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19/04/2021 | FRANCE | N°19MA02510-19MA02513

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 19 avril 2021, 19MA02510-19MA02513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI l'Incantu a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le maire de Corbara a accordé à Mmes C... et G... A... B... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section B n° 1974, au lieu-lit Marine de Davia, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Mmes A... B... ont demandé en retour au tribunal administratif de Bastia de condamner la SCI l'Incantu à leur verser la somme de 903 353,62 euros

en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI l'Incantu a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le maire de Corbara a accordé à Mmes C... et G... A... B... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section B n° 1974, au lieu-lit Marine de Davia, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Mmes A... B... ont demandé en retour au tribunal administratif de Bastia de condamner la SCI l'Incantu à leur verser la somme de 903 353,62 euros en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Par un jugement n° 1700944 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 janvier 2017 du maire de Corbara et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la SCI l'Incantu, et a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par Mmes A... B....

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 3 juin 2019 sous le numéro 19MA02510, et un mémoire, enregistré le 10 décembre 2019, Mmes A... B..., représentées par la SELARL Cornet-Vincent-Segurel, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI l'Incantu devant le tribunal administratif de Bastia ;

3°) de condamner la SCI l'Incantu à leur verser la somme de 903 353,62 euros en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de la SCI l'Incantu la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme ;

- la SCI l'Incantu n'a pas intérêt à agir contre le permis de construire contesté ;

- cet intérêt est illégitime ;

- sa demande était tardive ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme sont en réalité inopérants, dès lors qu'ils conduisent à remettre en cause la légalité du permis d'aménager le lotissement ;

- la construction n'entraîne pas d'extension de l'urbanisation ;

- elle s'inscrit dans la continuité d'un village existant ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme est infondé, dès lors que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé dans un espace remarquable ;

- la demande présentée par la SCI l'Incantu était abusive, dès lors qu'elle tendait au respect de dispositions qu'elle a elle-même méconnues.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2019 et le 30 janvier 2020, la SCI l'Incantu, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par Mmes A... B... ;

2°) de mettre à la charge solidaire de Mmes A... B... et de la I... la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par Mmes A... B... sont infondés ;

- le dossier de demande ne comportait pas de document graphique permettant d'apprécier notamment l'insertion du projet, en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme est contraire à l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme, tel que précisé par le projet d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;

- le projet méconnaît l'article UD 9 du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée à la I..., qui n'a pas produit d'observations.

II.- Par une requête, enregistrée le 4 juin 2019 sous le numéro 19MA02513, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 28 janvier 2020, la I..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI l'Incantu devant le tribunal administratif de Bastia ;

3°) de mettre à la charge de la SCI l'Incantu la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme ;

- la SCI l'Incantu n'a pas intérêt à agir contre le permis de construire contesté ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme est infondé, dès lors que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé dans un espace remarquable ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme est infondé, dès lors que le projet s'insère dans un lotissement déjà aménagé et qu'il se borne à densifier l'urbanisation existante ;

- il est compatible avec le PADDUC, qui permet le renforcement des zones urbaines en dehors des agglomérations et des villages existants ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme est infondé, dès lors que l'extension de l'urbanisation est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme et que le projet est compatible avec les dispositions du PADDUC ;

- les moyens nouveaux soulevés par la SCI l'Incantu sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 octobre 2019 et le 30 janvier 2020, la SCI l'Incantu, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la I... ;

2°) de mettre à la charge solidaire de Mmes A... B... et de la I... la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la I... sont infondés ;

- le dossier de demande ne comportait pas de document graphique permettant d'apprécier notamment l'insertion du projet, en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- le projet méconnaît l'article UD 9 du plan local d'urbanisme ;

- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le plan local d'urbanisme est contraire à l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme, tel que précisé par le PADDUC.

Par des observations, enregistrées le 10 décembre 2019, Mmes A... B..., représentées par la SELARL Cornet-Vincent-Segurel, demandent à la cour de faire droit à l'appel de la I....

