 2018, en lieu et place du 11 décembre 2008, résulte d'une erreur de plume et est dépourvue de toute incidence sur la légalité de cet acte.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Corse-du-Sud est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 5 septembre 2017.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Bastia ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2021.

N°19MA03172 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03172
Date de la décision : 10/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. Polices spéciales. Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BLONDIO MONDOLONI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-10;19ma03172 ?
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