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23/04/2021 | FRANCE | N°20MA02427

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 23 avril 2021, 20MA02427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... B... épouse A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2001941 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... B... épouse A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2001941 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 20 juillet 2020, le 5 novembre 2020 et le 16 mars 2021, Mme A... B... épouse A... D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête a été présentée dans le délai d'appel ;

- la compétence du signataire de l'arrêté contesté n'est pas établie ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... épouse A... D... relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Mme A... B... épouse A... D..., ressortissante marocaine, est entrée régulièrement en France le 18 avril 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa " famille de personnel administratif et technique " pour y rejoindre son époux qui a été désigné par les autorités marocaines pour exercer en France une mission culturelle d'enseignement dans le cadre d'un accord de collaboration entre les deux pays. Les époux ont ensuite bénéficié de titres de séjour " spéciaux " délivrés par le ministère des affaires étrangères. M. A... D... s'est ainsi vu délivrer un premier titre d'une durée de trois ans, valable du 12 décembre 2013 au 11 décembre 2016, renouvelé pour une durée de deux ans et expirant le 10 décembre 2018. La requérante, entrée en France postérieurement, s'est vu remettre un titre valable du 22 mai 2014 au 11 décembre 2016, renouvelé pour une durée de deux ans et expirant également le 10 décembre 2018. Le couple a trois enfants, nés au Maroc en 2008, 2010 et 2012, qui étaient eux-mêmes bénéficiaires de titres de séjour " spéciaux " délivrés par le ministère des affaires étrangères.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D..., qui enseigne la langue arabe dans le cadre des dispositifs " langues et cultures d'origine - ELCO " et " enseignements internationaux de langues étrangères " - EILE ", a exercé depuis 2013 dans différents établissements au sein des académies d'Aix-Marseille et de Montpellier, où ses prestations ont reçu des évaluations positives. Il a obtenu en France deux masters en sciences humaines et sociales, l'un en science de l'éducation et de la formation, spécialité recherche et formation, délivré au titre de l'année universitaire 2017-2018 avec mention assez-bien, l'autre en " métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF), pratiques et ingénierie de la formation ". M. A... D... apparaît donc parfaitement intégré dans la société française. Si l'insertion de la requérante, qui indique avoir préféré se consacrer à l'éducation de ses enfants et se prévaut de l'obtention d'un certificat de secourisme, de la participation à des cours d'alphabétisation et à des ateliers associatifs, semble moins patente, elle et ses trois enfants résidaient en France depuis près de six ans à la date de la décision, l'aîné n'étant âgé que de six ans lorsque la famille a quitté le Maroc. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, l'arrêté contesté a porté au droit au respect de la vie familiale de Mme A... B... épouse A... D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... B... épouse A... D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

7. Eu égard au motif d'annulation qui le fonde, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme A... B... épouse A... D.... Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de l'intéressée une nouvelle décision de refus. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... B... épouse A... D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 juin 2020 et l'arrêté du 5 février 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... B... épouse A... D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... B... épouse A... D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... B... épouse A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tarascon.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

2

N° 20MA02427

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02427
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ARNOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-23;20ma02427 ?
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