Elles reprennent les conclusions et les moyens présentés dans l'instance n° 19MA02510.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations J... D..., représentant Mmes A... B..., et J... H..., représentant la I....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 décembre 2010, le maire de Corbara a délivré à M. H... un permis d'aménager un terrain jusqu'alors non construit situé au nord de la Marina di Davia. La SCI l'Incantu a acquis le lot n° 6 et fait construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section B numéro 1971 après avoir obtenu un permis de construire par un arrêté du 18 septembre 2014. Mmes A... B... ont acquis le lot n° 11. Le maire de Corbara leur a délivré un permis de construire une maison individuelle par un arrêté du 23 janvier 2017. Par un courrier reçu le 17 mai 2017, la SCI l'Incantu a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, qui a été implicitement rejeté.

2. Mmes A... B... et la I... font appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 janvier 2017 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la SCI l'Incantu, et a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par Mmes A... B....

3. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19MA02510 et 19MA02513 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Le jugement attaqué, qui précise au point 13 les raisons pour lesquelles le tribunal administratif a estimé que le projet était situé dans un espace remarquable ou caractéristique au sens de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, est suffisamment motivé sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme prévoit qu' " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. La SCI l'Incantu est propriétaire d'un bien immobilier situé à proximité immédiate de la parcelle du projet. La construction projetée est distante de la sienne d'environ douze mètres. Elle est susceptible d'affecter la vue depuis la propriété de cette dernière, quand bien même la perspective sur la mer serait conservée. Eu égard à ce qui a été rappelé au point précédent, la I... n'est pas fondée à exiger la preuve du caractère certain de l'atteinte invoquée. La SCI l'Incantu dispose ainsi d'un intérêt à agir contre le permis de construire contesté.

8. La construction de la SCI l'Incantu a été autorisée par un permis de construire devenu définitif. Si Mmes A... B... font valoir que les moyens invoqués conduiraient à remettre en cause la légalité de ce dernier, il n'en résulte pas pour autant que l'intérêt dont elle se prévaut serait illégitime.

9. D'autre part, l'article R. 6002 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 42415. " Les dispositions de l'article R. 42415 prévoient en outre que " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. (...) " Il ressort de ces dispositions que l'affichage du permis de construire sur le terrain d'assiette de la construction autorisée doit être effectué de telle façon que les mentions qu'il comporte soient lisibles de la voie publique ou, lorsque le terrain n'est pas desservi par une voie publique, d'une voie privée ouverte à la circulation du public.

10. Mmes A... B... n'ont pas fait initialement réaliser de constat d'huissier portant sur l'affichage des mentions relatives au permis de construire sur le terrain d'assiette du projet. Le rapprochement des attestations et des documents produits par les parties ne permet ni de connaître avec certitude les dates auxquelles le panneau d'affichage a été effectivement présent sur le terrain, ni de vérifier s'il comportait les mentions requises. Du fait de l'absence de ces éléments, il n'est pas établi que le délai de recours contentieux aurait expiré à la date à laquelle la SCI l'Incantu a présenté son recours gracieux. La demande présentée par cette dernière devant le tribunal administratif de Bastia n'est donc pas tardive.

Sur la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme :

11. L'article L. 121-8 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa version applicable au litige, que : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. " Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

12. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) rappelle le régime de l'extension de l'urbanisation prévu par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et définit les critères et indicateurs constituant un faisceau d'indices de nature à permettre d'identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse. A cet effet, le PADDUC prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire. Pour le village, celui-ci est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. Ces prescriptions, qui apportent des précisions au sens des dispositions du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, ne sont pas incompatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.

13. En revanche, la commune ne peut utilement se référer aux dispositions du PADDUC relatives à l'identification et à la délimitation des espaces urbanisés et aux renforcements urbains, qui précisent les règles générales d'urbanisme et non les règles spécifiques aux communes soumises à la loi littoral.

14. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent Mmes A... B..., la délivrance d'un permis d'aménager n'exonère pas les autorisations d'urbanisme ultérieurement délivrées du respect des règles d'urbanisme, telles que celles relatives au littoral.

15. En deuxième lieu, le projet porte sur la construction d'une maison individuelle de 249 mètres carrés sur une parcelle non construite en bordure de la Marina di Davia, à proximité d'un espace naturel remarquable. Il entraîne une expansion spatiale constitutive d'une extension de l'urbanisation au sens du PADDUC, quand bien même il ne correspond pas aux cas décrits par ce document à titre d'illustrations.

