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13/04/2021 | FRANCE | N°20MA00888

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 avril 2021, 20MA00888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et Stéphanie D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le maire de Palau-del-Vidre a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par M. D... en vue de la régularisation de travaux d'extension d'une construction existante.

Par un jugement n° 1802183 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20

février 2020, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 19 mars 2021, M. et Mme D..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et Stéphanie D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 février 2018 par lequel le maire de Palau-del-Vidre a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par M. D... en vue de la régularisation de travaux d'extension d'une construction existante.

Par un jugement n° 1802183 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2020, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 19 mars 2021, M. et Mme D..., représentés par la SCPA A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Palau-del-Vidre du 27 février 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Palau-del-Vidre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'ils ont été privés de la possibilité de faire valoir leurs observations orales par le biais de leur conseil lors de l'audience du 10 décembre 2019 ;

- le tribunal a statué ultra petita au point 10 de son jugement ;

- le tribunal a " dénaturé " leur moyen tiré de la méconnaissance du règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation ;

- les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de droit et d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier ;

- le délai d'instruction de leur demande, porté à trois mois le 8 décembre 2017, ayant été ramené à deux mois le 22 décembre 2017, ils sont devenus titulaires d'un permis tacite à l'expiration du délai de droit commun de deux mois à compter de cette dernière date ;

- l'arrêté contesté, qui constitue un retrait de ce permis tacite, est insuffisamment motivé au regard des exigences du code des relations entre le public et l'administration ;

- ce retrait aurait dû être précédé de la procédure contradictoire prévue par le même code ;

- le motif fondé sur l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme est entaché d'illégalité ;

- le motif fondé sur l'article A 7 du même règlement est entaché d'erreur de droit et il appartenait au maire d'instruire la demande d'adaptation mineure ;

- le motif fondé sur le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation est illégal dès lors que le projet entre dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 1.2 de ce règlement.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2020, la commune de Palau-del-Vidre, représentée par la SCP HGetC, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire de M. et Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive dès lors que l'arrêté du 27 février 2018 constitue une décision confirmative d'un précédent refus de permis de construire ;

- les moyens invoqués par M. et Mme D... ne sont pas fondés ;

- la cour procèdera, le cas échéant, à une substitution de motifs dès lors que le projet litigieux doit être regardé comme portant sur une nouvelle construction méconnaissant les dispositions réglementaires mentionnées dans l'arrêté contesté et qu'il ne peut être autorisé sur le fondement des articles L. 111-15 ou L. 111-23 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a déposé, le 20 novembre 2017, une demande, complétée le 22 décembre suivant, en vue de la régularisation de travaux d'extension, d'une surface de plancher totale de quarante-trois mètres carrés, d'une construction existante implantée sur un terrain situé au lieu-dit " Els Pujols " sur le territoire de la commune de Palau-del-Vidre. Par un arrêté du 27 février 2018, le maire de Palau-del-Vidre lui a refusé la délivrance du permis de construire sollicité. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 février 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie. Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 2 décembre 2019, le conseil de M. et Mme D... a demandé à la présidente du tribunal administratif de Montpellier de reporter l'affaire devant être appelée lors de l'audience du 10 décembre suivant en se prévalant de la circonstance qu'il devait, le même jour, représenter d'autres clients devant la cour administrative d'appel de Marseille. Une telle circonstance ne constituant pas un motif exceptionnel tiré des exigences du débat contradictoire, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en refusant de faire droit à cette demande.

4. En deuxième lieu, en relevant, au point 10 du jugement attaqué, la circonstance que le plan local d'urbanisme de Palau-del-Vidre " n'a pas fait l'objet d'une évolution afin notamment d'autoriser dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 151-12 du code de l'urbanisme par un zonage et une réglementation propres à assurer la préservation de l'activité agricole et la qualité paysagère des sites concernée ", le tribunal ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu, être regardé comme ayant entendu répondre à un moyen, qui n'était pas invoqué devant lui, tiré de l'exception d'illégalité du règlement de la zone A de ce plan local d'urbanisme.

5. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D..., les premiers juges ne se sont pas livrés à une analyse erronée du moyen tiré de l'illégalité du motif de refus fondé sur le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation, auquel ils ont suffisamment répondu aux points 16 et 17 de leur jugement.

6. En quatrième et dernier lieu, si M. et Mme D... soutiennent que les premiers juges auraient commis plusieurs erreurs de droit et d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier, de telles critiques se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'existence d'un permis de construire tacite :

7. Il résulte des dispositions des articles L. 4242, R. 42319 et R. 42342 du code de l'urbanisme qu'une décision de permis de construire tacite naît à l'issue du délai d'instruction, éventuellement modifié, de la demande de permis de construire, en l'absence de notification d'une décision expresse de l'administration. Le caractère erroné du délai d'instruction notifié par l'autorité compétente ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'une décision de permis de construire tacite à l'issue du délai légalement applicable.

8. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire de M. D... a été déposée le 20 novembre 2017. Par une lettre du 8 décembre suivant, reçue par ce dernier dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 42342 du code de l'urbanisme, le maire de Palau-del-Vidre a indiqué à l'intéressé que le délai d'instruction de sa demande, initialement fixé à deux mois, était porté à trois mois afin de permettre la consultation du directeur régional des affaires culturelles et, en outre, sollicité la production de pièces complémentaires. Après avoir formé, le 15 décembre 2017, un recours gracieux contre la décision de majoration du délai d'instruction, M. D... a produit les pièces complémentaires sollicitées, lesquelles ont été reçues en mairie le 22 décembre 2017. Si le service instructeur a mentionné un délai d'instruction de deux mois dans le récépissé qu'il a établi à cette dernière date, les mentions de ce récépissé, qui ne se réfère d'ailleurs pas à ce recours gracieux, ne sauraient avoir remis en cause la décision, régulièrement notifiée, du maire de Palau-del-Vidre du 8 décembre 2017 qui a porté à trois mois le délai d'instruction, et ce quand bien même ce dernier délai présenterait un caractère erroné. Dans ces conditions, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir qu'un permis de construire tacite serait né à l'issue d'un délai d'instruction de deux mois à compter de la réception, le 22 décembre 2017, du dossier complet en mairie. Par suite, l'arrêté du 27 février 2018 en litige, notifié à l'intéressé avant l'expiration du délai d'instruction applicable de trois mois, ne saurait être regardé comme emportant le retrait d'un permis tacite.

En ce qui concerne la légalité du refus de permis de construire :

9. En premier lieu, l'arrêté contesté constituant un refus de permis de construire et non le retrait d'un permis tacite ainsi qu'il vient d'être dit, M. et Mme D... ne peuvent utilement invoquer les moyens tirés de l'insuffisance de motivation d'une telle décision de retrait et du défaut de procédure contradictoire préalable à un prétendu retrait.

10. En second lieu, en vertu de l'article A 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Palau-del-Vidre, sont notamment interdites, dans la zone A, les " constructions à usage d'habitation (...) autres que celles visées à l'article A 2 (...) ". L'article A 2 du même règlement dispose que : " (...) sont admis : / Les habitations, sous réserve : a) qu'elles soient directement liées et nécessaires aux besoins de l'activité agricole ; / b) que le demandeur apporte la preuve d'un lien suffisant entre la construction, l'exploitation agricole et la nature de l'activité agricole existante ; / c) qu'elles ne puissent, après leur construction, être disjointes de l'exploitation (construction en contiguïté ou par aménagement ou extension des bâtiments existants) (...) ". L'article 2 des dispositions générales de ce règlement, librement accessible tant sur le site internet de la commune de Palau-del-Vidre que sur le site internet " Géoportail de l'urbanisme ", précise notamment que : " (...) les dispositions du présent règlement s'appliquent aux constructions nouvelles, aux modifications ou extensions de constructions existantes ainsi qu'aux changements de destination avec ou sans travaux (...) ".

11. Il résulte des dispositions citées ci-dessus des articles A 1 et A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Palau-del-Vidre que seules peuvent être autorisées, dans la zone A, les constructions destinées à l'habitation qui sont directement liées et nécessaires aux besoins de l'activité agricole, sous réserve du respect de certaines autres conditions. En l'absence de précision contraire du règlement sur ce point, ces dispositions sont applicables tant aux constructions nouvelles destinées à l'habitation qu'à l'extension des constructions existantes ayant une telle destination.

12. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. D..., le maire de Palau-del-Vidre s'est fondé sur un premier motif tiré de ce que, l'habitation n'étant pas directement liée et nécessaire aux besoins d'une activité agricole, l'extension de ce bâtiment existant ne peut être autorisée en vertu de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme communal. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause vise, pour l'essentiel, à régulariser des travaux d'extension réalisés de part et d'autre d'un bâtiment d'habitation ancien. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le projet litigieux, consistant en l'extension de ce bâtiment, est soumis au respect des conditions fixées par l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Si les appelants se prévalent de la circonstance que Mme D... est agricultrice et indiquent que des oliviers ont été plantés au cours de l'année 2014 et qu'ils ont entrepris d'acquérir plusieurs parcelles limitrophes du terrain d'assiette afin d'étendre leur oliveraie, ces seuls éléments ne sauraient suffire à démontrer l'existence d'une activité agricole d'une consistance suffisante. Dans ces conditions, et alors au demeurant qu'il n'est ni établi ni même allégué que la présence permanente d'une personne serait requise sur le lieu d'exploitation, le projet litigieux ne saurait être regardé, à la date de l'arrêté contesté, comme étant directement lié et nécessaire aux besoins d'une activité agricole au sens et pour l'application des dispositions de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Palau-del-Vidre. Par suite, le maire de Palau-del-Vidre n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en refusant de délivrer le permis de construire sollicité par M. D... à titre de régularisation.

13. Il résulte de l'instruction que le maire de Palau-del-Vidre aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le seul motif de refus tiré de l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu, pour la cour, de se prononcer sur les deux autres motifs de refus fondés, respectivement, sur l'article A 7 du même règlement et sur le règlement de la zone B3 du plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de la commune de Palau-del-Vidre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Palau-del-Vidre du 27 février 2018.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Palau-del-Vidre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Palau-del-Vidre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Palau-del-Vidre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et Stéphanie D... et à la commune de Palau-del-Vidre.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme Simon, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

6

N° 20MA00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00888
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS EMERIC VIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-13;20ma00888 ?
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