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15/04/2021 | FRANCE | N°20MA00040

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 15 avril 2021, 20MA00040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bagnols-sur-Cèze à lui verser la somme de 54 475 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence de reclassement et au titre de l'indemnité compensatrice des congés des années 2012 à 2017.

Par un jugement n° 1800703 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 2 475,66 euros correspondant à l'indemnit

compensatrice des jours de congés et a rejeté le surplus des conclusions de sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Bagnols-sur-Cèze à lui verser la somme de 54 475 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence de reclassement et au titre de l'indemnité compensatrice des congés des années 2012 à 2017.

Par un jugement n° 1800703 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 2 475,66 euros correspondant à l'indemnité compensatrice des jours de congés et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2020 et le 9 avril 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner la commune de Bagnols-sur-Cèze à lui verser la somme de 51 500 euros à titre indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bagnols-sur-Cèze la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande indemnitaire est recevable ;

- la responsabilité de la commune est engagée à partir du 28 juin 2012 jusqu'à la date de sa mise à la retraite pour invalidité, le 30 septembre 2017, pour ne pas l'avoir invitée à présenter une demande de reclassement et en l'absence de diligence pour la reclasser ;

- la commune n'établit pas qu'il n'existait pas des emplois vacants ni qu'elle ne pouvait pas aménager les emplois d'agents administratifs vacants entre 2012 et 2017 ;

- elle doit être indemnisée du préjudice moral à hauteur de 5 000 euros, du préjudice matériel à hauteur de 46 500 euros ou de 10 000 euros par année sans reclassement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mars 2020 et le 15 juin 2020, la commune de Bagnols-sur-Cèze, représentée par la SELARL Gil, Cros, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande indemnitaire est irrecevable dès lors qu'elle a été faite plus de quatre ans après l'arrêté du 25 juillet 2013 maintenant l'agent à demi-traitement dans l'attente d'un reclassement ;

- à titre subsidiaire, les sommes dues au titre de l'année 2012 sont prescrites depuis le 1er janvier 2017 ;

- la période au titre de laquelle la responsabilité de la commune est susceptible d'être engagée est comprise entre le 2 mars 2013 et le 31 janvier 2016 ;

- l'agent n'a pas présenté de demande de reclassement après l'entretien du 15 février 2013 ;

- elle n'avait aucune chance sérieuse d'être reclassée sur un des postes vacants compte-tenu de son cadre d'emploi, de son grade, de sa pathologie et de ses compétences ;

- à titre infiniment subsidiaire, les sommes demandées doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme A..., et de Me C..., représentant la commune de Bagnols-sur-Cèze.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qui ont résulté, selon elle, de l'absence de reclassement professionnel à compter du 28 juin 2012 jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité, le 30 septembre 2017.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Bagnols-sur-Cèze :

2. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.

3. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Nîmes le 5 mars 2018 d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence par la commune de Bagnols-sur-Cèze de reclassement pendant la période courant du 28 juin 2012 au 30 septembre 2017. La commune n'est dès lors pas fondée à opposer à l'intéressée le non-respect d'un délai raisonnable pour exercer son recours juridictionnel qui ne tendait pas à la contestation d'une décision administrative individuelle mais à l'indemnisation de ses préjudices.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Il résulte des dispositions combinées de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et des articles 1 et 2 du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par cet agent ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction. Toutefois, il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible à l'époque de la décision contestée.

5. Mme A..., adjoint technique municipal de 1ère classe employée en qualité d'agent d'entretien - cantinière au sein des écoles maternelles de la commune de Bagnols-sur-Cèze et souffrant de diabète et de lombalgies chroniques, a été reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions par un avis du comité médical départemental du 28 juin 2012, lequel a par ailleurs indiqué qu'un reclassement était possible sans manutentions. Il appartenait dès lors à la commune de mettre l'intéressée à même de présenter une demande de reclassement.

6. D'une part, contrairement à ce qu'elle fait valoir, la commune n'établit pas avoir invité Mme A... à présenter une demande de reclassement lors de l'entretien qui s'est déroulé le 15 février 2013 en présence de la directrice des ressources humaines. D'autre part, il résulte de l'instruction que si, à la suite de l'avis du comité médical départemental, la commune a proposé, lors de cet entretien, à l'intéressée un poste d'adjoint chargé de la garderie scolaire, de l'entretien des bâtiments, du gardiennage du musée ainsi que de l'animation auprès des personnes âgées, ce poste a été considéré par le médecin de prévention comme incompatible avec l'état de santé de l'intéressée par un avis du 1er mars 2013. Par ailleurs, la commune de Bagnols-sur-Cèze à laquelle il appartenait, en sa qualité d'employeur, de démontrer qu'aucun poste, fût-ce après aménagements, n'était susceptible d'être attribué à Mme A..., n'établit pas qu'il n'existait aucun poste vacant compatible avec les préconisations du comité médical susceptible d'être proposé à la requérante en se bornant à verser au dossier des notes de services relatives à des postes vacants en 2012, 2013 et 2017 et sept annonces directes de postes non datées, dont aucun ne correspond au grade, à l'emploi ou aux compétences de l'intéressée, et les tableaux des effectifs des agents communaux au 31 décembre des années 2012 à 2017 ne faisant pas état à ces dates de postes vacants d'agents techniques de 1ère classe, sans produire les avis de vacances de postes pour l'ensemble de la période, alors que la requérante soutient que des postes d'adjoints administratifs étaient vacants et pouvaient lui être proposés. Il suit de là qu'en ne respectant pas l'obligation, à laquelle elle était tenue, d'inviter l'agent à présenter une demande de reclassement et de chercher à le reclasser, la commune de Bagnols-sur-Cèze a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. La responsabilité de la collectivité est engagée du fait de l'existence d'une perte de chance de Mme A... d'avoir pu bénéficier d'un reclassement dans un emploi adapté à ses capacités et d'être maintenue en activité de la date à laquelle elle a été informée de l'avis du comité médical départemental jusqu'à la date légale de sa mise à la retraite, le 1er octobre 2017. Compte tenu des restrictions médicales et des aptitudes de la requérante, il sera fait une juste appréciation de son préjudice financier et de son préjudice moral en les évaluant à la somme globale de 10 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et à demander que la commune de Bagnols-sur-Cèze soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bagnols-sur-Cèze demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Bagnols-sur-Cèze une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A....

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de Mme A....

Article 2 : La commune de Bagnols-sur-Cèze est condamnée à verser à Mme A... la somme de 10 000 euros.

Article 3 : La commune de Bagnols-sur-Cèze versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Bagnols-sur-Cèze présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et à la commune de Bagnols-sur-Cèze.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2021.

5

N° 20MA00040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00040
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-15;20ma00040 ?
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