16. En troisième lieu, la Marina di Davia est une zone pavillonnaire d'environ deux cent cinquante maisons individuelles réparties de façon homogène selon le plan parcellaire et pour la plupart accompagnées de piscines. La commune précise qu'elle comporte des accès aux plages, des restaurants et des activités sportives. Compte tenu de sa trame, de sa morphologie, et de l'absence d'indices de vie sociale en dehors des activités de villégiature, elle ne constitue pas un village corse au sens du PADDUC, tel qu'il précise les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

17. Il suit de là que le tribunal administratif a retenu à bon droit le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Sur la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme :

18. Le premier alinéa de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme prévoit que : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. "

19. Le projet, tel que présenté au point 15, n'entraîne qu'une extension limitée de l'urbanisation contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif. Il se situe en outre dans la zone UD du plan local d'urbanisme, dont l'ouverture à l'urbanisation est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, par le rapport de présentation de la modification n° 6. La légalité des motifs justifiant l'ouverture à l'urbanisation n'est pas en elle-même contestée. Si la SCI l'Incantu fait valoir que le classement du terrain d'assiette du lotissement en zone UD méconnaît l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme, ce terrain est enclavé sur trois côtés au sein d'une zone résidentielle d'un seul tenant. Il ne présente pas le caractère d'une coupure d'urbanisation sur le plan topographique, et ne méconnaît donc pas cet article. L'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme doit donc être écartée. Le permis de construire respecte dès lors les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

20. Le tribunal administratif a ainsi retenu à tort le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

Sur la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme :

21. Il résulte des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme qu'aucune construction ne peut être autorisée dans les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, à l'exception d'aménagements légers.

22. Le PADDUC délimite la localisation des espaces à protéger en application de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme. Il précise que le trait de contour des espaces délimités dans les annexes cartographiques, représentant une bande de cent mètres, n'a pas vocation à délimiter de tels espaces. Il ajoute qu'il appartient aux documents locaux d'urbanisme d'identifier, chacun à son échelle, les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral. Ces prescriptions, prises sur le fondement du II de l'article L. 4424-11 et du I de l'article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales, ne sont pas incompatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.

23. Si la parcelle d'assiette du projet est partiellement couverte par le trait de contour du PADDUC délimitant l'espace remarquable de la punta di Vallitone, une bande côtière au nord, le PADDUC a entendu exclure de cet espace le décrochage au sein de la Marina di Davia que constitue le terrain ayant fait l'objet du permis d'aménager. Le plan local d'urbanisme classe la parcelle en question en zone UD, en limite de la zone non constructible constituée par l'espace remarquable de la punta di Vallitone. Il n'est ni établi, ni allégué, notamment par la SCI l'Incantu riveraine du projet, que la parcelle en question accueille des spécimens des espèces remarquables caractéristiques de la punta di Vallitone, telles que la fauvette à lunettes. La présence d'un facies monzogranitique, c'est-à-dire d'une roche magmatique plutonique, pour notable qu'elle soit sur le plan géologique, ne présente pas un intérêt archéologique contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif. A tout le moins, la présence de cette roche ne justifie pas à elle seule la protection du caractère remarquable du site. La parcelle, qui ne présente pas un intérêt paysager particulier, ne forme pas une unité paysagère avec la punta di Vallitone, notamment du fait de la présence de la construction de la SCI l'Incantu sur la parcelle voisine.

24. Le tribunal administratif a ainsi également retenu à tort le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme.

25. Enfin, le tribunal administratif a rejeté les conclusions reconventionnelles de Mmes A... B... présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme par des motifs appropriés, figurant au point 17 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.

26. Le moyen retenu au point 17 justifie le rejet des appels formés par Mmes A... B... et par la I.... Les requérantes ne sont donc pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 janvier 2017 du maire de Corbara et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la SCI l'Incantu, et rejeté les conclusions reconventionnelles de Mmes A... B....

Sur les frais liés au litige :

27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mmes A... B... et de la I... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI l'Incantu sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes C... et G... A... B..., à la I... et à la SCI l'Incantu.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2021.

2

Nos 19MA02510 - 19MA02513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02510-19MA02513
Date de la décision : 19/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CABINET CORNET-VINCENT-SEGUREL CVS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-19;19ma02510.19ma02513 ?
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